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Télétravail obligatoire et sparadrap du capitaine Haddock

Lire la chronique d' Amid Faljaoui Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta.

Le télétravail, c’est comme le sparadrap du capitaine Haddock, plus on s’agite pour l’enlever et plus il colle.

Le télétravail, on pensait que c’était de l’histoire ancienne, qu’il serait réduit à un ou deux jours semaine au grand max. Et puis, le voilà qui nous revient en pleine figure avec les dernières déclarations du ministre de la Santé Franck Vandenbroucke qui, tout en ne rendant pas obligatoire le télétravail, a quand même tiré la sonnette d’alarme.

Selon lui, “si les entreprises veulent continuer à fonctionner, elles doivent passer au télétravail”. Si cette demande revient sur la table, c’est bien entendu à cause de la hausse des indicateurs de l’épidémie. Pour les représentants des entreprises, ce message est tout simplement “inaudible”. L’UCM qui représente surtout des indépendants et des petites entreprises, dit clairement que ce n’est pas en isolant les gens qu’on résoudra la question. L’UCM ajoute d’ailleurs que le télétravail ne s’est pas arrêté à 100%, toutes les entreprises qui y ont goûté, en ont conservé une certaine dose. Du côté de la fédération des entreprises de Belgique, c’est le même son de cloche. Peter Timmermans, le patron de la FEB pose même la question : si 80 ou 90% de mes employés ont fait l’effort de se vacciner, pourquoi doit-on être puni à cause d’une minorité ? Bref, vous l’avez compris, c’est pour l’heure un dialogue de sourds. Raison pour laquelle, la question de l’obligation du télétravail sera sur la table du gouvernement le 19 novembre prochain.

Le débat sera clair : d’un côté, un gouvernement qui voudra rendre obligatoire le télétravail et de l’autre des représentants des entreprises qui veulent plutôt rendre obligatoire la vaccination. Je démarrais cette chronique en parlant du sparadrap du capitaine Haddock. Je pense que c’est la bonne métaphore, car le télétravail est non seulement là pour durer, mais les questions qu’ils posent seront de plus en plus lancinantes. Que ce soit en Belgique ou dans les pays avoisinants.

Ces questions lancinantes sont connues : il y a d’abord le sujet des coûts : les factures de gaz et d’électricité liées au domicile des employés augmentent. Quid de leur remboursement par l’employeur ? Quid aussi des risques d’accident du travail à domicile ? Et puis, comment calculer la durée du travail à distance ? Et attention aux effets indirects et cachés. En effet, les jobs les plus “télétravaillables” sont les métiers liés au numérique, généralement, ce sont ceux des cadres, les fameux “cols blancs”. Mais justement, attention de ne pas abuser du télétravail, car un col blanc invisible ou presque sur le lieu de travail peut vite se faire remplacer par un autre col blanc en Asie ou au Maghreb et qui coûte 4 fois moins cher.

En d’autres mots, le télétravail à outrance, c’est aussi la porte aux délocalisations et à la concurrence mondiale. Avec nos coûts salariaux bruts élevés et notre modèle social très protecteur, des pays comme la Belgique ou la France sont à tous les coups perdants avec un télétravail à outrance – au fond, le télétravail, c’est un peu comme le poison, à très petite dose, ça va, mais avec des doses plus grandes, vous devinez la suite. Mais pour une fois, je pense que les patrons auront le soutien des syndicats, après tout, le télétravail, c’est aussi la perte d’influence des syndicats

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