Virgin en danger, comment réagissent la Fnac et Media Markt ?

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Virgin au bord du dépôt de bilan, la Fnac mise en vente par sa maison-mère, Photo Hall en faillite… Touchées par la crise et la montée en puissance des ventes en ligne, ces enseignes souffrent. Quelles sont leurs solutions pour redresser la barre ?

En France, les Virgin Megastores sont proches du dépôt de bilan. Comme d’autres, ces magasins de disques et autres produits culturels sont touchés par la dématérialisation de la consommation. Les 1.200 salariés des 26 magasins Virgin sont inquiets pour leur avenir. En Belgique, Photo Hall a récemment fait aveu de faillite. Certains magasins ont été repris, d’autres non. La Fnac sera quant à elle mise en bourse, et donc cédée par sa maison-mère PPR.

Même s’ils ne sont pas comparables (la Fnac n’est pas menacée de faillite), ces processus de réorganisation sont symptomatiques d’un secteur en crise. Les magasins de produits électroniques et culturels ne restent pas pour autant les bras ballants. Deux poids lourds du secteur, la Fnac (neuf magasins en Belgique) et Media Markt (16 magasins), ont accepté de livrer leurs recettes pour résister à cet environnement hostile.

1.Développer une offre “multicanal”

Pour faire face à la concurrence d’Internet et notamment de poids lourds comme Amazon, les distributeurs n’ont qu’un seul mot à la bouche : le multicanal. A côté de leur offre en magasin, ils misent sur le développement de leur offre en ligne et, surtout, sur une convergence entre ces deux canaux de vente. Après quelques ratés, le site fnac.be a repris au printemps dernier l’infrastructure de fnac.com, son équivalent français. Le but étant de profiter un maximum des références proposées par le site hexagonal. Media Markt de son côté n’a pas encore de plateforme e-commerce propre. Elle sera lancée en avril 2013. En attendant, l’entreprise propose des offres discounts sur Redcoon, une plateforme e-commerce d’origine allemande, rachetée par Media-Saturn (maison-mère de Media Markt) en 2011.

Si les premiers pas de ces distributeurs dans l’e-commerce sont plutôt hésitants, c’est que le virage numérique doit être entrepris avec prudence. Les distributeurs n’ont aucune envie de détruire leur business principal, la vente en magasin, par des offres au rabais sur Internet. C’est la raison pour laquelle ils espèrent combiner harmonieusement vente en ligne et vente physique. Tant la Fnac que Media Markt offriront prochainement la possibilité de commander sur Internet un produit que l’on vient ensuite retirer en magasin. Ce qui offre une nouvelle opportunité de vendre, par exemple, des accessoires.

Dans le futur, les magasins seront aussi équipés de bornes interactives connectées à la plateforme en ligne, afin que le client puisse consulter l’intégralité du catalogue, mais aussi pour permettre aux vendeurs de montrer (et de vendre) des produits non disponibles en magasin. La Fnac lancera ces nouveaux services dès l’année prochaine. “Notre ambition est que dans les trois ans, notre site e-commerce soit notre plus grand magasin”, avance le patron de Fnac Belgique, Stéphane Mangin.

2. Compresser les rayons les moins rentables

La Fnac, en tant que disquaire historique, ne peut pas se permettre de sacrifier son rayon CD. Mais elle peut en réduire la superficie. Pour diminuer la place allouée à ce secteur en déliquescence (-13 % de ventes au deuxième trimestre 2012, chiffres GfK), la Fnac remplace ses meubles par des étagères permettant de placer 30 % de produits supplémentaires, ce qui lui fait mécaniquement gagner 30 % d’espace. L’assortiment de disques se réduit aussi au fil du temps, sous la pression des maisons de disques, qui cherchent à pousser les artistes les plus mainstream. L’espace gagné peut ainsi être réattribué aux produits qui ont le vent en poupe, comme les smartphones et les tablettes.

3. Elargir la gamme de produits

En France, la Fnac a lancé quelques expériences pilotes dans l’électroménager. Une façon de prendre pied dans un marché très stable, et qui offre de meilleures marges que l’électronique grand public. Mais l’arrivée de ce type de produits en magasin est délicate à gérer pour l’image de l’enseigne. “Nous ne vendrons jamais des machines à laver, indique Stéphane Mangin (Fnac). Mais nous pourrions proposer des produits nous permettant de nous différencier comme des aspirateurs design.” Un test est prévu en fin d’année.

Depuis deux ans, la Fnac s’est aussi discrètement lancée sur le marché du jouet éducatif. De grandes marques comme Lego et Playmobil ont récemment rejoint l’assortiment. Ce créneau représente aujourd’hui 1 % du chiffre d’affaires de la Fnac. “Nous comptons agrandir l’espace jeux afin d’arriver à 2 ou 3 % du chiffre d’affaires. La diversification, c’est très important.”

4. Produire des marques propres

Sur certains produits très demandés, la marge de manoeuvre des distributeurs est très étroite. Vu les volumes en jeu et le succès de ses appareils, une marque comme Apple peut imposer ses tarifs. Le magasin se retrouve du coup avec une marge minime sur ses ventes. Pour être moins dépendant des fabricants, les distributeurs développent des marques propres.

C’est le cas de Media Markt, qui possède quatre marques propres : OK (entrée de gamme), Koenic (électroménager moyen de gamme), Peaq (électro haut de gamme) et Isy (accessoires). Certains de ces produits sont développés par des fabricants d’électronique, d’autres par le groupe lui-même. Media-Saturn dispose en effet d’une usine à Shanghai, qui produit des cafetières, des écrans LCD, des docking stations… Ces marques propres représentent 2 % du chiffre d’affaires de Media Markt. L’objectif du groupe est d’atteindre 10 % dans les deux ans. La Fnac s’est aussi lancée dans les marques propres sur le marché en pleine expansion des liseuses électroniques, avec le Kobo, développé par la firme canadienne du même nom.

5. Redéfinir le rôle des vendeurs

Comment assurer une valeur ajoutée aux conseils en magasin ? C’est le casse-tête des distributeurs. Encore une fois, Internet est passé par là. Toutes les spécifications techniques des produits se trouvent déjà en ligne, de manière très précise. Aucun vendeur ne peut connaître par coeur toutes ces fiches produits. Pour Sven Degezelle, patron de Media Markt, ce n’est pas un objectif en soi : “Les capacités techniques, les processeurs… Tout cela évolue très rapidement. Mais aujourd’hui, ce que cherche le client, ce sont surtout des solutions à ses besoins. Quand on lui vend un GPS, on ne lui donne pas les caractéristiques techniques. On lui explique qu’il peut non seulement trouver sa route, mais aussi éviter les bouchons voire trouver une place de parking”. Pour préparer ses vendeurs à cette nouvelle façon de travailler, Media Markt a doublé son budget consacré aux formations.

A la Fnac, on revoit les basiques : accueil, écoute du client, conseil… “Nos vendeurs doivent faire gagner du temps au client. Par exemple en lui expliquant ce qu’est une télévision connectée, et quelles sont ses fonctionnalités”, indique Stéphane Mangin. L’aspect “démonstration”, le libre essai des produits et le conseil assoient la valeur ajoutée du point de vente par rapport à Internet.
Le vendeur doit aussi être capable de convertir l’intérêt d’un client en acte d’achat. “Le vendeur ne peut pas être un simple conseiller. Il doit aussi être un commercial efficace, commente Koen Neijens, directeur chez Deloitte et spécialiste du retail. Dans certaines enseignes, les vendeurs demandent les coordonnées du client afin de pouvoir le relancer et de conclure une vente ultérieurement.”

6. Surveiller les prix

La hantise des distributeurs ? Les clients qui viennent se renseigner en magasin avant de faire leur shopping sur Internet, où ils espèrent trouver le meilleur prix. Certaines applications pour smartphones permettent même de scanner en magasin les codes-barres des appareils, afin de comparer le prix en temps réel avec celui de sites marchands comme Amazon. Pour contrer cet argument prix, Media Markt a développé un outil de surveillance des tarifs sur Internet. “Notre pricing officer est capable d’adapter nos offres très rapidement”, avance Sven Degezelle.

7. Réduire les coûts

La Fnac s’est lancée dans une politique de cost-cutting à tous les niveaux de l’entreprise. Des postes de directeur ont été supprimés. Certaines fonctions n’ont pas été remplacées. Certains membres du personnel comme les disquaires sont vivement encouragés à changer de fonction quand l’opportunité se présente. L’entreprise s’apprête à déplacer son siège, pour réduire les charges locatives. Elle a aussi réalisé des économies significatives en sous-traitant sa logistique à DHL. Toutes ces mesures ont permis à Fnac Belgique de renouer avec les bénéfices en 2011 (+ 412.000 euros), après une année 2010 en perte (- 568.000 euros).

8. Ouvrir de nouveaux magasins

La Fnac va poursuivre sa politique d’expansion progressive. Le dernier magasin s’est ouvert en 2010 dans les galeries de la Toison d’Or (Bruxelles). “Nous l’avons rentabilisé sur un an”, assure Stéphane Mangin. Deux à trois ouvertures de grands magasins devraient encore se concrétiser dans les prochaines années. La Fnac est aussi à la recherche de magasins plus petits. “Dans le cadre de notre stratégie multicanal, il est important d’assurer un meilleur maillage du territoire”, explique le patron de Fnac Belgique. Les regards se dirigent inévitablement vers les magasins Photo Hall, qui cherchent acquéreur. Stéphane Mangin reconnaît que c’est une option, tout en faisant remarquer que les espaces Photo Hall sont très réduits (250 m² environ). Il cherche plutôt des surfaces situées entre 300 et 900 m².
Chez Media Markt non plus, on n’exclut rien : “Notre modèle, ce sont des magasins de 3.000 m², explique le CEO Sven Degezelle. Mais on suit le dossier Photo Hall. On ne sait jamais…”

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