Solvay néglige une importante pollution aux PFAS en Italie
La chimie de Solvay se rencontre au quotidien: dans nos smartphones, nos shampoings, nos voitures ou encore nos vêtements. Pour les habitants de Spinetta en Italie, elle semble également se retrouver dans l’eau de la rivière voisine, des aliments locaux et leur sang, pointe un reportage que la RTBF diffusera mercredi dans son émission #Investigation.
Des PFAS, des produits chimiques “éternels” et toxiques, se seraient répandus dans l’environnement, provoquant cancers, infertilité et autres graves problèmes de santé.
Durant six mois, l’équipe d’Investigation a enquêté sur les rejets chimiques du groupe belge aux 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Dans “Solvay, la pollution invisible”, elle s’est plus précisément intéressée à l’usine de Spinetta, un hameau piémontais entre Gênes et Milan, en faisant un détour par celle de West Deptford, aux États-Unis.
Achetée en 2002 à l’entreprise italienne Ausimont, l’usine de Spinetta produit des polymères spéciaux, l’activité la plus rentable de Solvay. Les premiers problèmes surviennent en 2008: Solvay est accusée de ne pas avoir entretenu correctement des infrastructures déjà polluantes, qui laissent échapper des substances toxiques empoisonnant les nappes phréatiques et l’eau des riverains. Onze ans plus tard, la justice italienne condamnera Solvay pour n’avoir ni contenu, ni réduit la pollution.
Dans le village de 6.000 âmes, situé à côté du pôle chimique d’un millier de travailleurs, les cas de cancers se multiplient. Aucun lien de cause à effet n’a pu être déterminé entre les composés perfluorés rejetés par Solvay dans l’environnement et les maladies. En effet, aucune analyse n’a été menée sur la population. Ces PFAS persistent pourtant plusieurs centaines d’années dans la nature.
L’équipe d’Investigation, en collaboration avec un médecin local, le CHU de Liège et le laboratoire de spectrométrie de masse de l’ULiège pour les analyses, récolte alors des échantillons de sang auprès de 52 riverains, une trentaine résidant à Spinetta même et une vingtaine dans la ville voisine d’Alessandria, comme groupe témoin. Les résultats montrent que les résidents de Spinetta sont entre cinq et dix fois plus exposés à l’acide perfluorooctanoïque (PFOA, une substance toxique et persistante synthétisée dans les années 1940) que leurs voisins d’Alessandria. Le composant ADV, plus moderne, se retrouve dans tous les échantillons.
Solvay connaît depuis 15 ans la toxicité de ses anciens et nouveaux composés chimiques, qui se comportent et s’accumulent de façon similaire dans le corps, mais continue de les utiliser, conclut le reportage.
De son côté, la multinationale, l’une des plus anciennes au monde, indique avoir mené 5.000 analyses sur ses travailleurs depuis 2004. L’équipe d’Investigation n’y a jamais eu accès, malgré des demandes répétées.
“Nous avons partagé ces données de manière transparente avec les travailleurs, les syndicats et les autorités sanitaires”, a réagi Solvay auprès de l’agence Belga. “L’Université de Milan a récemment déclaré que celles-ci ne révèlent aucun problème particulier d’un point de vue clinique ou toxicologique.”
L’entreprise se défend en outre de prendre à la légère l’impact environnemental et sanitaire de ses activités. Quatre ans après l’acquisition de l’usine de Spinetta, “Solvay a fait réaliser une étude d’incidence qui a permis de préciser le profil toxicologique de l’ADV, le tensioactif transmis par le précédent propriétaire”, insiste-t-elle. “Cette étude a été partagée avec les autorités sanitaires compétentes et, sur cette base, Solvay a mis en place des mesures de protection supplémentaires pour ses travailleurs.” Le géant de la chimie affirme à ce propos remplacer l’ADV dans ses processus de fabrication depuis mai dernier.
“Il est fallacieux d’insinuer que Solvay a sciemment mis en danger la santé de ses salariés et des riverains”, conclut l’entreprise, qui juge le reportage “fort biaisé”. “La chimie est une industrie où l’on manipule effectivement des substances dangereuses” mais “Solvay prend le sujet des PFAS très au sérieux”.
Les autorités d’Alessandria testeront la population à grande échelle à Spinetta dès février 2023, a pour sa part indiqué l’équipe d’Investigation.