PME: quelle stratégie adopter pour 2022?
La crise sanitaire que nous traversons depuis bientôt deux ans impacte tous les secteurs. Pour les PME, c’est aussi l’occasion de réfléchir à l’avenir et repenser son “business plan”. Mais attention de ne pas le confondre avec sa stratégie et son budget. Explications avec Henri Prévost, CEO du cabinet BSPK.
Dans le futur, les chefs d’entreprise vont être amenés plus que jamais à devoir gérer l’incertitude et faire montre de leur capacité d’adaptation. Il est donc l’heure de s’interroger sur son activité. Si certains patrons de PME sont dans le déni, d’autres ont bien compris qu’ils devaient repenser leur business afin d’être plus aguerris pour les années qui viennent. “Les chefs d’entreprise qui veulent faire survivre leur activité aux turbulences d’une ère hautement disruptive s’appliquent déjà à tracer une feuille de route pour 2022-2025”, analyse Henri Prévost, CEO du cabinet de conseil BSPK. D’autant plus si cette activité est non seulement bousculée par la crise sanitaire et ses conséquences multiples mais également par la problématique du changement climatique. “En cette fin d’année, de nombreux secteurs ont été fragilisés et les mois qui s’annoncent risquent d’être encore périlleux pour nombre de dirigeants, rappelle Henri Prévost. L’activité de nos clients concessionnaires automobiles est par exemple bridée par la crise des semi- conducteurs qui ne se solutionnera que courant 2023. Les gens de la construction sont, eux, confrontés à un triple problème: pénurie de main-d’oeuvre, hausse des prix des matériaux et délais rallongés en matière d’approvisionnement. Enfin, n’oublions pas les sociétés événementielles et l’horeca qui souffrent depuis plus de 20 mois.”
La plus grande disruption de la crise actuelle est que faire des profits n’est plus la finalité première d’une entreprise.
Redessiner le périmètre
Pour nombre de ces structures, ces nouvelles contraintes imposent de repenser tout bonnement le business plan. En général, lorsqu’on évoque ce dernier, on songe immédiatement au lancement d’un projet et au début d’une activité dont il convient d’assurer le financement durant les premières années. Le business plan a donc pour but de séduire et convaincre banquiers et/ou investisseurs potentiels. Dans la suite de la vie de l’entreprise, on le perd d’autant plus souvent de vue que le développement de celle-ci est souvent relativement éloigné des objectifs et projections de départ. Mais en période de crise, il peut s’avérer précieux d’y repenser, car de nouvelles activités peuvent être imaginées, voire des solutions disruptives. “Le chef d’entreprise doit mettre cette crise à profit pour redessiner le périmètre de vie de son activité, de sa société, confirme Henri Prévost. Son plan 2022-2025 doit être simple, concret, cohérent. Il y traduira l’ensemble de ce qu’il faut conduire comme actions futures, sa destination, ses ressources et moyens nécessaires sans occulter la notion de temps pour parvenir aux objectifs fixés. Et surtout veiller à ne pas confondre objectif et résultat. Un business plan n’est pas un budget P&L ( profit & loss), c’est un savant mix entre vision, stratégie, marketing, comptabilité prévisionnelle et une grosse dose d’intuition.”
Mais s’il convient de penser au business plan, cela ne signifie nullement qu’il faille faire l’impasse sur le budget, que du contraire. On le sait, établir un budget relève du casse-tête pour nombre de dirigeants de PME, surtout en cette période où les repères ont été singulièrement brouillés et où les prévisions demeurent on ne peut plus hasardeuses. Une aide est donc parfois la bienvenue… “Nous intervenons chez des chefs d’entreprise qui peinent à la rédaction de leur budget, rappelle le CEO du cabinet de conseil BSPK. Certains dirigeants le repoussent même en mars-avril de l’année cible… C’est inquiétant. Mais il est clair, à leur décharge, qu’ils ne peuvent plus se projeter sur base des résultats enregistrées les années précédentes. Par ailleurs, il leur est devenu plus difficile d’évaluer tous les évènements qui affecteront leur activité future. La disruption a montré les limites de leur vision, de leur business model, les a jetés dans les cordes. Ils doivent tout réévaluer, prévoir, anticiper avec des données inconnues, etc.”
Fixer des points de repère
Comme le soulignent les experts de BSPK, les dirigeants doivent fixer en priorité des repères, des caps stratégiques et, pour y parvenir, se poser une série de questions. Quelles sont leurs ressources humaines à l’instant “T”? Quels sont les besoins de main-d’oeuvre, de talents, de trésorerie? Quel est leur positionnement concurrentiel et comment a-t-il évolué ces 24 derniers mois? Quel est le besoin auquel leur activité répond? Quelle est leur USP ( unique selling proposition)? Dispose-t-on des bonnes compétences, personnalités et expériences pour répondre aux attentes du marché et aux défis à relever? Se sentent-ils assez solides pour l’horizon 2022-2025? Autant de questions existentielles auxquelles le chef d’entreprise ne peut pas toujours apporter une réponse simple. “C’est un véritable stress test, reconnaît Henri Prévost. Dans le contexte actuel, les conditions contractuelles, les conditions générales de vente, les règlements sont autant à revoir que le budget prévisionnel. Nous avons par exemple aidé des clients à rédiger des nouveaux contrats avec des prix journaliers ou des clauses de révision en cas de circonstances imprévues.”
Selon le CEO de BSPK, “la plus grande disruption de la crise actuelle, c’est le fait que faire des profits n’est plus la finalité première d’une entreprise. En revanche, générer du progrès et de l’innovation est devenu vital, existentiel pour les dirigeants, les décideurs, les entrepreneurs. C’est seulement parce que l’entreprise apportera du progrès – social, environnemental, technologique ou économique – qu’elle fera du profit. Un résultat nécessaire pour financer ce projet qui fait sens. Les résultats financiers ne seront jamais une finalité, c’est une conséquence indispensable pour donner vie à des ambitions utiles. C’est l’essence même de l’entrepreneuriat. Pour preuve, la multitude de nouveaux entrepreneurs pour lesquels l’entreprise n’est pas une manière de réussir dans la vie mais de réussir leur vie”.
Des mots et des étapes
On l’a déjà dit, la période difficile que nombre de PME traversent n’est pas que sanitaire. Elle revêt également des aspects sociétaux, financiers ou encore environnementaux qui ne font qu’ajouter de l’incertitude à l’incertitude. Le tout sur fond d’une transition durable ainsi que digitale. C’est dans ce contexte compliqué que les experts de BSPK ont élaboré une stratégie des 5 P: pourquoi, préparation, progrès, projet et profit. “Cinq mots qui, remis dans cet ordre, permettront aux chefs d’entreprise de mieux appréhender la façon dont les années 2022 à 2025 impacteront leur activité”, souligne Henri Prévost, qui nous détaille ci-contre ces étapes.
“L’intelligence se mesure à la quantité d’incertitude que nous sommes capables de supporter… et le leadership d’un chef d’entreprise à l’épaisseur de brouillard qu’il arrive à dissiper”, ajoute le CEO en guise de maxime. Plus globalement, ce diagnostic managérial proposé par BSPK pour des entreprises petites ou grandes peut se comparer à un check-up de santé pour l’humain. En période de crise, le temps est compté pour résoudre des questions complexes. Il est donc important d’effectuer un état des lieux le plus complet possible avant d’élaborer un plan qui risquerait de ne pas répondre aux problèmes, voire de les aggraver. Dans une époque où tout s’accélère, prendre le temps de réfléchir au sens de son projet est une absolue nécessité, avant d’ensuite bâtir sa stratégie d’avenir…
La stratégie des 5 P
· Pourquoi
“Pourquoi exerçons-nous ce métier? Pourquoi cette crise fragilise-t-elle notre système établi? C’est la question essentielle que le dirigeant doit se poser. Il ne doit pas se contenter de constater des succès ou des échecs dans sa carrière mais débuter chaque jour en se demandant pourquoi il a choisi ce job, cette fonction, cette mission.”
· Préparer
“Il convient de se préparer et accueillir le changement comme une chance, une rupture, une transformation. Ce qui existait ne peut plus perdurer. Il faut à la fois appréhender cette évolution et comprendre la nécessité d’une restructuration. Bref, il s’agit de se préparer à saisir les opportunités que l’on peut trouver dans chaque crise.”
· Progresser
“Innover et progresser au quotidien afin de faire évoluer son organisation pour atteindre de nouvelles réalités, de nouveaux paramètres qui soient en phase avec l’écosystème qui a évolué. Cela consiste à changer ses habitudes afin qu’elles puissent répondre aux nouvelles préoccupations éthiques, sociales ou environnementales.”
· Projet
“Une crise se surmonte et se dépasse par la (re)construction d’un projet, qui doit être pertinent, pointu, professionnel avec des valeurs fortes mobilisant le sentiment d’appartenance et la cohésion vers le but, vers l’objectif. Un objectif qui est souvent oublié depuis des années…”
· Profit
“C’est seulement, lorsque l’on a répondu aux quatre premiers P, que l’on peut songer au profit. Le chef d’entreprise valorise son projet par opposition à son ancien business model qui se dévalorise et alors le profit devient une conséquence positive et évidente.”
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