Votre café, avec ou sans abonnement?

Mon Cafetier Pour un forfait mensuel dépendant du nombre de tasses consommées, le client dispose d'un service complet. © PG
Jérémie Lempereur Journaliste Trends-Tendances - retail, distribution, luxe

Des start-up belges veulent inciter les consommateurs à se passer des capsules et à s’abonner pour se faire livrer chaque mois du café en grains. Certaines proposent même une machine dans leur forfait, se basant sur l’économie de la fonctionnalité. Focus sur ces nouveaux moyens de fidélisation du client.

Et si le café se consommait, lui aussi, par abonnement? C’est en tout cas le pari fait par deux start-up belges – Torrefactory et Mon Cafetier – qui entendent inciter entreprises et particuliers à “balancer” leurs capsules pour se tourner vers des livraisons mensuelles de “cafés de spécialité” (se dit des cafés haut de gamme répondant à plusieurs critères stricts garantissant leur qualité) en grains ou moulus.

Chez Torrefactory, on a commencé par viser les entreprises, avant que la crise force les équipes à élargir leur business aux particuliers. La jeune pousse travaille aujourd’hui avec plus de 250 clients B to B, sous contrat de 48 mois (mais pouvant être suspendu à l’occasion). Des machines à grains (avec moulin intégré) sont proposées en leasing ou à l’achat, et les entreprises peuvent ensuite gérer leurs commandes mensuelles via une plateforme dédiée. En fonction des cafés, les prix varient de 18,9 à 21,9 euros/kg (HTVA), soit de 18 à 21 centimes par tasse. “Il faut compter environ 38 centimes par tasse pour du café en capsules, explique Florent Henry, l’un des trois fondateurs. En supermarché, vous pouvez même mettre la main sur du café à 15 centimes mais vous ne retrouverez pas la qualité d’un vrai café en grains torréfié de manière artisanale. Si nous pouvons proposer du café de spécialité à environ 20 centimes par tasse, c’est non seulement parce que nous n’avons pas tous les emballages mais aussi parce que nous travaillons en direct avec notre fournisseur Efico, et parfois même avec les fermes dans les pays producteurs.”

L’an dernier, avec le boom du télétravail, Torrefactory a décidé d’élargir son business aux particuliers.

L’an dernier, avec le boom du télétravail, Torrefactory a donc décidé d’élargir son business aux particuliers. “A partir du mois de mars, la plupart de nos clients professionnels ont mis en pause leurs commandes de café. Nous avons donc lancé notre webshop“, explique notre interlocuteur. Pour les particuliers, la société a développé des conditionnements plus petits et a décidé de commercialiser du café moulu. “Nous vendons quelques machines à grains aux particuliers, mais contrairement aux entreprises, ce n’est pas notre business, précise Florent Henry. Nous nous concentrons sur la vente de café.” Les prix, eux, sont un peu plus élevés (“expédier un paquet de 6 kg ou de 250 g, ce n’est pas la même chose”) et l’abonnement n’est pas obligatoire. “Nous voulions que les particuliers puissent rester libres de leurs achats, explique le cofondateur. Maintenant, nous constatons qu’après avoir passé quelques commandes, les clients s’abonnent. Contrairement aux entreprises, ils ne doivent pas s’engager pour une durée précise. Ils arrêtent quand ils le souhaitent.” Les particuliers qui décident de s’abonner reçoivent toutefois un avantage de 5% sur le prix de la commande. Les frais de livraison, eux, sont gratuits à partir de 39 euros de commande.

Revenus récurrents

Torrefactory fonctionne donc pour le moment selon deux business models différents. Côté B to B, la start-up dispose de revenus récurrents grâce à l’abonnement obligatoire sur une durée déterminée. Elle loue ou vend par ailleurs ses machines à grains. Côté particuliers, elle agit plutôt comme un “simple” site de commerce en ligne sur lequel les consommateurs peuvent acheter leur café en grains ou moulu et s’abonner s’ils le souhaitent. “Nous devons à chaque fois les convaincre de racheter chez nous”, affirme Florent Henry.

Torrefactory Fin 2020, la jeune entreprise écoulait deux tonnes de café par mois. Ses responsables veulent doubler ce volume cette année.
Torrefactory Fin 2020, la jeune entreprise écoulait deux tonnes de café par mois. Ses responsables veulent doubler ce volume cette année.© PG

Plus récemment, l’entreprise a également ouvert un troisième canal de distribution: le commerce de détail, et plus précisément les magasins bios. Ses cafés sont disponibles au sein des mini-chaînes Bi’OK et Biostory. “Avec notre gamme biologique, nous sommes au total dans une vingtaine de magasins bios, et nous menons des discussions avec d’autres points de vente. Nous avons vocation à leur livrer du café en vrac.”

Le cofondateur de Torrefactory assure que les affaires sont rentables depuis la fin de l’année dernière. “Il est vrai qu’il y a un investissement de départ dans les machines, dit-il. Mais petit à petit, c’est sur les ventes de café que nous générons nos marges.” Fin 2020, la jeune entreprise écoulait deux tonnes de café par mois. Ses responsables veulent doubler ce volume cette année.

Economie de la fonctionnalité

Du côté de la start-up Mon Cafetier, l’objectif est aussi d’inciter les consommateurs à abandonner la capsule pour se faire livrer du café en grains torréfié de manière artisanale. Mais le business model est ici quelque peu différent. Non seulement la société vise en priorité les particuliers (même si elle s’attaque désormais aussi aux petites entreprises), mais l’abonnement est chez elle obligatoire et comprend, pour ainsi dire, tout: la machine à grains, sa réparation ou son remplacement, les filtres à eau, les produits d’entretien, les livraisons mensuelles de café.

Ce business model s’inspire de l’économie dite de la fonctionnalité. Pour un forfait mensuel dépendant du nombre de tasses consommées, le client dispose d’un service complet. “Au lieu de vendre des machines et de générer notre marge sur le renouvellement des ventes en cas de panne, nous vendons de la fonctionnalité, explique Emmanuel van der Plancke, fondateur de Mon Cafetier. Plutôt que de vendre un actif, nous en vendons l’usage.” Le responsable espère ainsi lever les deux principaux freins à l’acquisition d’une machine à grains: son coût (entre 300 et 500 euros) et sa fragilité.

Pour prendre un exemple concret, la consommation de quatre tasses par jour revient à 48 euros par mois, soit 40 centimes la tasse. Un forfait réparti comme suit: 75% pour le café, 25% pour la machine. Cher, serait-on tenté de dire… Emmanuel van der Plancke, lui, s’en défend. “Notre objectif est la substitution de la capsule, dit-il. Le prix moyen à la tasse est tout à fait compétitif par rapport à une capsule Nespresso. Et chez nous, vous disposez en plus d’un service tout compris. Quand la machine tombe en panne, nous la remplaçons.”

“Une tout autre manière de faire du business”

Reste qu’après un certains temps, c’est comme si le client avait acheté sa machine. Dans notre exemple, pour une machine de 400 euros, cela prendrait moins de trois ans. Or, le consommateur continuera à payer sa machine dans son forfait, sans jamais en devenir propriétaire. “Il est vrai qu’à un moment donné, le coût de la machine sera couvert, reconnaît le responsable. Mais si le client en devenait propriétaire, il faudrait voir ce que cela lui coûterait de la faire réparer. Après un certain temps, il devra la plupart du temps en racheter une neuve. La vente de l’usage est donc plus avantageuse pour le client. Et nous avons du coup tout intérêt à ce que nos machines soient fiables. C’est une tout autre manière de faire du business. Nous finançons en fait l’acquisition d’une machine grâce à la différence de prix entre une capsule Nespresso et le meilleur café en grains.”

On le voit: si la créativité est de mise afin de rendre les capsules éco-friendly avec l’arrivée sur le marché de modèles biodégradables, à remplir soi-même, etc., elle l’est tout autant pour s’en passer entièrement… et continuer à fidéliser le client.

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