Rachat de RTL Belgique: une certaine nervosité
L’ex-filiale belge de RTL Group passe officiellement dans le giron des groupes Rossel et DPG Media. Non sans quelques grincements de dents…
Neuf mois. C’est le temps “humain” – celui d’une grossesse – qu’il aura fallu à l’Autorité belge de la concurrence pour accoucher d’une décision favorable au rachat de RTL Belgique par les groupes de presse Rossel et DPG Media, annoncé en juin dernier. En stipulant que cette nouvelle concentration de médias “n’entraînerait pas une entrave significative à une concurrence effective sur les marchés” (sic), cet organe indépendant donne ainsi naissance à un futur “champion national” sur notre territoire. Avec l’acquisition à parts égales de RTL Belgique, le groupe Rossel (Le Soir, Sudpresse, etc.) et DPG Media (VTM, Het Laatste Nieuws, De Morgen, QMusic, etc.) jettent en effet les bases d’une nouvelle entité qui devrait mieux tenir tête aux Gafa sur le marché publicitaire. Dans leur escarcelle, les propriétaires disposent aujourd’hui de trois chaînes de télévision supplémentaires (RTL-TVi, Club RTL et Plug RTL), de trois stations de radio (Bel RTL, Radio Contact et la numérique Mint), de la plateforme de streaming RTLplay et de la régie publicitaire IP. Les outils de RTL Belgique connectés aux ressources de Rossel et à la force de frappe de DPG Media via VTM donneront donc un sérieux coup de fouet au marché audiovisuel belge. Car cette union “transcommunautaire” va non seulement favoriser des synergies inédites en termes de logistique, de ciblage et d’achat de contenus, mais surtout doter le pays d’un acteur incontournable qui représente désormais plus de 40% du marché publicitaire national pour la télévision, la presse et la radio réunies.
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Une certaine nervosité
Si ce rapprochement réjouit forcément les acteurs du marché publicitaire, il suscite quelques inquiétudes parmi les médias qui gravitent autour de ce futur “champion national”. Concurrent direct de Rossel en Belgique francophone, l’éditeur IPM (La Libre, La DH, L’Avenir, Moustique, etc.) est devenu, il y a trois mois à peine, l’actionnaire principal (à près de 70%) de la chaîne télévisée en continu LN24. Or, il nous revient que de nouvelles instructions ont été données aux responsables de la chaîne, signe que la tension est bel et bien palpable entre les deux groupes. Jeudi dernier, alors que le président ukrainien s’adressait aux parlementaires belges par écran interposé et qu’une émission spéciale s’organisait sur LN24, le rédacteur en chef de Sudpresse (Rossel), grand habitué des plateaux de la chaîne d’info, a été décommandé à la dernière minute pour être remplacé par un collègue de La Libre (IPM). Hasard ou pas: l’Autorité belge de la concurrence avait approuvé la veille l’acquisition de RTL Belgique par DPG Media et Rossel…
Si l’on peut facilement comprendre qu’IPM veuille désormais privilégier les forces vives de ses journaux sur LN24, cette soudaine mise à l’écart de concurrents risque en revanche de tendre le marché. Car en suivant le même raisonnement, RTL Belgique, codirigé par Rossel, pourrait tout aussi bien rayer de ses listes d’invités les journalistes de La DH, La Libre et L’Avenir pour donner toute la place à ceux du Soir et de Sudpresse dans ses émissions de débats. Mais ce serait surtout une “mauvaise bonne idée”: la pluralité des opinions serait alors la première victime de cette inédite et regrettable compétition de visibilité.
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