Philippe Buelen (Wallonie-Santé): “Sans nous, ces projets ne se feraient pas”
Philippe Buelen, le patron de Wallonie-Santé, est fier du premier exercice d’existence du fonds. Il a contribué à 11 investissements dans des hôpitaux, centres pour handicapés et maisons de repos de Wallonie.
“Je suis content d’avoir vu juste au bon moment.” Philippe Buelen, le président du comité de direction du fonds d’investissement Wallonie-Santé, est plus que satisfait du premier exercice de cette petite s tructure logée au sein de la Sogepa. Elle a en effet pris des décisions d’investissement pour 51,4 millions d’euros en faveur de 11 institutions de soins (trois hôpitaux, quatre centres pour les aînés et quatre pour les handicapés). “La crise du Covid-19 a mis au grand jour les enjeux des besoins croissants d’infrastructures de santé adaptées, poursuit Philippe Buelen. Avec le ministre de la Santé de l’époque, Maxime Prévot (cdH), nous avions anticipé ces besoins en créant le fonds en 2018.”
Nous aidons des projets innovants qui rencontrent des besoins pas encore couverts aujourd’hui.
Philippe Buelen, président du comité de direction de Wallonie-Santé
A première vue, Wallonie-Santé semble pourtant un peu dérisoire face à l’ampleur des enjeux : un fonds d’à peine 240 millions d’euros (100 en prêts ou participations au capital, 100 en garantie, 10 en avances récupérables et 30 pour les travaux visant aux économies d’énergie), quand le plan régional prévoit d’investir 2,34 milliards dans les infrastructures hospitalières durant la législature.
Le fait est que dans un souci d’inciter les acteurs à bien calibrer leurs projets immobiliers, leurs investissements ne sont désormais plus intégrés qu’à hauteur d’un maximum 72,5% dans les montants payés par l’Inami par journée d’hospitalisation. Le solde doit être compensé par des fonds propres ou des emprunts. Et c’est ici que Wallonie-Santé s’avère bien utile. “Notre intervention facilite les tours de table car nous n’avons pas les mêmes instruments que le secteur bancaire, explique Philippe Buelen. Nous intervenons notamment via des prêts subordonnés bullets (le capital est remboursé en un coup à l’échéance) et nous acceptons de nous positionner en second rang pour les inscrip- tions hypothécaires. Sans nous, ces projets utiles à la société ne se réaliseraient pas tous.” La présence de Wallonie-Santé rassure en quelque sorte les autres investisseurs et permet un intéressant effet de levier de 1 à 12 : les 51,4 millions d’euros débloqués ont ainsi permis de financer des investissements de plus de 600 millions et même plutôt de l’ordre du milliard en ajoutant les fonds propres.
Focus sur les petites structures
Les hôpitaux ne constituent toutefois pas vraiment le coeur de métier de Wallonie-Santé. Le fonds a surtout investi dans des structures d’hébergement de personnes âgées ou handicapées. C’est le cas, par exemple, pour Accordage, une société flamande qui s’est spécialisée dans la prise en charge des patients dans cette zone floue entre l’hospitalisation et le retour autonome à domicile et qui ouvre son premier “hôtel de soins” en Wallonie, à Charleroi. “Nous aidons à rencontrer des besoins pas encore couverts aujourd’hui, se réjouit le chef d’orchestre de Wallonie-Santé. Depuis le départ, nous affichons une réelle ambition d’innovation dans le domaine de la santé.”
12 : l’intervention de Wallonie-Santé facilite les tours de table et permet un effet levier de 1 à 12 sur les montants investis.
C’est bien dans cet esprit que le fonds a décidé récemment d’apporter un prêt de 600.000 euros pour la construction d’une maison médicale à Montignies-sur-Sambre. Cet investissement rencontre en outre la volonté du gouvernement wallon de soutenir les pratiques médicales pluridisciplinaires. Ces “petits” acteurs sont très intéressés par la politique de taux planchers de Wallonie-Santé, dont les taux sont liés aux OLO et restent largement inférieurs à 1%.
Un investissement de 85 millions sur Liège
Le fonds spécialisé a bien entendu été appelé à la rescousse dans le cadre de la crise du Covid-19. Il a géré l’enveloppe de 10 millions d’euros débloquée par la ministre de la Santé Christie Morreale (PS) pour soulager la trésorerie des maisons de repos et a avancé 17 millions pour l’achat de matériel médical (masques, gants, blouses, visières, etc.). Ce matériel a été acheté à plus de 90% en Belgique et même pour 40% à des entreprises wallonnes (notamment Deltrian, à Fleurus). “A terme, nous pourrions investir dans la construction d’unités de production de matériel stratégique en Wallonie”, précise Philippe Buelen. C’est déjà indirectement le cas avec le Legiapark, en face de l’hôpital du MontLegia à Liège. Cet espace sera dédié à l’accueil d’activités économiques liées aux biotechnologies et aux sciences de la vie, ce qui implique d’importants projets de construction (laboratoires, salles blanches, zones de petite production, bureaux, espaces logistiques, etc.). L’investissement total serait de 85 millions d’euros, Wallonie-Santé vient de décider d’y participer à concurrence de 20 millions d’euros, tout comme Noshaq d’ailleurs.
Au 31 décembre dernier, Wallonie-Santé avait bouclé 11 dossiers d’investissement. Sept autres se sont ajoutés depuis et 22 sont en cours d’examen. “Vu l’afflux des demandes, la décision de refinancement de l’enveloppe de fonds propres de Wallonie-Santé devra très certainement être prise dans le courant de l’année prochaine”, concède Philippe Buelen, confiant dans le soutien du gouvernement wallon. Le premier exercice a été déficitaire (-168.000 euros) mais le fonds devrait être self- supporting dès cette année avec le versement des premiers intérêts et dividendes. “Nous avons démontré l’utilité de notre outil, conclut Philippe Buelen. Le secteur de santé et de l’action sociale représente 190.000 emplois en Wallonie et 8,5 milliards d’euros de valeur ajoutée. Il mérite que les pouvoirs publics lui consacrent un fonds d’investissement spécifique.”
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