Un village français résiste à Elon Musk
Saint-Senier-de-Beuvron, localité du nord de la France de 350 âmes a dit non à Elon Musk, l’un des hommes les plus riches du monde. Ce village bucolique ne veut pas des antennes relais que le fondateur de Tesla veut implanter dans un champ pour son projet d’internet par satellite.
“Par principe de précaution, le conseil municipal a dit non, lors d’une réunion sans vote. Ce projet est tout nouveau. On n’a aucun recul par rapport” à son impact sanitaire, argumente Noémie Brault, 34 ans, première adjointe de cette commune normande, à 18 km à vol d’oiseau du célèbre Mont-Saint-Michel.
La société SpaceX dirigée par Elon Musk voudrait y installer, sur un terrain agricole à vendre de trois hectares, neuf dômes, des antennes de trois mètres de haut qui doivent fournir internet à partir des satellites privés que le milliardaire est en train de mettre en orbite. Ce projet d’envergure mondiale est baptisé Starlink.
En France, Starlink a fait des demandes pour quatre stations de ce type. L’Agence nationale des fréquences (ANFR), gestionnaire des fréquences radioélectriques en France, en a autorisé trois (deux dans le sud-ouest et une dans le nord du pays). Selon l’agence, ces stations de communication n’émettent que vers le ciel et ne présentent pas de risque pour la population. Il en existe une centaine en France depuis la création des satellites il y a 50 ans.
Saint-Senier est la seule à s’opposer à Starlink. La mairie a pris le 7 décembre un “arrêté d’opposition” à la demande de construction de ces dômes. Cette “déclaration préalable” émane de la société Sipartech, sous-traitant de SpaceX selon la mairie. Interrogé par l’AFP, Sipartech a indiqué qu’elle allait refaire une demande. Elle ne confirme ni n’infirme travailler pour SpaceX.
“Cela nous inquiète parce qu’on n’a aucune donnée” sur les conséquences éventuelles “sur la santé humaine ou celle des animaux. On est une commune avec pas mal d’agriculteurs”, poursuit Mme Brault, elle-même éleveuse. Et “quand on voit qu’il (Elon Musk, ndlr) veut implanter des puces dans les cerveaux des gens, ça fait peur”, lâche-t-elle.
Projet “inutile”
“Les risques des champs électromagnétiques, nous les constatons déjà avec les lignes à très haute tension (THT) qui perturbent beaucoup d’élevages dans cette zone”, renchérit le conseiller régional écologiste François Dufour. Ce paysan à la retraite souligne sa “grande inquiétude” face à ce projet “inutile”. Le lien de causalité entre ces champs magnétiques et les maladies de vaches fait débat. Plusieurs procédures sont en cours.
“Les réseaux sociaux, internet, ça existe déjà, pourquoi aller le chercher sur la lune”, ajoute ce natif du village.
Producteur de lait dont les vaches paissent autour du champ convoité par Elon Musk, Jean-Marc Belloir, 57 ans confirme: “A la ferme, on est connecté tout le temps. Mes vaches sont connectées. Ma montre connectée m’avertit quand elles vêlent. Mais quand on voit le rayonnement (la portée, ndlr) de ces antennes, il faudrait quand même faire des études” d’impact, estime l’éleveur.
Il redoute “une baisse de la production de lait”, comme les THT sont accusées d’en entraîner. Cela n’a pas empêché l’agriculteur de baptiser avec humour un veau né mardi “SpaceX du Beuvron”, du nom de la rivière qui traverse paisiblement le village.
Installée depuis 15 ans avec son mari et ses enfants de 10 et 12 ans à 60 mètres du terrain qui intéresse Starlink dans une “ruine qu’on a entièrement retapée”, Anne-Marie Falguières, 40 ans est elle “clairement contre” le projet.
“On ne s’attaque pas à Elon Musk. On n’est pas des technophobes. Je suis guide dans la baie; j’ai un site internet. Mon mari télétravaille. Mais ces antennes c’est complètement nouveau en tout cas en France. On veut savoir s’il y a danger ou pas”, explique Mme Falguières inquiète également de l’impact visuel.
Le projet Starlink qui promet la disparition des zones blanches, non desservies par un réseau de télécommunications, ne lui paraît “pas indispensable”. “Lors des opérations tests, il fallait acheter une parabole à 500 dollars et payer cent dollars par mois d’abonnement. Je pense pas que tout le monde puisse se payer” cela, souligne-t-elle.
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