Renault se porte bien… sa marque beaucoup moins

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Contre toute attente, les résultats du constructeur automobiles devraient être excellents en 2010. Mais la faiblesse de la marque Renault inquiète.

Comment expliquer les excellents résultats de Renault pour 2010 ?


Le constructeur automobile table sur 3,3 milliards d’euros de bénéfices en 2010, un niveau qui n’avait pas été atteint depuis 2005. Après une perte de 3,1 milliards en 2009, le groupe fait donc mieux que redresser la barre. Ses ventes devraient même être supérieures à celles de 2005. Selon le Figaro, le groupe prévoit en effet d’écouler 2,58 millions de véhicules cette année pour un chiffre d’affaires total de 38 milliards d’euros (contre 33,7 milliards en 2009). “C’est beaucoup mieux que ce que prévoyaient les analystes”, estime François Pierre-Arth, analyste chez Groupama AM. Ce lundi, le titre Renault bondissait d’ailleurs à la Bourse de Paris (+ 2,23 % à la clôture), entraînant avec lui les valeurs automobiles.


Si ces résultats sont excellents, ils méritent quelques observations. En réalité, l’essentiel de ces profits provient du portefeuille d’actifs de Renault. Sur les 3,3 milliards de bénéfices prévus, 2 milliards sont à mettre sur le compte de la vente des 15 % du groupe dans le constructeur suédois Volvo AB. Et sur les 1,3 milliard restants, sa filiale Nissan – détenue à 43 % par Renault – y est pour beaucoup. Rien qu’au troisième trimestre, les profits de Nissan ont permis d’apporter 403 millions d’euros au groupe.


Renault ne se porte-t-il donc pas si bien ?

Tout dépend de quoi on parle. Les résultats sont bons mais la rentabilité du groupe n’est pas excellente. Si les données fournies par Le Figaro sont exactes, la marge opérationnelle du groupe devrait atteindre entre 2,5 % et 3 % du chiffre d’affaires.


Une rentabilité plutôt correcte mais qui s’explique en grande partie par les marges de la Dacia (environ 6 %), le modèle low-cost de Renault. Cette année, les ventes de la filiale roumaine à bas coût devraient atteindre près de 700.000 véhicules, soit un tiers des ventes du groupe. “C’est un immense succès pour Dacia qui, à la surprise générale, s’est implantée sur le marché européen, mais cela signifie aussi que sur les deux tiers de ses ventes, le groupe est peu voire pas du tout rentable”, nuance François-Pierre Arth.


Résultat : depuis le début de l’année, la valorisation du groupe reflète seulement celle de ses participations. A la Bourse de Paris, PSA, qui a longtemps été pénalisé pour sa stratégie internationale, fait d’ailleurs mieux que son rival depuis plusieurs mois (+ 32,89 % en trois mois, contre + 24,91 % pour Renault).


Quel est le problème de Renault ?

“Excepté la marque Renault, tout va bien !”, estime François Pierre Arth. C’est en effet la grosse faiblesse du groupe : la marque Renault en tant que telle peine à séduire. “Le groupe connaît un vrai problème de positionnement : à part la Mégane, qui a bien fonctionné cette année, aucun de ses véhicules n’enthousiasme vraiment”, estime l’analyste.


Depuis 2009, en effet, le renouvellement de la gamme déçoit. Hormis les lancements récents du 4×4 Duster de Dacia, des berlines Fluence et Latitude et du petit coupé Wind, Renault s’est contenté d’un léger lifting sur plusieurs de ses modèles vedette. La preuve : alors que les usines de PSA peinent à répondre à la demande de la nouvelle DS3, les usines Renault, elles, tournent au ralenti.


Pour faire face à cette crise identitaire, le groupe doit présenter début 2011 le plan de Carlos Ghosn censé lever le voile sur ses nouveaux modèles, et notamment la Clio 4. L’attente est grande. D’autant que, depuis 2009, la marque s’est dotée d’un nouveau designer, Laurens Van den Acker, chargé de donner une cohérence au style du constructeur.


Quelles sont les perspectives d’avenir pour Renault ?

Renault se veut à la fois optimiste et prudent. En France déjà, le groupe sait qu’il subira de plein fouet la fin de la prime à la casse. D’autant plus que Renault avait énormément profité du dispositif. Sur les neuf premiers mois de l’année, le groupe a en effet vendu 480.000 véhicules, soit 33 % des voitures vendues dans l’Hexagone sur cette période. La chute pourrait donc être violente. Carlos Ghosn prévoit d’ailleurs qu’en 2011, le marché automobile français devrait baisser de 10 %.


A l’étranger, cependant, le groupe peut tout à fait continuer sur sa lancée. La stratégie internationale de Renault est plutôt intelligente. Le groupe a poursuivi son implantation en Russie (via Avtovaz) et est très bien placé au Brésil. Ces deux marchés risquent d’exploser en 2011. Quant à la Chine, Renault y est présent grâce à Nissan.


Le groupe a bien compris ces nouveaux marchés, apprécie François Pierre Arth. Le constructeur y vend des voitures Renault mais construites sur des plateformes Dacia. Grâce à cette stratégie, le groupe réalise d’importantes économies et crée des véhicules moyen de gamme solides qui répondent au besoin des marchés émergents.”


A l’avenir, le groupe mise d’ailleurs beaucoup sur le low-cost. Il estime que l’an prochain, il devrait atteindre 30 % de ses volumes de ventes, selon le Figaro. Et que, d’ici à 2015, il en aura vendu 1 million d’exemplaires. “A terme, pour pouvoir conquérir les marchés émergents, Renault ne pourra toutefois pas se passer de créer une marque reconnue dans sa zone d’origine”, insiste notre analyste.


Julie de la Brosse, L’Expansion.com

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