Vraiment idéale, la voiture à hydrogène ?
Elle ne pollue pas, roule loin et en silence. C’est la voiture à hydrogène, longtemps expérimentale mais enfin commercialisée par Toyota et Hyundai. Elle se pose en concurrente des voitures électriques à batterie. A long terme.
Le succès de la voiture hybride, la grande spécialité de Toyota, sert d’argument pour défendre la voiture à hydrogène commercialisée par le constructeur japonais depuis un an. La Mirai (futur en japonais) roule dans plusieurs pays européens. La Belgique en compte déjà quelques-unes.
La voiture à hydrogène est présentée comme la voiture électrique parfaite. Elle n’a pas besoin d’importantes batteries car l’électricité est fournie par une pile à combustible. Un dispositif qui utilise de l’hydrogène comme carburant pour produire de l’électricité. Pollution zéro : le seul déchet du processus est de l’eau, qui coule sous la voiture. Pendant plusieurs décennies, les constructeurs ont fait rêver les automobilistes en présentant des prototypes de voitures à hydrogène à tous les grands salons de l’auto, comme à Genève ou à Francfort, mais sans jamais les produire en série. Une sorte de futur permanent…
Une quinzaine d’autos en Belgique
La banalisation des voitures électriques a sorti la voiture à hydrogène du monde de la science-fiction. Les constructeurs asiatiques sont en pointe. Hyundai, Toyota et Honda sont les premiers à commercialiser des modèles. Les tarifs sont très élevés : la berline Toyota Mirai, vendue en Belgique depuis un an, est facturée 77.900 euros (66.000 HTVA), la Hyundai ix35 coûte 55.000 euros (HTVA, uniquement disponible pour les flottes). La Honda Clarity n’est pas vendue en Belgique. A peine une quinzaine d’autos roulent à l’hydrogène en Belgique. Toutes dans des entreprises puisqu’aucun particulier n’a encore tenté l’aventure. C’est peu. Toyota ne s’en inquiète pas car la voiture hybride avait connu un accueil similaire en 1997. ” Elle a été vendue à 10 millions d’exemplaires depuis lors “, indique Stephan Lesuisse, porte-parole de Toyota Belgique.
L’appétit pour les voitures propres est la conséquence des normes de plus en plus sévères frappant les moteurs à carburant, toujours plus chers à produire. Le dieselgate n’a rien arrangé. Les villes mènent aussi la vie dure aux autos en créant des zones à basse émission où plusieurs catégories de motorisation sont ou seront interdites.
La voiture électrique, sans ses inconvénients
La banalisation des voitures électriques a sorti la voiture à hydrogène du monde de la science-fiction.
Plusieurs constructeurs ont annoncé des programmes ambitieux de véhicules électriques (VW, Audi, Daimler Mercedes, Tesla, etc.) dans les 10 ans à venir, à des tarifs et autonomies plus attractifs que les véhicules électriques actuels. L’hydrogène, c’est la motorisation électrique sans ses inconvénients. Le premier étant l’autonomie généralement insuffisante des batteries et la longue durée des recharges. La voiture à hydrogène peut rouler 500 km et se recharger en quelques minutes. Elle est autorisée dans les parkings souterrains.
Qui dit nouvelle source d’énergie suppose des soucis d’alimentation. Et donc, dans ce cas-ci, de trouver des pompes à hydrogène. Il n’y en a qu’une en Belgique, à Zaventem (chaussée de Louvain) chez Air Liquide. Une deuxième devrait être installées à Hal, chez Colruyt, qui teste l’usage de l’hydrogène. ” Nous avons une pompe en interne qui sert à alimenter des chariots élévateurs, et nous avons aussi une Hyundai ix35 “, explique Raf Flebus, business unit manager chez DATS24, un réseau de stations-services appartenant au groupe Colruyt. Ce dernier est très attentif aux nouvelles énergies, et, pour l’automobile, encourage l’usage du CNG. ” La ministre Annemie Turtelboom, lors de l’inauguration de la station de la Chaussée de Louvain, avait promis 20 stations pour 2020, avance Stephan Lesuisse. Mais elle n’est plus ministre de l’Energie de la Région flamande… ”
Les fournisseurs de carburant ne se précipitent pas : l’investissement est important, de l’ordre de 3 millions d’euros par station selon Goldman Sachs. Le développement des réseaux doit donc beaucoup aux aides publiques et à la volonté des pétroliers propriétaires de stations-services. En Allemagne, Shell a ainsi annoncé la création d’un réseau de 400 stations.
Des avis partagés
Les constructeurs occidentaux se précipitent moins sur ce segment futuriste, mais sont actifs. Ford, Daimler, Renault et Nissan ont conclu un accord pour développer ensemble ce type de motorisation, avec le but de commercialiser une auto cette année. Honda et General Motors travaillent ensemble sur des voitures à piles à combustible. BMW a conclu un partenariat avec Toyota, ” pour produire un véhicule FCEV (fuel cell electric vehicle, soit à hydrogène, Ndlr) à moyen ou long terme ” indique le rapport annuel 2016. Rien à voir, toutefois, avec l’offensive annoncée sur les voitures électriques à batteries. L’hydrogène c’est du long terme.
Les avis sur le futur de la voiture à hydrogène varient du franc scepticisme à une sympathie critique. Ferdinand Dudenhöffer, patron du CAR-Center Automotive Research de l’Universität Duisburg-Essen, fait partie de la première catégorie. ” Je ne crois pas aux piles à combustible. Elles sont trop chères, les investissements sont trop élevés pour les stations de recharge. Les voitures électriques à batteries l’emporteront. ” Raf Flebus est moins pessimiste. ” Elles peuvent jouer un rôle dans la logistique, dans certains usages de mobilité, mais, dans l’état actuel des choses, je ne les vois pas en course pour remplacer toutes les motorisations actuelles. ”
Une méthode pour stocker les énergies renouvelables ?
Raf Flebus émet un avis original : la voiture à hydrogène pourrait servir à stocker les énergies renouvelables, provenant d’éoliennes ou de centrales solaires. La production de ces énergies est, par définition, intermittente et pas toujours en phase avec la demande. Or, le stockage massif est quasi impossible. Le modèle expérimenté par Colruyt consiste à utiliser cette énergie renouvelable pour produire de l’hydrogène, qui peut, lui, être stocké, et utilisé dans des véhicules. ” Nous produisons de l’hydrogène avec l’électricité produite par nos éoliennes, par électrolyse de l’eau de pluie ” explique Raf Flebus. Il n’est pas sûr qu’il soit possible de produire d’immenses quantités d’hydrogène de cette manière à court terme, mais l’approche est plus propre que la production habituelle qui passe par le traitement de gaz naturel ou de charbon. Le modèle de production en masse d’hydrogène propre reste donc encore à construire.
Le voiture à hydrogène pourrait ainsi avoir une vocation de niche, une forme alternative à la voiture électrique à batterie, peut-être plus pratique pour les amateurs de longs trajets. Toyota y croit, mais affiche des objectifs modérés : 30.000 voitures vendues en 2020. Ce sera l’année des Jeux olympiques à Tokyo. Toyota sortira alors une nouvelle Mirai est espère en faire la star de l’événement.
L’obsession d’une voiture électrique ne date pas d’hier chez Toyota. Elle remonte à 1925, lorsque le fondateur de l’entreprise, Sakichi Toyoda, a proposé un prix d’un million de yens à celui qui inventerait une batterie à intégrer dans une voiture, fournissant une puissance de 100 CV pendant 36 heures, avec un poids inférieur à 225 kg. Aujourd’hui, personne n’a encore pu atteindre cet objectif. Sakichi Toyoda était convaincu que le Japon, pays sans pétrole, devait miser sur l’électricité pour animer voitures et avions. La perspective de la guerre avait mis fin à ces recherches. L’idée n’a pas été perdue en chemin : Toyota est encore très attaché au développement des énergies électriques pour les voitures. Il a néanmoins pris une voie différente de celles de Tesla, Renault, Daimler, General Motors ou VW, qui ont misé sur la voiture électrique à batterie lithium-ion. Le groupe japonais a longtemps négligé ce type de véhicule, à cause justement d’un manque de batteries performantes. La fameuse batterie Sakichi n’existe pas et n’est pas près d’arriver. D’où une stratégie singulière bâtie sur la voiture hybride et le développement de l’hydrogène pour propulser la voiture idéale. L’an dernier, Toyota a toutefois renoncé à son refus des voitures électriques à batteries, et promet d’en vendre à partir de 2020.
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