Vendre ou pas sur Bol.com, “l’Amazon néerlandais” ?

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Jérémie Lempereur Journaliste Trends-Tendances - retail, distribution, luxe

Numéro 1 aux Pays-Bas et en Flandre, l'” Amazon néerlandais ” a décidé de s’attaquer au sud du pays. Fonctionnant comme une place de marché, il a commencé à draguer les commerçants locaux pour les convaincre de vendre sur sa plateforme. Faut-il se laisser séduire ? Témoignages et conseils d’indépendants.

Et un nouveau joueur dans les courses non alimentaires sur le marché belge francophone ! En cette rentrée, le pure player néerlandais Bol.com, déjà numéro 1 aux Pays-Bas et en Flandre, annonce son intention de traduire son application en français pour l’été prochain. Celui que l’on surnomme l'” Amazon néerlandais ” entend désormais livrer en Wallonie ses 21 millions d’articles dans plus de 42 catégories allant des livres à l’électronique, en passant par les jouets, le sport ou encore les articles ménagers. Des articles qui pourront dorénavant être retirés (et retournés) dans les magasins Delhaize, Bol.com étant également la propriété du groupe de distribution Ahold Delhaize.

Contrairement à d’autres acteurs du marché ( lire l’encadré ” Collishop fourbit ses armes ” plus bas), Bol.com est ce que l’on appelle une marketplace. En plus des articles qu’il vend lui-même et à l’image du géant américain Amazon, le site batave accueille des commerçants externes. A ce jour, l’entreprise travaille avec 20.000 partenaires, dont environ 2.000 en Belgique. En Flandre et à Bruxelles, plus précisément. On peut notamment citer la chaîne de chaussures Torfs, ou encore le Club de Bruges qui vend vareuses et autres gadgets sur le site. L’activité de place de marché est très importante pour Bol.com. Une transaction sur deux concerne un produit vendu par un commerçant tiers. Mais alors que le pure player part en campagne pour recruter des commerçants indépendants à Bruxelles et en Wallonie, est-il toujours intéressant pour ceux-ci de vendre sur la plateforme ? Quelles sont les conditions à respecter ? Et les pièges à éviter ?

Vendre ou pas sur Bol.com,
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Montant fixe et commission

Le porte-parole francophone de Bol.com l’assure : tous les commerçants indépendants sont les bienvenus. Petits ou grands. ” Il y a schématiquement trois catégories de vendeurs tiers sur notre site, explique Olivier Lechien : les commerçants qui ne vendent pas encore en ligne et qui souhaitent se lancer dans l’e-commerce sans investir dans des infrastructures logistiques, informatiques, etc., les indépendants ayant déjà une activité en ligne qu’ils désirent booster en développant un autre canal de vente, et enfin ceux qui ne vendent que sur le Net, soit par eux-mêmes, soit via d’autres plateformes, et qui cherchent à diversifier leurs canaux de distribution. ”

Les commerçants tiers peuvent évidemment choisir l’assortiment qu’ils décident de proposer sur la plateforme. Ils rédigent une description de chacun de leurs produits, et peuvent s’appuyer sur des illustrations existantes. Sur chaque vente, Bol.com prélève un montant fixe de 1 euro, ainsi qu’une commission allant de 5 à 25% en fonction de la catégorie. En termes de logistique, plusieurs formules sont possibles : soit l’indépendant stocke ses articles dans l’entrepôt du groupe aux Pays-Bas et laisse Bol.com s’occuper des livraisons, soit il fait tout par ses propres moyens. Une formule intermédiaire lui permet aussi de faire appel aux partenaires de livraison avec lesquels travaille le site (bpost, PostNL, DHL et DPD ) et de bénéficier de tarifs préférentiels.

Mien Gillis
Mien Gillis ” Quelle marge restera-t-il au commerçant après avoir payé la commission, la logistique, les coûts de livraison et de retour ? “© PG

La loi de l’algorithme

Du côté de l’Union flamande des entrepreneurs indépendants (Unizo), qui a pu recueillir pas mal de témoignages de commerçants, on se montre nuancé quant à l’opportunité de vendre sur la plateforme néerlandaise. ” Les places de marché sont très fortes en termes de marketing, explique Mien Gillis, retail expert au sein de l’organisation. Elles attirent beaucoup de clients. Pour un commerçant, c’est un peu comme s’il ouvrait un magasin dans une zone triple A. ” Reste que l’algorithme du site met en avant les commerçants qui vendent le plus, livrent dans les délais et affichent des notes positives ( il est possible de payer pour être sponsorisé, Ndlr). ” Les normes sont très strictes, témoigne Kenny Van Paesschen, gérant du webshop Babygoodies, spécialisé dans les articles pour bébés et enfants. Chaque semaine, vous obtenez un score en fonction duquel vous êtes plus ou moins mis en avant. Quand vous êtes le premier, vous pouvez vendre beaucoup. Sinon, nous ne vendez rien. Et avec parfois 10 vendeurs dans la même catégorie, c’est une vraie compétition. ”

Notre gérant s’en sort pour sa part plutôt bien. ” Notre chiffre d’affaires a augmenté de 20 à 25% depuis que nous vendons sur Bol.com, explique-t-il. Nous avons commencé il y a trois-quatre ans avec 200 articles. Nous en proposons aujourd’hui 1.200, contre 3.000 sur notre propre webshop. Le site nous permet de réaliser beaucoup de volume et a l’avantage que cela ne vous coûte rien quand vous ne vendez pas. ” L’entreprise malinoise assure elle-même sa logistique. C’est que le patron est également propriétaire du centre de distribution ShopWeDo, qui gère la logistique de près de 90 webshops belges. Il peut de la sorte respecter scrupuleusement les exigences de Bol.com en termes de délais et de coûts de livraison.

Kenny Van Paesschen, gérant du webshop Babygoodies:
Kenny Van Paesschen, gérant du webshop Babygoodies: “Notre chiffre d’affaires a augmenté de 20 à 25% depuis que nous vendons sur Bol.com.”

“Rapidement éjecté”

” Les délais de livraison sont très stricts, assure Mien Gillis. Pour rester concurrentiel, il s’agit parfois de livrer le lendemain. Or, beaucoup de commerçants indépendants ne disposent pas d’un système suffisamment automatisé que pour pouvoir clôturer les commandes à minuit et livrer à J+1. Ils doivent alors passer par un centre logistique qui s’occupe de tout, mais cela coûte cher. Par ailleurs, Bol.com propose un délai de retour de 30 jours, là où le délai légal est de 14 jours. Les partenaires sont donc confrontés à davantage de retours sur Bol.com que sur leur propre webshop. ” La responsable soulève aussi la question des coûts de livraison. ” On ne peut afficher sur Bol.com des prix plus élevés que sur son propre site, pointe-t-elle. Pourtant, à partir de 20 euros, la livraison d’un produit commandé sur le site doit être gratuite. La question à se poser en tant qu’indépendant est donc de savoir si vous êtes prêt à suivre le rythme et à vous aligner. Dans le cas contraire, vous êtes rapidement éjecté. ”

Du côté de la plateforme, on explique que la livraison le lendemain n’est en aucun cas imposée. ” Cela peut tout à fait être deux-trois jours, corrige Olivier Lechien. En revanche, ce qui est vrai, c’est que nous contrôlons de manière pointue que les conditions de livraison proposées par les partenaires soient respectées, en sachant qu’un délai de plus de 8 jours est impensable. ” Concernant les coûts de livraison, le porte-parole reconnaît que ceux-ci doivent être nuls au-delà de 20 euros de commande. Mais le vendeur peut tout à fait inclure ce coût dans son prix. ” Nous demandons simplement que les prix soient raisonnables par rapport au marché, explique le responsable. Il ne peut pas y avoir d’écarts de plus de 10 à 15% par rapport aux prix de référence. ” ” Nous avons la possibilité d’afficher un prix un peu plus élevé, mais pas beaucoup plus “, confirme le gérant de Babygoodies. Dans tous les cas, la concurrence est rude avec les autres partenaires et avec les articles vendus par Bol.com lui-même. Si les articles sont similaires, il faut pouvoir s’aligner.

Vendre ou pas sur Bol.com,
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Droits d’auteur et données commerciales

L’Unizo attire enfin l’attention des commerçants indépendants sur la question des droits d’auteur et de la concurrence entre Bol.com et ses partenaires. ” Un commerçant qui vend sur la plateforme doit savoir qu’il cède à l’entreprise les droits d’auteur sur toutes les photos et textes descriptifs, pointe Mien Gillis. Ces derniers pourront être utilisés par le site ultérieurement. Or, il s’avère que Bol.com devient souvent un concurrent quand le système détecte que vous vendez beaucoup. La plateforme va alors se mettre à vendre vos produits à un prix plus bas en s’approvisionnant directement auprès de vos fournisseurs. ” C’est ce qui est arrivé l’an dernier au gérant du magasin Fans, à Anvers. Nico Volckeryck s’est aperçu que certains de ses produits avaient disparu de la plateforme et que cette dernière les vendait à son compte en utilisant les photos et textes d’origine.

” La concurrence entre Bol.com et ses partenaires est en outre un peu faussée, ajoute la responsable. En tant qu’indépendant, vous ne connaissez pas vraiment vos clients sur Bol.com étant donné que la plateforme est propriétaire de vos données commerciales. C’est un peu comme si vous laissiez un concurrent disposer de vos données. ” Chez Bol.com, on réfute catégoriquement. ” Il y a fatalement de la concurrence d’une part entre les différents partenaires et, d’autre part, entre les partenaires et Bol.com, reconnaît Olivier Lechien. C’est un marché ouvert et concurrentiel. Mais nous n’allons pas court-circuiter nos partenaires pour vendre leurs produits à un meilleur prix. Notre business model vise justement à augmenter le volume généré par nos commerçants tiers. ”

On l’aura compris, en tant qu’indépendant, il s’agit de bien peser le pour et le contre avant de se lancer. Et peut-être d’établir un second business plan pour ce canal de distribution. Il est possible de se différencier en vendant des produits de niche, en se servant du site pour faire du déstockage ou encore en offrant des services complémentaires (installation à domicile, contrat d’entretien couplé à la vente d’une tondeuse, etc.) ” Quand plusieurs partenaires vendent le même produit, il faut fournir un prix bas pour être visible, conclut Mien Gillis. Il est alors possible d’écouler de gros volumes via la plateforme, mais quelle marge restera-t-il au commerçant après avoir payé la commission, la logistique, les coûts de livraison et de retour ? ”

Collishop fourbit ses armes

Lancé fin 2000, le pure player du groupe Colruyt est attaqué de front par Bol.com. Le distributeur de Hal entend du coup miser sur ses forces pour se différencier. Il a tout d’abord fait le choix de ne pas être une plateforme ouverte comme l’est son concurrent néerlandais. Une place de marché, comme l’on dit dans le jargon. ” Cela nous permet de garder tout sous contrôle, affirme Dieter Struye, directeur général non-food. L’assortiment, le prix, les conditions et modes de livraison, etc. ”

Colruyt travaille avec bpost pour la livraison des petits colis et livre les gros articles lui-même afin de garder la main sur le service à domicile. Les livraisons se font généralement dans les deux jours, parfois plus. Si la livraison à domicile de certains articles est gratuite, la règle reste la suivante : en semaine, les coûts de livraison se montent à 2,95 euros pour les petits articles, et à 22 euros pour les articles plus volumineux. Une faiblesse par rapport à Bol.com qui garantit une livraison le lendemain, gratuite à partir de plus de 20 euros ? Le responsable réfute. ” Notre force, c’est la livraison en point d’enlèvement, dit-il. Nous avons créé tout un écosystème au sein du groupe, avec 422 points de retrait (Colruyt, Dreamland, OKay). Cette livraison est gratuite. ” D’après notre interlocuteur, 95% des livraisons Collishop se feraient en points de retrait. ” La rapidité est importante, reconnaît Dieter Struye. Mais ce n’est pas le seul argument. Les consommateurs apprécient aussi de pouvoir combiner le retrait de leurs colis non alimentaires avec leurs courses alimentaires. Par ailleurs, en point d’enlèvement, le paiement se fait au moment du retrait, ce qui permet d’éviter toute la procédure de retour et de remboursement. Si le client est insatisfait, il laisse simplement l’article en magasin. ”

Contrairement à Bol.com, le groupe a fait le choix de limiter son assortiment et de se profiler comme spécialiste. Sur Collishop, Colruyt propose 24.000 références dans 12 catégories. ” Limiter l’assortiment aide le client à faire ses choix, soutient Dieter Struye. Nous pouvons en outre développer un vrai savoir-faire dans ces catégories et proposer du conseil pointu. Notre site est d’ailleurs construit pour fournir du conseil. Les fiches techniques de chaque article sont très élaborées. ”

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