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Remplacer le pétrole par les idées

Lire la chronique d' Amid Faljaoui Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta.

Il y a des patrons qu’il faut écouter plus que les autres. D’abord, parce que leur parole est rare et ensuite parce ce qu’ils disent est une mine d’or. C’est le cas de Florent Menegaux, le président de Michelin, l’un des leaders mondiaux de la fabrication de pneus.

Dans sa dernière interview accordée à mes confrères du quotidien économique Les Echos, Florent Menegaux met en garde les politiques contre le fait que l’explosion de la facture énergétique risque de plomber l’industrie européenne et donc la forcer à délocaliser. L’un de mes amis, patrons d’une très belle entreprise industrielle en Belgique me disait exactement la même chose en réagissant à l’une de mes chroniques. Il m’a d’ailleurs envoyé un article du Financial Times très éloquent à ce sujet et dans lequel on découvre que le géant industriel allemand BASF dit clairement – très clairement même – qu’il compte baisser de manière permanente ses investissements en Europe en raison notamment de la hausse du prix de l’énergie.

Ce n’est pas réjouissant, mais il y a aussi d’autres manières de voir les choses, et c’est le cas de Michelin. Le président de Michelin rappelle que quand il construit une usine, c’est pour le long terme. Et il avoue que la crise actuelle ne l’a pas fait changer ses plans d’investissements en Europe. En revanche, Michelin va chercher à accélérer les dispositifs d’économies déjà mis en place. En clair, Florent Menegaux dit qu’il convertit progressivement ses fours de cuisson fonctionnant au gaz vers l’énergie électrique qui dit-il n’a pas vocation à rester plus chère. C’est là où l’interview de ce patron d’une grande multinationale est passionnante. Pour lui, au-delà des aspects déplaisants de la crise actuelle, il faut voir cette crise comme une corde de rappel. Par exemple, nous avons consommé pendant des décennies une énergie bon marché qu’on a cru être abondante. Il ajoute que nous avons oublié le slogan français des années 1970, “on n’a pas de pétrole, mais on a des idées“.

Aujourd’hui, on se repose enfin cette question des idées et de l’inventivité grâce aux mesures d’économies que les entreprises sont obligées de faire en raison de la hausse du coût de l’énergie. A nouveau, le président de Michelin reste positif, car il estime que cette crise force les dirigeants d’entreprise à changer de logiciel. Elle nous force, par exemple, à penser et agir plus local. Pour ce grand patron, tout cela est sans doute une contrainte, mais c’est sain dit-il.

L’autre intérêt de cette interview, c’est que le président de Michelin n’oublie pas ses collaborateurs. Il le rappelle: les entreprises ont toujours été confrontées à des crises, ce n’est pas nouveau. Ce qui est nouveau et exceptionnel depuis deux ans, c’est que les crises démarrent, mais ne s’arrêtent pas, il y a un effet d’accumulation. La crise du covid a commencé en 2020, mais elle est toujours là. Pour Florent Menegaux, ce nouvel environnement plus incertain et où tout s’accélère impacte les employés des entreprises. Selon lui, l’urgence, c’est d’être attentif à leur charge mentale et à mettre tout en oeuvre pour les accompagner et les protéger au quotidien.

Au fond, ce que dit le patron de Michelin rejoint la meilleure définition que j’ai pu trouver jusqu’à présent d’un bon manager. Un bon manager, c’est quelqu’un qui absorbe de l’énergie négative et exporte de l’énergie positive. Les employés qui écoutent cette chronique savent maintenant ce qu’il faut faire pour que leur N+1 ne soit plus jamais égal à 0.

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