Quand Amnesty International dérape

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La dernière campagne d’Amnesty International invite les internautes à harceler directement un délégué commercial de la FN Herstal. Un procédé efficace, certes, mais contre-productif pour l’ONG qui défend les droits de l’homme.

Recevoir des appels anonymes sur son numéro de téléphone professionnel, à toute heure du jour et de la nuit, est-ce une forme de torture ? Pour l’association Amnesty International qui prône la défense des droits de l’homme et combat les persécutions dans le monde, la réponse est non. Du moins lorsque l’employé travaille pour un fabricant d’armes.

La semaine dernière, un délégué commercial de la FN Herstal a eu en effet la très mauvaise surprise de voir son numéro de GSM divulgué sur les réseaux sociaux dans une campagne de pub signée Amnesty International. L’organisation non gouvernementale invitait les internautes à bombarder Raimondo – le nom de famille était superflu – d’appels téléphoniques, histoire de lui faire perdre un temps précieux pendant le Salon de l’Armement à Abou Dhabi où il devait représenter son entreprise. “Plus nombreux nous serons à appeler Raimondo, moins il aura de temps pour vendre ses joujoux”, se gargarisait Amnesty International sur une idée originale de l’agence de publicité Air. Taquins, les créatifs de l’annonce invitaient toutefois les militants pacifistes à jouer la carte de l’humour en saturant le GSM de Raimondo avec des commandes du genre “une mitraillette andalouse et deux pistolets au pâté” ( sic).

Tendance douteuse

Contestable, le procédé qui consiste à divulguer des données privées – Amnesty rétorque qu’elles sont publiques, mais nous lui répondons qu’elles sont difficilement trouvables pour le commun des internautes – est visiblement à la mode dans le petit monde des contestataires. Il y a un mois à peine, ce sont les coordonnées professionnelles des quatre ministres belges du Climat – trois régionaux et une fédérale – qui ont ainsi été livrées au grand public sur 2.000 panneaux publicitaires illégalement pris d’assaut dans sept villes du pays. Baptisée “Réveillez vos ministres”, cette opération commando a été menée par le collectif Act for Climate Justice qui appelle clairement à “des actions directes et de désobéissance civile pour la justice sociale et climatique” (sic). Au final, ce double piratage – des données personnelles et du mobilier urbain géré par les sociétés d’affichage JCDecaux et Clear Channel – s’est soldé par un réel harcèlement des ministres visés, qui ont été inondés d’appels de citoyens plus ou moins équilibrés.

Si le procédé est efficace, on peut en revanche douter de sa pertinence morale. Inciter les foules à persécuter des ministres ou un simple délégué commercial qui tente de faire son travail – fût-il contestable – ne grandit pas les initiateurs de ces campagnes. Car ce genre de pratiques ouvre la porte à toutes les dérives et bafoue surtout l’article 5 de la Déclaration universelle des droits de l’homme que chérit Amnesty et qui stipule que “Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants”.

Tout est relatif, bien sûr, et d’aucuns rétorqueront que le harcèlement éphémère par téléphone n’est pas un traitement cruel ni dégradant. Soit. Il aurait tout de même été cocasse de voir la FN Herstal contre-attaquer et divulguer, dans la foulée, les numéros de GSM du responsable belge d’Amnesty International et du patron de l’agence de pub Air, histoire de leur apporter aussi leur petite dose de “torture” déplacée. L’entreprise liégeoise n’y a visiblement pas pensé. Ou alors, elle n’est pas tombée dans ce piège. Ce qui n’est pas plus mal.

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