Taxe kilométrique: “Les clients des supermarchés paieront la facture”

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La taxe kilométrique pour les camions est très controversée dans le secteur du transport. Elle coûtera aux transporteurs plus de 141 millions d’euros supplémentaires par an. Mais c’est aussi le consommateur final qui en paiera les conséquences.

Les clients de Delhaize ou de Colruyt paieront la facture “, déclare au Morgen Jochen Maes, un économiste spécialisé dans le secteur des transports de l’Université d’Anvers (UA).

A partir d’avril 2016, les camions devront payer une taxe par kilomètre. Cette taxe permettra de réguler le trafic sur nos routes de manière plus équitable. Le transporteur routier qui empruntera régulièrement les routes du Royaume devra payer davantage, dans l’autre sens, celui qui roulera beaucoup moins, dépensera moins explique le journal flamand. C’est la première fois qu’une telle taxe est aussi imposée aux transporteurs étrangers qui traversent la Belgique.

Pour le secteur des transporteurs belges, la facture sera de 205 millions d’euros supplémentaires sur une année, selon des chiffres publiés par le gouvernement flamand. En échange de cette taxe, l’euro vignette en vigueur actuellement disparaitra (environ 55 millions d’euros). L’impôt sur la circulation sera partiellement supprimé (environ 9 millions d’euros), ce qui explique cette différence nette de 141 millions entre le nouveau et le vieux système d’impôts.

Pour Jochen Maes, ces frais supplémentaires demandés aux camions seront directement répercutés sur les consommateurs. “Les clients de Delhaize ou de Colruyt font le sentir passer“, avance Maes. “Les entreprises vont reporter leurs frais supplémentaires, et au final, l’addition sera payée par le consommateur à la fin de la chaîne“. Selon cet expert, il est aussi important de veiller à ce que l’activité économique d’Anvers ne se déplace pas vers les concurrents étrangers, comme Rotterdam.

Le secteur logistique s’attend aussi au retour de bâton. “Ces tarifs auront un impact très fort sur nos sociétés de transport et, plus largement, sur toute l’économie”, affirme la fédération des transporteurs Febetra et Transport en Logistiek Vlaanderen (TLV).

“C’est signer la mort du secteur”

Eddy Van de Voorde (UA) est aussi spécialisé dans l’analyse du secteur, il nuance la panique: “La plupart des camions qui circulent sur nos autoroutes ont une plaque d’immatriculation polonaise, roumaine ou bulgare. Ce problème est beaucoup plus important que la taxe kilométrique “, met-il en garde. Selon une étude qu’il a menée en 2011 sur l’impact de la taxe kilométrique sur les ports flamands et la logistique, “il ne semble pas y avoir d’effets sur la force concurrentielle des ports flamands“.

Cette concurrence de plus en plus prégnante des transporteurs des pays de l’Est avait déjà été soulevée par un gérant d’entreprise de transport que nous avions interviewé dernièrement. Pour lui, cette taxe signe carrément la mort des entreprises du secteur. “Nous sommes déjà lourdement menacés depuis 5-6 ans par la concurrence des chauffeurs de poids lourds originaires des pays de l’Est. Ces derniers sont engagés à très bas coûts, ils coûtent souvent le quart d’un salarié belge“, avance-t-il. Ajoutant : “Les trois plus grandes firmes de transport en Belgique font appel à des chauffeurs de l’Est en contournant la législation. Elles sont donc moins concernées par cette mesure. Les PME qui ne font pas appel à ce type de personnel seront condamnées, à terme, par cette taxe. La plupart d’entre elles sont d’ailleurs déjà dans le rouge. On parle quand même au total de plus de 100 000 emplois sur la sellette.

Le ministre de la Mobilité, Ben Weyts (N-VA), affirme, de son côté, que “chaque euro supplémentaire qui sera payé par le secteur lui reviendra“. Il ajoute par le biais de son porte-parole: “Il est vrai que les transporteurs belges devront payer 141 millions d’euros en plus, mais ce montant leur sera remboursé intégralement grâce à différentes mesures d’accompagnement“. Il existe en effet une mesure fiscale qui permet aux sociétés de transports de récupérer 40 millions d’euros par an. Par ailleurs, le ministre justifie cette taxe en avançant que le secteur bénéficiera des 100 millions injectés dans le réseau routier – moins de files, une meilleure accessibilité – , ainsi qu’une simplicité administrative, et un élargissement des possibilités de formation continue des chauffeurs. “Bonnes nouvelles“, lâchent les fédérations de transporteurs, mais “ces mesures ne suffiront pas à compenser les coûts supplémentaires engendrés par la taxe au kilomètre“, insistent-elles.

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