Va-t-on vers la fin des géants des airs?
Appareil mythique de Boeing, le 747 a vu sa lente agonie s’accélérer avec la pandémie de coronavirus jusqu’à pousser British Airways à annoncer le retrait de sa flotte, après bien d’autres, tout comme l’A380 d’Airbus.
– Qui a annoncé un retrait?
L’annonce de British Airways vendredi emboîte le pas à celle de Lufthansa en avril, annonçant notamment la retraite de cinq Boeing 747-400, sept A340-600, et six A380, sur une flotte de 32 Boeing 747 (de tous types) et 14 A380. Ce retrait a été précipité par “l’impact environnemental et les désavantages économiques de ce type d’appareil”, a estimé le groupe.
<<<<<< LIRE AUSSI : British Airways retire le mythique “Jumbo Jet” de sa flotte
Air France, qui avait déjà décidé d’arrêter de faire voler l’A380 fin 2022 en raison notamment de ses coûts d’exploitation trop élevés, a accéléré le mouvement avec la crise due au coronavirus et la lente reprise annoncée du trafic.
L’australien Qantas a accéléré ce mois-ci le retrait de ses 747 annoncé l’an dernier, et a effectué un vol d’adieu avec les trois derniers 747. Les A380 doivent aussi être retirés, a affirmé la compagnie.
Douze 747 siglés Korean Air sur 23 circulent actuellement, 11 cargos et un seul transportant des passagers, a indiqué à l’AFP la compagnie qui ne prévoit pas de retrait. Chez Air India, quatre 747 servent à transporter des personnalités ou effectuer des évacuations, affirme une source au sein de l’entreprise.
En décembre 2017, les Américains avaient déjà dit adieu à la reine des cieux: Delta Air Lines, dernière compagnie exploitant le 747, l’avait retiré de sa flotte de transport de passagers.
– Le coronavirus, coupable ou co-accusé ?
“Le coronavirus est un accélérateur”, tranche Rémy Bonnery, expert aéronautique au cabinet Archery Consulting, alors que la pandémie a cloué au sol la plupart des avions dans le monde l’année du cinquantième anniversaire du 747, un avion dont 1.571 modèles ont été commandés dans son histoire.
Le virus est donc venu appuyer sur une plaie déjà béante, selon lui: que ce soit le 747 de Boeing ou l’A380 d’Airbus, ces avions “sont beaucoup plus difficiles à gérer au sein d’une flotte (…) Ce ne sont pas les avions les plus faciles à remplir, ils ont un niveau de consommation supérieur”.
Lancé en 1970, le “Jumbo Jet” de Boeing à la bosse de fuselage caractéristique, peut transporter plus de 600 passagers dans certaines configurations et l’A380 jusqu’à 853.
“Déjà avant la crise, on a connu un mouvement qui allait vers des avions plus petits et plus flexibles”, aux coûts moins élevés et capables d’effectuer des trajets très différents, encourageant les compagnies à prévoir des retraites anticipées, estime M. Bonnery.
L’A380 offre le meilleur coût par siège du marché à condition d’être rempli à 100%, affirmait récemment à l’AFP Sébastien Maire, expert aéronautique au cabinet Kea & Partners. Ce qui était loin d’être évident sur de nombreuses liaisons.
– Est-ce la fin des géants des airs ?
“Il est évident que dans les prochaines années on ne va pas aller vers des avions très gros porteurs”, souligne Rémy Bonnery, ajoutant que “le travail des avionneurs va surtout se focaliser sur les courts courriers et mono-couloirs capables de faire du long courrier”.
Emirates, le plus gros client de l’A380 avec ses 115 appareils, a annoncé qu’il continuait l’exploitation de l’appareil qui a effectué son premier vol il y a tout juste 15 ans. Mais le président de la compagnie Tim Clark considère qu’avec la pandémie, un géant des airs comme l’A380 est à terme “fini”.
Côté constructeurs, Airbus a annoncé en février 2019 l’arrêt des livraisons pour 2021 de son avion aux 251 exemplaires commandés par 14 clients, tandis que Bloomberg a affirmé début juillet que le dernier 747-8, ultime version du Jumbo américain qui a surtout trouvé preneur en version cargo, devrait sortir d’usine d’ici deux ans, sans confirmation de l’avionneur.
Malgré ses détracteurs, l’avion mythique de Boeing peut toutefois encore compter sur un soutien, celui du président des Etats-Unis et son Air Force One.
Deux 747-8, plus grands, plus modernes, plus rapides et moins gourmands en kérosène que les actuels 747-200, vieux de 30 ans et qui coûtent 180.000 dollars de l’heure, sont attendus par la Maison Blanche.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici