Siemens offre la sécurité de l’emploi “illimitée”… ou presque

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128.000 salariés allemands bénéficieront de la sécurité de l’emploi reconductible sans limitation. Novateur, ce “pacte” n’offre pas d’emploi à vie, cependant.

L’emploi à vie chez Siemens ! L’espace d’une journée, les Allemands ont pu y croire à la faveur de quelques manchettes de presse prématurées. L’accord signé le 22 septembre 2010 en marge d’une réunion du conseil de surveillance de Siemens fera néanmoins date. Car il allie la perspective d’une garantie de l’emploi permanente – en fait tacitement reconductible – avec une participation plus étroite des salariés à la gestion du personnel. Et ce, sans exiger des salariés qu’ils diminuent leurs salaires ou augmentent leurs temps de travail.

“Siemens affirme sa responsabilité sociale vis-à-vis de ses salariés”, s’est félicité Berthold Huber, chef du puissant syndicat IG Metall, pour qui cet accord est bien l’exemple qu’une cogestion “bien faite” peut devenir un facteur positif pour l’entreprise. Pour les experts, cet accord est largement conditionné par la pénurie croissante de travailleurs hautement qualifiés.

Dans le détail, l’accord concerne les 128.000 salariés allemands du groupe (sur un effectif total de 405.000) et n’aura pas de limitation dans le temps. Ou, plus précisément, il sera reconduit de manière tacite à partir de 2013. Outre la sécurité de l’emploi, le pacte garantit qu’il n’y aura pas de fermeture de site ni de licenciement sans l’accord du comité central d’entreprise.

Bien sûr, à partir de 2013, l’accord pourra aussi être rompu : “Sa pérennité dépendra de la situation de l’entreprise et du climat social mais les fortes restructurations des dernières années et la gestion de la crise ont permis aux partenaires sociaux de développer en interne une large gamme de solutions et d’instruments, explique un syndicaliste au siège d’IG Metall à Francfort. Entre le plein emploi et les licenciements secs, il y a beaucoup de marge.” Ce syndicaliste estime que l’accord présent n’est pas un accord “défensif” mais un accord “dynamique”, conçu pour mieux réagir aux évolutions à venir.

Porte de sortie

Siemens s’est toutefois aménagé une seconde porte de sortie. Si la fermeture d’un site en Allemagne n’est pas possible sans l’aval des syndicats, la vente d’une filiale le sera. Cette disposition s’adapte justement au cas de SIS, filiale déficitaire, spécialisée dans les services informatiques. Pour l’instant, aucun repreneur n’est en vue mais Siemens aimerait vendre, ou du moins partager, les risques via la création d’un joint-venture.

“La direction fait très attention, précise un cadre des services juridiques. Elle ne veut pas d’une affaire BenQ bis. Cela nous a coûté beaucoup d’argent, pas mal de brevets et notre réputation.” En 2006, le dépôt de bilan de BenQ Mobile Deutschland, ancienne division de production de téléphones portables de Siemens vendue au groupe tawainais BenQ, avait en effet scandalisé l’Allemagne. Accusé d’avoir fait liquider son ancienne filiale, Siemens avait du prendre en charge la gestion et les coûts du plan social.

“Améliorer sa réputation et son image, notamment auprès d’ingénieurs de plus en plus difficiles à garder et à recruter, c’est tout ce que Siemens désire aujourd’hui”, précise ce cadre.

Les garanties d’emploi se multiplient

Siemens n’est pas la seule entreprise à offrir des garanties d’emplois à ses salariés allemands. Dans le secteur automobile, les 140.000 salariés de Daimler sont protégés contre les licenciements jusqu’à la fin de 2011. Pour 37.000 d’entre eux, employés à l’usine de Sindelfingen, la protection court même jusqu’en 2019 pour compenser la délocalisation de la fabrication de la Classe C vers Brême et les Etats-Unis.

Chez Volkswagen, l’accord a été renouvelé début 2010 et offre la sécurité de l’emploi aux 100.000 salariés maison jusqu’en 2014. L’embauche de tous les apprentis est également garantie.

Dans la chimie, Bayer s’est montré précoce en se dotant d’un accord sur la sécurité de l’emploi dès… 1997 ! L’accord actuel est valable jusqu’en 2012 pour 28.000 salariés allemands. Quant aux 37.500 salariés de BASF, leur protection vient d’arriver à échéance et est en cours de renégociation.

Enfin, entre autres exemples, le pacte pour la sécurité de l’emploi signé chez Deutsche Bahn en 2005 est valable pour 160.000 salariés. Il sera renégocié à la fin de l’année. En échange de cette garantie, les cheminots allemands ont cependant dû accepter de travailler une heure de plus sans augmentation de salaire.

Thomas Schnee (à Berlin), L’Expansion.com

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