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Quand des ingénieurs agronomes veulent sauver la planète en désertant leur métier

Lire la chronique d' Amid Faljaoui Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta.

C’est une vidéo qui est devenue virale. On m’en a parlé cette semaine à plusieurs reprises sur le ton du “tu ne trouves pas que ces jeunes ont raison ? Qu’ils ont du courage de dire ce qu’ils ont dit ?”

Sauver la planète en désertant son métier ?

Des jeunes diplômés d’une école d’ingénieurs agronomes à Paris ont profité de la cérémonie de remise de leurs diplômes pour critiquer l’impact de l’agro-industrie sur l’environnement et pour appeler leurs autres camarades à déserter les métiers auxquels ils ont été formés. Vous avez bien lu, ils appellent à la désertion de jobs qu’ils considèrent comme destructeurs de la planète. La vidéo est devenue virale et même en Belgique, du moins côté francophone, on en a beaucoup parlé. Les uns pour dire que ces étudiants sont des enfants gâtés et les autres pour dire qu’ils sont formidables et que toute personne qui dira encore que le niveau des jeunes est en baisse ne peut être qu’un idiot.

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Et si la vérité était entre les deux ? D’abord, parlons du message. Oui, c’est vrai que le système alimentaire actuel est responsable d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre. C’est vrai aussi que l’industrie agro-alimentaire est un grand responsable de l’effondrement de la biodiversité. Ces jeunes ingénieurs agronomes ont raison sur le constat. Mais faut-il pour autant déserter les métiers pour lesquels ils ont été formés ? La réponse est non. D’abord, parce que nous sommes dans une société ultra-médiatique et tous les coups de gueule sont amplifiés via ce mégaphone des réseaux asociaux. Je rappelle que cette école d’ingénieurs agronomes forme des centaines de jeunes et qu’ici l’appel à la désertion est le fait de 8 personnes seulement.

Comme le fait remarquer l’économiste François-Xavier Oliveau, si ces 8 jeunes ont eu autant d’impact médiatique, c’est aussi grâce au numérique qu’ils dénoncent dans leur speech ! Ensuite, la meilleure manière de sauver notre planète, c’est d’être des diplômés combattants et non pas des diplômés déserteurs. Comme l’écrit si bien François-Xavier Oliveau, ces jeunes qui veulent déserter leur métier devraient juste lire les 2.900 pages du dernier rapport du GIEC, et ils auraient vu que la planète a besoin d’experts en agriculture, en forêts, exploitation du sol, gestion de l’eau. Ils auraient vu que notre planète a besoin de talents comme les leurs pour développer des projets ambitieux de puits de carbone ou de restauration de la mangrove ou pour trouver des alternatives aux engrais azotés ou encore de trouver des moyens pour améliorer les rendements de l’agriculture biologique pour la rendre moins gourmande en terre arable, etc. Bref, la planète a un besoin urgent d’ingénieurs agronomes combattants et pas déserteurs.

L’histoire l’a montré : à la fuite, il faut toujours préférer la lutte. Comme le dit joliment François-Xavier Oliveau, “chez nous le Gaulois réfractaire sera toujours plus sympa que le Romain constructeur d’aqueducs. Et sur un tee-shirt, Che Guevera sera toujours plus sexy que Pasteur”. Encore une fois, ces jeunes ont une chance inouïe : celle de mettre leurs compétences au service du plus grand projet de l’histoire humaine. Et ils désertent alors qu’un nouveau monde est à inventer. L’écrivain Philip Roth a un jour écrit que “celui qui a été aimé par sa mère est un conquistador”. J’espère que c’est le cas pour ces jeunes et qu’ils finiront par combattre.

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