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TikTok, roi de la pub et la corde pour nous pendre

Lire la chronique d' Amid Faljaoui Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta.

Qu’on aime ou qu’on n’aime pas TikTok, l’application chinoise est devenue une véritable machine à cash.

Les débilités des uns et des autres rapportent, tout de même, 10 milliards de dollars de publicité cette année aux propriétaires de TikTok. La progression est fulgurante, car en 2021, ces recettes publicitaires n’étaient que de 4 milliards. C’est nettement mieux que l’inflation. Je vous en parle aujourd’hui parce qu’une banque d’affaires (GP Bullhound) vient de publier ses prévisions dans lesquelles ses analystes annoncent que TikTok sera le prochain roi de la publicité sur les réseaux sociaux.

Et c’est vrai, comme le rappelle Le Figaro, qu’avec son outil TikTok for business, cette plateforme chinoise dispose d’une vaste quantité d’informations sur ses utilisateurs qui peuvent intéresser les budgets publicitaires des grandes marques. Comme toujours, vous le savez bien, lorsque le produit est gratuit, c’est que c’est vous le produit. En fait, le pari de cette banque d’affaires est assez simple : elle constate que petit à petit, les gens – surtout les plus jeunes d’entre nous – délaissent les plateformes d’e-commerce classiques pour acheter directement sur les réseaux sociaux. Pour l’heure, les produits achetés concernent surtout les cosmétiques, la mode et l’électronique grand public. Pour l’heure, ce shopping sur les réseaux sociaux est encore marginal, mais il va prendre de l’ampleur rapidement. Je rappelle toujours à mes interlocuteurs que l’iPhone n’a été commercialisé qu’en 2007, hier donc.

Si TikTok, tout en étant encore loin derrière Instagram en matière de publicité, intéresse autant les marques, c’est parce que ses utilisateurs y restent plus longtemps. Au quotidien, et toujours en moyenne, les utilisateurs de TikTok restent sur l’appli 2 fois plus longtemps que sur Instagram et Meta, et 4 fois plus que sur Snapchat, selon Le Figaro (les publicitaires appellent cela l’engagement)

Mais la partie n’est pas encore gagnée pour TikTok. Et ce pour plusieurs raisons. La première, c’est qu’à l’inverse d’Instagram, les annonceurs sur TikTok doivent se plier aux desiderata des influenceurs, ce sont les annonceurs qui doivent s’adapter et non pas l’inverse. Ils peuvent juste imposer quelques messages, quelques directives, mais après, ils doivent donner carte blanche à l’influenceur ou influenceuse. Pas simple pour les grandes marques de lâcher-prise, vous vous en doutez. Ensuite, il y a quand même un doute sur les chiffres livrés par TikTok, quand ils affirment qu’une campagne a fait X millions de vues, il faut prendre ça avec précaution. La raison ? TikTok estime qu’une seconde passée sur une vidéo équivaut à une vue. C’est évidemment exagéré pour rester dans l’euphémisme.

Et puis, il y a quand même un doute sur ce que deviennent ensuite nos données. N’oublions pas que TikTok est contrôlée indirectement par le gouvernement chinois. Aux Etats-Unis, TikTok est d’ailleurs considérée comme une menace pour la sécurité nationale et des enquêtes sont en cours. Les uns pensent que l’application pourrait influencer les opinions occidentales sur Taïwan, par exemple. D’autres pensent que TikTok n’a qu’un seul but : abrutir la jeunesse occidentale. Il existe plusieurs vidéos qui circulent et qui montrent que si TikTok en Chine est plus dans les vidéos éducatives, chez nous c’est le divertissement, y compris le plus débile, qui aurait les faveurs des usagers.

Si c’est le cas, on serait exactement dans le cas de figure décrit par Lénine, à savoir, je le cite : “les capitalistes nous vendront eux-mêmes la corde avec laquelle nous les pendrons”.

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