Pourquoi ces employeurs pensent que la période des élections sociales est beaucoup trop longue

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La procédure d’organisation des élections sociales s’étale sur 150 jours. Une période beaucoup trop longue, selon les employeurs interrogés par le groupe de services RH Acerta.

Les élections sociales, c’est pour mai 2020. Un peu tôt pour y penser aujourd’hui ? ” Pas du tout, répond Marlies Santermans, chef de projet Elections sociales chez Acerta. Pour les employeurs, les préparatifs commencent maintenant, afin d’être prêts pour la première véritable étape, en décembre prochain. ” La législation prévoit en effet une procédure électorale étalée sur 150 jours. Elle s’ouvrira donc en décembre pour un vote qui devra impérativement avoir lieu entre les 11 et 24 mai de l’année prochaine.

Un sondage mené par Acerta indique que près de 90% des employeurs belges souhaiteraient réduire sensiblement la durée de cette procédure électorale : 41% la diviseraient par deux pour ramener la période à 75 jours et 26% vont jusqu’à estimer qu’un délai de 30 jours serait suffisant pour organiser les élections sociales.

Cette période se décompose en réalité en deux parties. La première (60 jours) concerne la fixation des paramètres : quelles unités d’exploitation sont concernées (ou regroupées), quelles personnes appartiennent à quelles catégories sociales (cadres et personnel de direction) et, bien entendu, combien de travailleurs compte l’entreprise. On prend en considération les effectifs entre le 1er octobre 2018 et le 30 septembre 2019, y compris les travailleurs intérimaires le 2e trimestre 2019. Un calcul essentiel car, en dessous de 50 travailleurs, les élections sociales ne sont pas obligatoires ; de 50 à 99 travailleurs, on élit les membres du comité pour la prévention et la protection au travail (CPPT) ; à partir de 100 travailleurs, il y a obligatoirement un conseil d’entreprise, avec des représentants élus du personnel. Durant cette période de préparation, pendant laquelle les employeurs peuvent être aidés par leur secrétariat social, l’entreprise doit aussi fixer la date de l’élection.

S’ils déplorent la lourdeur administrative des élections sociales, les employeurs assurent qu’ils continueraient à les organiser, même si l’obligation légale devait tomber.

La seconde période (90 jours) s’ouvre avec la publication des listes électorales provisoires (dans le pire des cas, elles ne seront définitives que 35 jours plus tard) et le rappel du règlement électoral. C’est à partir de ce moment-là que les candidats aux élections sociales bénéficient de la protection syndicale contre le licenciement, penserez-vous. Eh bien non, ce serait trop simple. Cette protection court en réalité 30 jours avant la date de publication des listes électorales. ” On parle alors de période de protection occulte car l’employeur ne sait pas encore qui sera candidat, explique Marlies Santermans. Il ne peut plus licencier quelqu’un sans prendre le risque que la personne se présente ensuite et bénéficie alors de la protection. C’est notamment en raison de cette période de protection occulte – 65 jours – que la procédure électorale crée de l’insécurité pour l’employeur. ”

” Nous avons rarement entendu cette volonté de raccourcir la procédure, mais nous n’y sommes pas opposés par principe, rétorque Nicolas Deprets, porte- parole de la FGTB. Les 150 jours, ce n’est pas un mantra pour nous, nous sommes prêts à partager un objectif d’allègement des procédures administratives. Mais cela ne doit en aucun cas être une manière de diminuer la protection des candidats. ”

Et si ce n’était pas obligatoire…

S’ils déplorent la lourdeur administrative, les employeurs ne nient toutefois pas l’utilité des élections sociales et assurent qu’ils continueraient à les organiser, même si l’obligation légale devait tomber. Cette conviction grimpe avec le volume des effectifs de l’entreprise : 25 % des patrons d’entreprise de moins de 100 travailleurs maintiendraient un système d’élection d’une délégation syndicale, et la proportion monte à 55% des patrons d’entreprises de plus de 100 travailleurs et jusqu’à 65% dans les entreprises de plus de 500 travailleurs.

” La proximité fait la différence, commente Marlies Santermans. L’employeur connaît personnellement les travailleurs, la ligne est plus courte pour signaler les problèmes. ” Une partie significative des chefs d’entreprise et responsables du personnel interrogés par Acerta (41%) souhaiterait toutefois réduire la fréquence des élections sociales, en portant la durée des mandats syndicaux de quatre à six ans.

” Cela ne ressort peut-être pas à la lecture des titres de presse mais dans 99% des cas, la concertation sociale fonctionne très bien dans les entreprises belges, reprend Nicolas Deprets. Nos délégués ne sont pas des va-t-en-guerre. Ils sont évidemment attentifs au respect des droits des travailleurs, mais ils peuvent aussi servir de relais et expliquer certaines décisions. ” C’est pourquoi la FGTB aimerait que la concertation sociale soit aussi formalisée dans les plus petites entreprises. Elle rappelle qu’en Allemagne, il y a un CPPT à partir de cinq travailleurs, qu’aux Pays-Bas le seuil est de 10 et en France de un. ” Pourquoi restons-nous figés sur un vieux schéma avec ce seuil de 50 personnes ?, interroge-t-il. Dans ces PME, la concertation existe généralement déjà de manière informelle. Nous voulons juste la formaliser, pour qu’il y ait une trace. Dans l’écrasante majorité des cas, ça ne change rien. Mais dans les 5 ou 10% d’entreprises où les travailleurs rament pour récupérer les heures supplémentaires ou pour obtenir un congé parental, ce serait précieux pour le personnel. ”

Le délégué ou le permanent syndical ?

Lors de son enquête, Acerta a constaté le rôle majeur joué par la délégation syndicale dans l’élaboration des conventions collectives de travail, même quand ils reçoivent l’appui d’un permanent syndical.

” Dans 60 % des cas, le secrétaire syndical joue un rôle restreint et dans 37 % des cas, son intervention se limite à signer la CCT, déclare Marlies Santermans. Ces chiffres nous ont surpris car, quand nous sommes appelés dans une telle négociation, c’est parce que les sujets sont délicats et qu’il faut l’apport d’un facilitateur. Dans ces circonstances, le permanent syndical est généralement aussi appelé en renfort. ”

L’experte d’Acerta estime préférable de laisser la délégation syndicale négocier elle-même la plupart du temps. ” Ils connaissent l’entreprise, ils ont les contacts directs avec les collègues, dit-elle. Je trouve pertinent de réserver l’appel aux permanents syndicaux pour résoudre les questions plus difficiles ou sensibles. ”

Le porte-parole de la FGTB Nicolas Deprets défend toutefois le rôle des permanents syndicaux. Ils participent notamment aux négociations sectorielles qui s’appliqueront à toutes les entreprises du secteur concerné, qu’il y ait ou non une représentation syndicale. ” Cela permet de poser des garde-fous, en matière de flexibilité par exemple, dit-il. Sans ces balises, je ne suis pas certain que la concertation se passerait aussi bien en entreprise. Pour négocier à armes égales, les représentants des travailleurs ont besoin de l’expertise et des formations apportés par les syndicats. ”

L’étude d’Acerta indique encore le rôle ” actif ” des employeurs dans la diffusion des informations après les conseils d’entreprise : 43 % des employeurs se chargent eux-mêmes de la communication à grande échelle ; 35 % communiquent conjointement avec les délégués des travailleurs (c’est le plus fréquent dans les grandes entreprises) et 15 % des employeurs laissent à la délégation syndicale le soin de communiquer.

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