Quelles sont les entreprises qui paient le plus d’impôts en Belgique?
Avec plus de 16 milliards d’euros d’impôts collectés auprès des sociétés, 2021 est devenue une année record pour le trésor public belge. Et surprise, ce sont les grandes entreprises qui paient le plus d’impôts. Voilà la conclusion d’une enquête exclusive menée par Trends, en collaboration avec Trends Business Information.
On pense souvent que les multinationales paient peu, voire pas du tout, d’impôts en Belgique, et ce grâce à toutes sortes de privilèges et à une optimalisation fiscale optimisée au maximum. En collaboration avec Trends Business Information, la base de données financières de Roularta, Trends a analysé les bilans de près d’un demi-million d’entreprises pour l’exercice 2021*. Sur cette base, nous avons établi la liste des sociétés qui payent le plus d’impôts.
La sélection a été effectuée sur le bilan individuel de grandes entreprises belges ou des succursales de groupes internationaux, installées sur notre territoire. Il indique le montant de l’impôt sur les sociétés, payé par ces entreprises, à l’État belge.
Pour une société holding, il n’est pas toujours possible de déterminer sans équivoque le montant de l’impôt qu’elle a payé au gouvernement. “Au total, nous avons disséqué 482.901 entreprises ayant déposé un bilan”, explique Pascal Flisch, analyste financier chez Trends Business Information. Ce chiffre représente près de quatre entreprises sur cinq. “Parmi eux, à peine 364.874 paient des impôts”, précise M. Flisch. “118.027 entreprises, soit près d’un quart, sont déficitaires ou peuvent encore récupérer leurs pertes”.
La Flandre au sommet
Avec plus de 16 milliards d’euros de recettes provenant de l’impôt des sociétés, 2021 est devenue une année record pour le trésor public belge. Les entreprises flamandes, avec plus de 10,5 milliards d’euros, ont payé beaucoup plus d’impôts que les entreprises wallonnes (2,9 milliards d’euros en 2021). Les entreprises bruxelloises ont contribué à hauteur de 2,6 milliards d’euros.
La Belgique était encore aux prises avec la crise sanitaire l’année dernière, mais Pascal Flisch n’est pas surpris par ce rendement record. “2021 a été une bonne année de trésorerie pour le gouvernement. C’était prévisible. En raison de la pandémie, ce dernier a accordé des reports d’impôts et de TVA en 2020. En conséquence, de nombreuses entreprises ont terminé l’exercice 2020 avec plus de dettes fiscales que d’habitude. Cet argent a fini dans les caisses des gouvernements en 2021, sauf en cas de défaut de paiement. Cette somme s’élève à 17,248 milliards d’euros.”
C’est donc plus que les 16 milliards d’euros, figurant dans les bilans des entreprises, à la fin de l’exercice. Cela s’explique partiellement parce qu’une partie de l’impôt des sociétés n’est payée justement qu’après la fin de l’exercice. Ce chiffre de plus de 17 milliards d’euros comprend également d’autres charges fiscales, telles que les dettes de TVA.
“En théorie, l’impôt sur les sociétés est payé presque entièrement durant l’exercice en cours”, explique Pascal Flisch. ” Quatre dates sont prévues à cet effet, chaque fois le 20e jour d’un mois donné. Mais la quatrième tranche peut être payée le 20e jour du premier mois qui suit la clôture de l’exercice.
“D’ailleurs, plus l’entreprise paie ses impôts tôt, plus le rabais qu’elle obtient est important. Mais les entreprises ne sont pas obligées de payer plus tôt. Vous n’êtes pas en retard dans le paiement de vos impôts tant que l’avis d’imposition n’a pas été établi et que le délai de paiement de deux mois n’est pas écoulé.”
Responsabilité sociale
Le plus gros contribuable en 2021 était Mastercard Europe SA. La société basée à Waterloo régit notamment les transactions de paiement électronique et elle a versé à elle seule 344 millions d’euros au gouvernement belge. Cela représente un huitième de ce que la région wallonne reçoit en impôt des sociétés.
L’entreprise ne se plaint pas de sa première place. “Mastercard est présente en Belgique depuis plus d’un demi-siècle. Nous considérons la Belgique comme une plaque tournante pour le secteur des paiements, proche des institutions européennes, et disposant d’une vaste base de données d’employés multilingues et bien formés”, déclare Henri Dewaerheijd, directeur national de Mastercard pour la Belgique et le Luxembourg.
“Nous sommes conscients que nous sommes parmi les plus gros contribuables de Belgique. Parce que l’inclusion et la responsabilité sociale sont au coeur de ce que nous faisons, nous pensons que notre empreinte fiscale doit refléter notre présence mondiale et l’importance de l’Europe pour nos activités.”
Le numéro deux est BASF Antwerpen SA. Le géant de la chimie et ses 3.433 employés, qui a réalisé un chiffre d’affaires de 7,3 milliards d’euros en 2021, a payé 240 millions d’euros d’impôt.
La société a ainsi contribué à près de 2,3 % du montant total perçu en Région flamande. Cela représente la plus grande diffusion d’impôt des sociétés en Flandre, par rapport à la Wallonie. BASF Antwerp n’a pas souhaité commenter ces chiffres.
Comme Mastercard, Toyota Motor Europe SA, à la huitième place, souligne également l’importance sociale des taxes payées. L’entreprise compte près de 2.700 employés, ce qui en fait le troisième plus grand constructeur automobile de notre pays, et ce sans avoir d’usine ici. La Belgique abrite le siège social pour l’Europe, avec ses départements marketing, ventes, RH et finances. Les filiales, situées ailleurs en Europe, sont également pilotées d’ici. Leur siège social dispose d’un centre technologique pour les essais et les mesures, ainsi que du centre de recherche et de développement pour les petites et moyennes voitures (notamment Aygo, Corolla et Yaris).
Au cours de l’exercice allant de début avril 2020 à fin mars 2021, Toyota Motor Europe a enrichi le trésor public belge avec plus de 54 millions d’euros d’impôts. “La conviction de Toyota est que les entreprises ont une responsabilité sociale et économique envers la société”, rapporte un porte-parole de Toyota pour l’Europe. “Nous considérons que respecter la législation fiscale, et donc y compris le paiement des impôts locaux, est une part de notre contribution à la société dans laquelle nous opérons.”
La banque d’État Belfius renfloue aussi généreusement le trésor public. Avec 180 millions d’euros d’impôts payés en 2021, la filiale Belfius Bank SA se classe au premier rang des banques. Sa porte-parole Ulrike Pommee a également précisé qu'”au niveau consolidé, le montant de l’impôt des sociétés est de 290 millions d’euros. En outre, cet impôt n’est pas la seule charge fiscale pour une banque-assureur. Il y a aussi, par exemple, la TVA non déductible, les prélèvements des banques et des assurances et d’autres taxes.”
Pas en tête de liste
Mais certaines entreprises préfèrent ne pas figurer parmi les plus gros payeurs d’impôts. Honeywell SA se trouve en 14e position. Cette filiale du géant américain opère, entre autres, dans le secteur de l’électronique et la gestion des bâtiments pour la sécurité, la surveillance et la santé. La filiale de Machelen a enregistré un chiffre d’affaires de 83 millions d’euros, avec 263 employés. Le résultat avant impôt était positif et s’élevait à près de 16 millions d’euros, mais la société a finalement affiché une perte nette de 26 millions d’euros. Tout cela à cause d’un taux d’imposition de… 264 %, alors que le taux d’imposition habituel pour les sociétés est de 25 %.
Honeywell a payé près de 42 millions d’euros d’impôt. Principalement à cause d’une retenue à la source sur les dividendes des années antérieures pour un montant de 37,5 millions d’euros. Les autorités fiscales belges ont exigé ce montant, et Honeywell l’a payé, en l’étalant sur les exercices de 2021 et 2022.
Un autre cas particulier est celui de la société Le Peigné SA, qui a été dissoute à la fin novembre de l’année dernière. Cette société holding appartenait au milliardaire Bernard Arnault, propriétaire majoritaire du groupe de luxe français LVMH (48 % des actions), et qui détient des marques telles que Christian Dior, Hennessy et Louis Vuitton. Le Peigné avait un bilan total de 2 milliards d’euros lors de son dernier exercice, un chiffre d’affaires quasi nul et des revenus essentiellement financiers. Les impôts payés se sont élevés à près de 23 millions d’euros. Le fait que le trésor belge ait encaissé 52 millions d’euros d’impôts au cours des trois derniers exercices a suscité quelque ressentiments côté français. Le Peigné a été dissoute à la fin novembre de l’année dernière, ses actifs ont été transférés à une société holding française.
Une innovation attrayante
Le taux d’imposition applicable est rarement l’habituel taux de 25 %. Le numéro sept, le géant de l’énergie Electrabel, paie tout de même 61 millions d’euros d’impôt. Et pourtant, cela ne représente que 3 % de son résultat avant impôts de près de 2 milliards d’euros. L’explication-clé est un chiffre de 1,76 milliard d’euros, inscrit sur le poste du bilan “produits financiers exceptionnels”.
La Belgique est également fiscalement attrayante pour les entreprises innovantes. Le groupe de matériaux Umicore, numéro dix, pourrait atténuer le montant de ses impôts (92 millions d’euros en 2021), grâce à la déduction des revenus, tirés des brevets. De même que Colruyt, au 42e rang, s’est épargné 31 millions d’impôt grâce à la “déduction pour innovation”.
Pas d’AB InBev ou de Solvay
De manière assez surprenante, des géants tels que AB InBev ou Solvay sont absents de la liste. Le bilan unique de la SA Anheuser-Bush InBev fait apparaître une charge fiscale modeste. Sur un bénéfice avant impôt de 5,6 milliards d’euros, 6,8 millions d’euros d’impôts ont été versés à l’État belge. Cela s’explique principalement par le fait que le brasseur disposait déjà de 6,55 milliards d’euros de revenus définitivement taxés, c’est-à-dire de bénéfices déjà imposés dans d’autres pays.
* Cet exercice a été réalisé pour l’exercice 2021, qui ne coïncide pas nécessairement avec l’année civile 2021.
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