Renault Belgique rattrapée par l’affaire d’espionnage

Carlos Ghosn, PDG de Renault et Nissan. © Reuters

Nouveau dossier embarrassant pour le constructeur Renault : en 2005, plusieurs cadres belges ont été accusés par le groupe de malversations. Une affaire qui se dégonfle à la lumière des révélations parisiennes.

L’affaire de faux espionnage industriel est officiellement close chez Renault. Pourtant, cette histoire de Pieds-Nickelés au sein de la marque au losange semble se multiplier à travers ses filiales. Après avoir évincé trois cadres accusés d’espionnage au début de l’année et qu’une nouvelle affaire vient d’éclater en Russie, Renault fait face à autre précédent, en Belgique cette fois.

L’affaire commence début 2005. Le service de sécurité du groupe automobile _ dirigé par Alain Le Guen, un ancien de la sécurité militaire, et Dominique Gevrey, ex-militaire, au coeur de la pseudo-affaire d’espionnage _ rodent leurs étranges méthodes de barbouzes. Les faits “révélés” par leur enquête se basent sur des déclarations d’un corbeau. Le dossier, bien que très léger, est rapidement monté et l’affaire est entendue : la filiale Renault Belgique-Luxembourg (RBL) et ses succursales belges font l’objet de trafics en tout genre. Et les accusations du service de sécurité sont graves : carrousel à la TVA, détournements de fonds, pots-de-vin de fournisseurs, fausses factures, etc. L’entité Renault Brussels SA, qui gère cinq des huit succursales, est dans la ligne de mire des vrais-faux limiers.

Détournements d’actifs et carrousel TVA

Sans être informés de ce qui se trame au siège de Boulogne-Billancourt, les cadres dirigeants de la filiale belge sentent l’étau se resserrer : les audits et les pressions se succèdent. Pourtant, les derniers résultats financiers sont validés par les commissaires aux comptes sans que ces derniers ne décèlent de malversation financière. Mais la chasse aux sorcières perdure. Sans motif, ni preuve, les anciens dirigeants de la filiale belge se voient alors accusés par Renault de faux en écriture pour améliorer le bilan comptable de la filiale, de détournements d’actifs ou encore de mauvaise gestion des stocks. Il nous revient ainsi que le groupe automobile accusait sa filiale de gonfler ses résultats financiers par des pré-facturations de véhicules encore sur parc en fin d’exercice comptable plutôt qu’en début d’année.

Manipulé par son propre service de sécurité, le groupe automobile entame la purge du comité directeur de Renault Brussels SA. En trois mois, les têtes de cinq membres du comité roulent pour faute grave. A cette époque, les ex-dirigeants belges ne comprennent pas les griefs qui leur sont reprochés. Et pour cause : ce n’est que récemment qu’ils apprennent qu’une machination a été mise en place au siège du groupe.

En effet, à en croire une source proche du dossier, un document interne de chez Renault dévoilerait la volonté du service de sécurité de pousser Christian Husson, le directeur juridique de Renault, à aggraver les faits sur la filiale belge en évoquant des détournements d’actifs et de carrousel à la TVA. Un dernier reproche pour le moins étonnant car les dirigeants de Renault Brussels n’ont aucun pouvoir de signature au sein de Renault Belgique alors que c’est justement cette entité qui a été visée par l’Inspection spéciale des impôts (ISI). Selon nos informations l’ISI a bien poursuivi Renault Belgique pour carrousel à la TVA et réclamé près de 25 millions d’euros mais la filiale belge de Renault a eu finalement gain de cause devant les tribunaux.

Un million d’euros d’indemnités ?

Comment expliquer l’acharnement du groupe contre les anciens dirigeants de Renault Brussels ? Selon Le Canard enchaîné, l’affaire de fausses malversations à la belge s’explique par la volonté d’Alain Le Guen de négocier au mieux ses indemnités de départ du groupe Renault. Et pour faire monter les enchères, il aurait inventé des dysfonctionnements au sein de la filiale belge pour ensuite menacer la direction, via un de ses proches, de rendre l’affaire de malversations publique. Mais paradoxalement, ce scénario machiavélique capote pour cause… de fuites.

Confronté à cette affaire bidon et pour éviter le scandale, Renault fait marche arrière en indemnisant à hauteur de 500.000 euros quatre des anciens membres du comité de Renault Brussels. Quant au dernier des cinq dirigeants déchus, il n’aurait pas encore obtenu d’indemnités, calculées à plus de 600.000 euros selon nos sources. Seul à s’être opposé à Renault devant les tribunaux, celui-ci réclame toujours réparation au groupe automobile pour le préjudice subi, mais sans doute espère-t-il surtout que son honneur lui soit rendu.

Georges Loomis

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