Thierry Nollet (Group S): “Il existe un vrai risque de déflagration sociale”

Thierry Nollet. © BELGAIMAGE

Reprendre les activités en temps de pandémie obligera à revoir l’organisation du travail. Cela risque de créer des tensions sociales, pointe le directeur “legal services” du secrétariat social Group S.

Redoutez-vous des tensions sociales lors de la reprise progressive des activités économiques ?

Cela se voit déjà avec le dépôt de plusieurs préavis de grève. Je peux tout à fait comprendre l’anxiété de certains travailleurs au moment de reprendre le travail, les transports en commun. Mais est-il vraiment nécessaire d’adopter de telles postures ? Le monde syndical s’était affaibli ces dernières années et, soudain, le chômage temporaire leur apporte des milliers de nouveaux affiliés. Cela leur permet de reconstituer ce que j’appellerai ” les mannes célestes “. Vous ajoutez à cela un contexte d’élections sociales encore à venir et l’on peut craindre une déflagration sociale qui viendrait mettre à mal les efforts de relance. Le risque est pour moi réel.

Ne faites-vous pas là un procès d’intention au monde syndical ?

Non, je vous le répète, je comprends l’anxiété. Pour sortir du confinement dans les conditions les plus sécurisantes possibles et pour réussir la relance de l’activité économique, il faut repenser l’organisation du travail. Et ça, c’est une matière qui relève de la compétence exclusive de l’employeur. Il y a une série de règles légales à suivre ¬ et c’est tout à faire normal ¬ mais il ne faudrait pas venir ajouter des contraintes supplémentaires aux entreprises. Cela n’exclut pas une forme de concertation bien entendu, mais elle ne doit pas être duale ou dogmatique. Dans cette période très particulière, il est en outre important que les commissions paritaires puissent jouer pleinement leur rôle et réguler les éléments concurrentiels. A défaut, la sortie de crise fragilisera encore plus les entreprises les plus faibles, ce qui ne serait pas sans conséquence sur l’emploi.

La semaine dernière, le patron de la FEB Pieter Timmermans se demandait dans nos colonnes si l’on ne pouvait pas reporter ou étaler les congés pour éviter que la reprise de l’activité ne se heurte au ralentissement classique de juillet-août. Cette optique ne va-t-elle pas crisper les relations sociales ?

Les jours de congé, c’est légal et les entreprises doivent respecter cela. Cela n’interdit pas un employeur, qui estimerait que la relance de l’activité exige d’étaler les congés, d’en discuter avec les représentants syndicaux. Tous les secteurs n’ont pas fixé des périodes estivales d’arrêt, comme c’est le cas dans la construction.

Les secrétariats sociaux peuvent jouer un rôle précieux dans ce cadre. Nous couvrons 95% de la population active, nous sommes au coeur de la relation entre les entreprises et les syndicats, entre les employeurs et les salariés. Nous sommes parfaitement équipés pour aider à mettre l’humain au centre des négociations sociales. Notre pays n’aurait pas pu gérer cette crise aussi bien s’il ne pouvait compter sur un secteur des secrétariats sociaux qui démontre au quotidien qu’il assume une responsabilité sociétale à la fois majeure et écrasante.

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