Uber pourrait “fermer” en Californie s’il devait requalifier ses chauffeurs en employés
Uber envisage d’interrompre son activité en Californie jusqu’en novembre si l’entreprise était contrainte de requalifier immédiatement ses chauffeurs indépendants en salariés, a indiqué mercredi le patron du groupe, Dara Khosrowshahi.
Une cour californienne a ordonné lundi à Uber et à son rival américain Lyft de requalifier leurs conducteurs en employés dans les dix jours, en accord avec la loi de cet Etat américain en vigueur depuis le 1er janvier 2020, et rédigée avec les deux plateformes en ligne de mire.
Les deux leaders de la réservation de voitures avec chauffeur (VTC) vont faire appel.
Ils entendent résoudre le problème en organisant un référendum en novembre pour annuler le texte californien.
“Nous estimons que nous respectons la loi mais si le tribunal décide que non, et ne nous accorde pas un délai jusqu’en novembre, alors nous devrons fermer Uber jusqu’à ce que les électeurs tranchent”, a déclaré M. Khosrowshahi lors d’une interview sur la chaîne MSNBC.
“Ce serait vraiment dommage en pleine période de chômage historique en Californie”, a-t-il souligné, en référence à la récession économique et aux licenciements dus à la pandémie de Covid-19.
Le groupe américain incarne la “gig economy”, ou économie à la tâche, qui suscite de vives critiques des syndicats et autorités dans de nombreux pays.
Uber s’est étendu dans le monde malgré des pertes colossales et n’a jusqu’à présent pas réussi à dégager de profits. Le groupe espère y arriver en 2021.
“C’est un modèle que nous avons construit sur plus de dix ans. Nous ne pouvons pas embaucher des dizaines de milliers de personnes du jour au lendemain”, a insisté le patron, précisant que des équipes “travaillaient sur le sujet”.
Il ne pense pas qu’Uber devra, au final, adopter le modèle traditionnel du salariat.
Mais si la société y était contrainte, “nous aurions alors un service beaucoup plus restreint, avec des prix beaucoup plus élevés, sans doute concentré dans les centres-villes et plus dans les petites villes ou les banlieues comme maintenant”, a-t-il détaillé.
La loi californienne veut obliger les entreprises qui fonctionnent avec beaucoup de contractuels à leur donner un statut de salariés, et donc à les rendre éligibles aux allocations chômage et à divers avantages sociaux.
“Les chauffeurs ne veulent pas être des employés, point final”, a de son côté réagi Lyft, promettant de “continuer à se battre pour leur indépendance”.
Les deux plateformes affirment, sondages à l’appui, que la plupart des chauffeurs souhaitent conserver le modèle actuel pour profiter d’une plus grande flexibilité professionnelle.
Selon Lyft, les chauffeurs préfèrent rester indépendants à quatre contre un. La société estime que 86% de ses conducteurs californiens conduisent moins de 20 heures par semaine et tiennent à garder le contrôle de leur emploi du temps, parce qu’ils sont étudiants, retraités ou ont un autre emploi.
Chacune des deux sociétés a proposé un compromis, avec de meilleures conditions de travail et avantages sociaux pour les conducteurs.
“Si nous acceptions ce raisonnement, la majorité des industries qui reposent sur la technologie pour gagner rapidement des parts de marché pourraient, impunément, priver des légions de travailleurs des protections de base qui leur sont dues”, a remarqué le juge Ethan Schulman dans sa décision.
Les arguments d’Uber et Lyft ne tiennent pas la route, a surenchéri Xavier Becerra, le procureur de la Californie, qui les accuse d’imposer des statuts précaires.
Il s’est félicité de cette première décision de justice, qui a “percé à jour” les “arguments bidon” des plateformes.
“Quel travailleur ne veut pas de congés maladie?”, s’est-il indigné lors d’une interview sur la chaîne CNBC mardi. “Quel travailleur ne veut pas d’assurance chômage en pleine crise Covid-19 ? Quel travailleur ne veut pas être payé pour ses heures supplémentaires s’il travaille 60 heures par semaine ou 12 heures par jour?”.