“Une levée de fonds, c’est comme un plein d’essence à mi-parcours”

Thibaud Elzière © christophe ketels

Après avoir vendu Fotolia à Adobe, le Français Thibaud Elzière a lancé, avec son compère Quentin Nickmans, le “start-up studio” eFounders. Ses entreprises ont récolté plus de 100 millions d’euros auprès de VC rien qu’en 2018. Il donne sa vision de la fonction d’une levée de fonds.

THIBAUT ELZIERE. C’est évident que lever des fonds aide à soutenir la croissance de la boîte, mais quand des entrepreneurs viennent me demander conseil, j’insiste vraiment : je leur rappelle qu’il ne faut pas être obsédé par des levées de fonds et encore moins se focaliser pour chercher le cachet de l’un ou l’autre grand nom du capital-risque. Les entrepreneurs doivent absolument se souvenir que le but premier n’est pas de lever de l’argent mais de créer une entreprise. C’est un peu comme faire le plein d’essence à la station-service. Si vous roulez de Bruxelles à Lyon, vous vous arrêtez en chemin pour remplir votre réservoir à mi-parcours. C’est d’autant plus vrai si vous roulez vite. Mais faire le plein n’est pas pour autant la raison de votre voyage. Pareil quand vous dirigez une start-up. Certes, les investisseurs vous amènent le carburant dont vous avez besoin, vous permettent de continuer votre chemin et d’appuyer sur l’accélérateur, mais ce n’est pas eux qui vont conduire le véhicule à votre place. Une chose est sûre, vous devez lever l’argent dont vous avez besoin pour assurer votre croissance, et pas l’argent que l’on vous offrira. Ne partez donc pas d’autorité sur le principe de vous faire diluer de 25 % systématiquement à chaque levée de fonds.

L’installation de certaines de vos pépites se fait aux Etats-Unis directement. Est-ce lié à la recherche de fonds ?

La première start-up que l’on a créée aux Etats-Unis, c’était Front. Un peu par hasard parce que ce projet avait été accepté par l’incubateur Y Combinator qui n’intègre que des start-up basées aux Etats-Unis. Avec Front, on a donc effectivement réalisé que lever de l’argent là-bas était plus aisé, parce que les fonds américains concentrent la majorité de l’argent VC disponible. Depuis, on crée nos sociétés aux Etats-Unis lorsque qu’on estime que le marché américain sera le marché principal, mais on les crée en Europe lorsqu’on s’attaque plutôt aux marchés européens. Spendesk et Upflow, par exemple, qui ont vocation à proposer leurs services sur la zone Sepa (Single Euro Payments Area), ont été créées en France. Mais créer une entreprise aux Etats-Unis est beaucoup plus simple que ce que l’on imagine. Des services comme Stripe le proposent à moindre coût. L’idéal alors est un montage dit à l’israélienne, avec le siège social et les équipes commerciales aux Etats-Unis, tandis qu’on garde en Europe les équipes produits, développement et design ainsi que les commerciaux pour l’Europe.

Il est pourtant de plus en plus courant d’arriver à attirer des fonds étrangers quand on est une start-up belge.

Les fonds américains investissent principalement dans des sociétés américaines. Ils y sont généralement contraints pour des raisons fiscales. Mais la compétition sur les deals étant importante aux Etats-Unis, il arrive de plus en plus que ces fonds s’ouvrent à des start-up étrangères. Une fois le premier investissement réalisé, en Belgique par exemple, le deuxième arrivera d’autant plus simplement que ces fonds aura tissé leur réseau localement. Ils auront pris connaissance du droit des sociétés belges et auront développé des contacts avec des cabinets d’avocats locaux. Ceci étant dit, il y a déjà énormément d’argent disponible chez les fonds VC français, britanniques ou scandinaves et ceux-ci sont déjà depuis plusieurs années à l’écoute du marché belge. La plupart des fonds européens ne se contentent plus de leur marché domestique et vont chasser des deals partout, y compris la Belgique.

“Les entrepreneurs doivent absolument se souvenir que le but premier n’est pas de lever de l’argent mais de créer une entreprise.”

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