Vivienne Westwood, une maison de luxe à l’insolente indépendance
L’irrévérencieuse créatrice britannique Vivienne Westwood, qui s’est éteinte jeudi, avait réussi à préserver son indépendance financière dans un monde du luxe, là où la plupart des enseignes misent sur la cotation boursière ou l’appui d’un grand groupe.
L’entreprise de cette icône du punk ne comptait que deux administrateurs, elle-même et Carlo D’Amario, le directeur général de longue date, jusqu’à l’arrivée toute récente, le 16 décembre, de Jeffrey Banks au conseil d’administration. En 2018, l’entreprise était tombée dans le rouge, ce qui avait entraîné une restructuration. “Vivienne a eu ses hauts et ses bas à cause du Covid, de l’inflation, particulièrement en Europe. L’une des raisons qui font qu’elle a pu traverser les orages est qu’elle pouvait compter sur une clientèle de célébrités incroyable, notamment Emma Watson, Dua Lupa et la reine consort”, explique à l’AFP Andrew Burnstine, professeur de gestion à l’université de Lynn en Floride.
“Vivienne était aussi très forte pour passer des coups de fil aux clients et faire la publicité de sa marque sur les réseaux sociaux et dans les médias”, ajoute-t-il. Le dernier bilan publié sur le site gouvernemental Company House, sur l’exercice 2020, en pleine pandémie, affiche un chiffre d’affaires de 42 millions de livres pour un bénéfice avant impôts de 3,9 millions de livres, pour environ 500 employés.
La presse spécialisée rappelle que la créatrice et sa maison ont eu maille à partir avec le fisc britannique qui l’a accusée de sous-évaluer la valeur de sa marque par l’intermédiaire de paiements à une filiale située au Luxembourg, et elle a dû s’acquitter d’un lourd redressement d’un demi-million de livres il y a une dizaine d’années. Militante pro-environnement et anti-surconsommation, dont la maison de couture prônait “achetez moins, choisissez bien, faites durer”, elle avait été accusée d’hypocrisie pour continuer à produire de multiples collections chaque année: prêt-à-porter homme et femme, accessoires, parfums, robes de mariée et autres collaborations.
Moquer les codes de la bourgeoisie
La maison Westwood se targue toutefois d’utiliser des matériaux biologiques ou des synthétiques recyclés, de ne plus utiliser de plastique dans ses emballages et publie ses émissions carbone régulièrement. Si la majeure partie de ses ventes ont lieu au Royaume-Uni, où la marque détient six boutiques, avec également un site en France, un en Italie et deux aux États-Unis, l’enseigne se développe à grande vitesse en Asie: Japon, Chine, Thaïlande, Singapour…
Le groupe produit à la fois au Royaume-Uni, en Italie, en Chine, et au Kenya, avec notamment une ligne intitulée “Made in Kenya” destinée à développer une chaîne d’approvisionnement soutenable en Afrique. Les rênes de la création artistique avaient été repris depuis 2016 par son mari et collaborateur de longue date Andreas Kronthaler, qui a largement contribué à forger le style de la marque depuis leur rencontre en 1989.
Un style qui s’emploie à se moquer des codes de la bourgeoisie et de l’aristocratie tout en s’inspirant du vestiaire traditionnel britannique: sophistication des coupes mais asymétrie, tissus fleuris ou tartans, tweeds, prince-de-galles ou tulle romantiques, mais faisant s’entrechoquer les motifs et couleurs, relevant les jupes et fronçant les crinolines ou bustiers, façon princesse azimutée ou ballerine déglinguée, avec toujours de la provocation et de l’humour.
Dans le monde de Vivienne Westwood, les hommes portent des jupes autant que les femmes des costumes. L’attirail sado-maso jouxte les corsets des héroïnes romantiques et les robes de taffetas se portent en mini-jupes avec des collants résilles troués, comme Vivienne Westwood lorsqu’elle a reçu un prix à la biennale de Florence en 2021, à l’âge tendre de 80 ans. Punk un jour, punk toujours.
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