Sponsoring: sortir de l’amateurisme

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Publier un livre sur la recherche de sponsors quand les budgets publicitaires se serrent la ceinture s’apparente à une erreur de timing. Mais quand on pense au temps nécessaire à un dossier pour obtenir le précieux “Go”, le moment n’est peut-être pas si mal choisi. Philippe Henin propose un mode d’emploi à l’attention de tout chercheur de sponsors. Des bases très utiles aussi pour les entreprises sollicitées.

C’est avec sa casquette de passionné de sport automobile que Philippe Henin a affûté son savoir-faire en matière de sponsoring. Depuis plus de 30 ans, Comment chercher un sponsor: mode d’emploi (1) trônait parmi ses livres de chevet. Mais, comme on peut s’en douter, une partie des conseils était devenue obsolète. Le Liégeois a donc eu l’idée de racheter les droits pour remettre l’ouvrage au goût du jour.

Une démarche entrepreneuriale

“Je me suis rendu compte qu’encore aujourd’hui, relativement peu de chasseurs de sponsors démarchent les entreprises convenablement”, explique l’auteur. L’idée de son ouvrage, Trouver un sponsor, mode d’emploi (2), est donc d’apprendre le b.a.-ba de cette technique particulière de publicité. Cible, ROI, plan financier, etc. “En réalité, ce sont exactement les codes du monde des affaires”, souligne Philippe Henin, créateur entre autres de la WebTV Racing Channel et de la plateforme Mabalise.be.

Imaginer qu’il suffit d’un porte- à-porte convaincu et enthousiaste pour récolter de l’argent est une erreur de débutant. Qu’on se le dise: la chasse au sponsor est une véritable entreprise. “C’est un travail de fourmi! Et le manque de préparation est, selon moi, la cause principale de l’échec des chasseurs de sponsors”, affirme l’auteur.

Philippe Henin
Philippe Henin© PG

Trouver sponsor à son pied

Une démarche de sponsoring nécessiterait en moyenne un an. Si d’après lui, tout événement est sponsorisable, il ne l’est pas par n’importe qui. Une des clés de la réussite est le bon ciblage. “Le réflexe de beaucoup de monde est d’aller trouver Danone et Proximus. Or il faut savoir que certaines entreprises reçoivent plusieurs dizaines de dossiers par semaine, dont une bonne partie va à la poubelle avant la deuxième page. Lorsque le chercheur de sponsors fait bien son travail, inévitablement, un paquet d’entreprises s’auto-éliminent tout simplement parce que leur cible ne correspond pas à celle de l’événement.” Donc, règle numéro 1: avant d’aller frapper à la porte d’un soutien potentiel, le chercheur de sponsor avisé devra aller à la chasse aux informations, à la fois sur l’entreprise et sur les centres d’intérêts de ses interlocuteurs.

Les retombées sont nombreuses, que ça soit en termes de visibilité, d’augmentation du chiffre d’affaires, de motivation du personnel, de marque employeur, etc.” Philippe Henin

De l’argent gaspillé?

Pour Philippe Henin, le livre est aussi l’occasion de tordre le cou à une série d’idées reçues, comme celle que le sponsoring serait de l’argent gaspillé ou de la mendicité. “Cette idée est bien ancrée car tout le monde n’a pas les moyens et les outils d’un Coca-Cola pour pouvoir mesurer ce que rapporte une campagne marketing. Pourtant, il y a de nombreuses retombées, que ça soit en termes de visibilité, d’augmentation du chiffre d’affaires, de motivation du personnel, de marque employeur, etc. Sinon, il y a longtemps que les grandes entreprises auraient arrêté!” Le chercheur de sponsor a donc intérêt à bétonner son dossier avec des retombées concrètes et réalistes.

Un levier sous-estimé

“Le sponsoring a très mauvaise presse, principalement à cause de ceux qui s’y prennent comme des amateurs, alors que c’est une démarche de communication très porteuse, poursuit Philippe Henin. Le sponsoring est en effet une façon de faire de la pub, sans l’effet pervers de la pub. Car quand on fait une campagne publicitaire pour dire qu’on a sponsorisé un événement, dans l’esprit des gens, ce n’est pas de la pub.” Pour l’auteur, le sponsoring rapporte même beaucoup plus qu’une campagne de publicité traditionnelle, à condition de le faire convenablement. Et pourtant, même du côté des entreprises, l’art du sponsoring laisse souvent à désirer.

“La première question que toute entreprise doit se poser est: qu’est-ce que je vais y gagner? Si c’est juste pour avoir des autocollants ou un logo sur un dossard, autant arrêter tout de suite! Elle gagnera du temps et de l’argent.” A l’instar des chasseurs de sponsoring, les sponsors doivent aussi préparer et suivre leurs dossiers. Philippe Henin insiste notamment sur l’importance de l’activation. “Quand une entreprise met 1 euro dans le sponsoring, elle doit prévoir 1 euro en campagne de pub pour dire qu’elle fait du sponsoring – les Anglo-Saxons vont même jusqu’à 2 euros -, puis encore un demi-euro pour ce qu’on appelle la preuve sociale, c’est-à-dire pour bien montrer qu’elle l’a fait. Alors seulement, on peut parler de cocktail gagnant.”

Sponsoring: sortir de l'amateurisme
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Sponsoring ou mécénat?

Le livre de Philippe Henin n’est pas le premier outil sur le sujet. Le succès grandissant de certaines formations à destination des chercheurs de sponsors ou de mécènes révèle une réelle demande de professionnalisation en la matière. Chez Prométhéa par exemple, l’association belge qui promotionne le mécénat d’entreprise pour la culture et le patrimoine, l’Ecole du Mécénat est passée en peu de temps de 170 à 470 participants par an. Si nous terminons avec cette notion de mécénat, c’est parce que Philippe Henin en parle aussi dans son livre, estimant que sponsoring et mécénat sont deux faces de la même démarche. “Je ne crois pas du tout au don désintéressé, dit-il. Pour moi, le mécénat est juste du sponsoring qui ne s’affiche pas. Mais l’état d’esprit, la façon de cibler et de contacter les entreprises restent les mêmes.”

(1) Auteurs: Pierre Sahnoun et Nathalie Doury.

(2) Paru en juin 2020 aux éditions Juris du groupe Dalloz Editions.

“Demander 2.000 ou 100.000 euros exige le même effort”

A HEC Liège, le sponsoring est devenu une question stratégique et occupe aujourd’hui cinq personnes au sein de l’école. “Nous explorons aujourd’hui deux voies de fundraising: d’une part le sponsoring auprès des entreprises, d’autre part le mécénat auprès de particuliers, qui prend de plus en plus d’ampleur, indique Sandra Delforge, director of corporate relations & alumni network. En matière de recherche de sponsoring, je dirais que la principale évolution, depuis environ cinq ans, est que les entreprises demandent beaucoup plus de retours concrets. Rendre des comptes est devenu une obligation. Ce qui prend le plus de temps, c’est de préparer le premier contact, d’aller chercher ce lien particulier entre l’entreprise ciblée et notre institution ou notre cause. Jusqu’à présent, nous avons surtout ciblé de grandes entreprises. Mais aujourd’hui, nous voulons trouver le bon compromis entre les grosses sociétés qui ont des moyens et les PME, grandes pourvoyeuses d’emplois dans la région. Notre approche vis-à-vis des PME devra sans doute être un peu différente. Nous pourrions demander plutôt un investissement en temps, du parrainage, du mentorat… Quoi qu’il en soit, que l’on demande 2.000 ou 100.000 euros, il faut se dire que l’effort est quasi le même.”

Sandra Delforge (HEC Liège)
Sandra Delforge (HEC Liège)© pg

Un article de Liliane Fanello.

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