Pascal Mertens: “La santé, c’est un investissement, pas un coût”
En poste chez Mensura depuis le 1er novembre, Pascal Mertens apporte au premier service externe de prévention et de protection au travail de Belgique, une très longue expérience dans le domaine des soins de santé. L’homme fut en effet aussi directeur d’hôpital et patron d’une mutuelle. Première interview.
Il semble déjà avoir eu mille vies. Banquier puis contrôleur financier chez Carmeuse à ses débuts, Pascal Mertens a ensuite bifurqué vers les soins de santé. D’abord à l’Union nationale des mutualités libres dont il fut, entre autres, le general manager pendant sept ans. Ensuite comme patron d’hôpital, notamment au Centre hospitalier neurologique William Lennox, au CHR Sambre & Meuse ou au CHR Mons-Warquignies. Le Gaumais est tout aussi actif dans le sport puisqu’il est le trésorier de la Ligue handisport francophone et administrateur du COIB depuis décembre 2009. Depuis le 1er novembre, Pascal Mertens a ajouté une autre corde à son arc: les services externes. Il est devenu le directeur Région Wallonie de Mensura, le leader belge de la prévention et de la protection au travail avec ses 600 collaborateurs, dont 289 médecins et paramédicaux, ses 27 centres mobiles et 102 centres régionaux. Première interview dans son nouveau rôle.
A l’évidence, les entreprises vont être un endroit de choix pour diffuser le vaccin.
Trends-Tendances. Pourquoi Mensura et pourquoi maintenant?
Pascal Mertens. A 58 ans, j’avais encore envie d’un défi. Je m’étais mis trois conditions: un secteur porteur d’avenir, une structure crédible dudit secteur et des valeurs en adéquation avec les miennes. J’ai trouvé tout ça chez Mensura, notamment les valeurs de passion, transparence et intégrité qui me vont comme un gant. Pourtant, ce ne fut pas le coup de foudre immédiat. En tant que patron, je n’avais pas forcément vécu les plus belles expé- riences avec les services externes. Nos discussions ont repris après une interruption due à la pandémie. J’ai changé d’avis car j’ai pu observer tout ce que Mensura a fait durant cette période. La crise m’a donné l’envie de les rejoindre. Après un mois, j’en suis encore plus convaincu. Ce fut un choix naturel, en fin de compte.
Justement, parlons-en de la pandémie. Quel rôle a joué Mensura?
Le service externe, pour un chef d’entreprise, c’est une contrainte, une obligation légale. Mais la pandémie a montré que nous étions surtout un partenaire précieux. A la demande de l’Aviq (Agence wallonne pour la vie de qualité, Ndlr), nous avons réalisé du testing dans les maisons de repos. Au personnel médical, nous avons ajouté des psychologues en support. Dans la foulée, nous avons été très impliqués dans le tracing, notamment à Namur. Enfin, dans l’optique de la vaccination, les autorités ont déjà pris contact avec nous. A l’évidence, les entreprises vont être un endroit de choix pour diffuser le vaccin. Toujours dans le cadre de la pandémie, nous avons élaboré un plan de reprise du travail et un autre d’accompagnement au télétravail. Distillé sous forme de webinaire, il permet un travail sûr et productif à la maison. Il contient huit étapes qui vont des aspects ergonomie et sécurité à la dimension sociale en passant par la prévention des risques psychosociaux comme le burn-out digital. Enfin, ces temps-ci, nous sommes régulièrement sollicités pour des questions de bien-être mental lié au travail. Ce deuxième confinement avec télétravail obligatoire est plus stressant que le premier. D’une part, parce que depuis cet automne, nous connaissons tous un proche, une connaissance ou un collègue qui a été touché par la maladie. D’autre part, la météo et la saison sont moins agréables. Enfin, la durée de la crise fait que les employés se posent des questions: vais-je garder mon travail? Faudra-t-il vraiment retourner au bureau?
Bien-être au travail, télétravail, risques psychosociaux: vous avez cité la plupart des grands enjeux RH des prochains mois. A vous écouter, Mensura dispose de l’expertise pour y jouer un rôle important.
Vous savez, Mensura, ce n’est pas que la visite médicale annuelle. C’est l’image que beaucoup en ont mais nous sommes beaucoup plus que cela. A côté des médecins et des infirmier.e.s, nous disposons de conseillers en prévention qui sont des ingénieurs civils ou industriels. Mais aussi des ergonomes et, en forte croissance, des psychologues. Les entreprises font de plus en plus appel à nous pour tout ce qui touche au bien-être de leurs employés. Le fameux AAC pour autonomie, appartenance et compétences, c’est-à-dire la reconnaissance des compétences. Nous avons pour vocation de construire des solutions en fonction de la réalité, différente, de chaque client.
Mensura, dans sa communication, parle beaucoup d’innovation, un pilier de sa stratégie. Concrètement, ça veut dire quoi?
Evidemment, il y a un aspect digitalisation. D’une part, nous fournissons désormais un performance dashboard qui permet à chaque client de voir où il en est en termes d’obligations légales. Ensuite, nous venons de lancer un projet pilote, notamment chez Epicura, le groupement hospitalier de la région de Mons-Borinage et d’Ath. Il s’agit d’un portail travailleur qui permet de gérer les visites médicales obligatoires mais aussi leur suivi. Chaque travailleur ¬ et ce n’était pas forcément le cas avant ¬ reçoit automatiquement les résultats de sa visite et le plan d’actions conseillées éventuel. Et puis, nous proposons aussi de nouveaux services.
Quels sont-ils?
Je vous en évoque deux. Nous sommes occupés à mettre en place un service appelé Travel Medicine. Il n’est pas encore sur le marché mais il est développé, notamment avec des entreprises du secteur de la construction. L’idée est de permettre aux sociétés qui envoient des employés à l’étranger, comme Besix ou De Nul, de le faire dans de bonnes conditions: vaccins, prévention santé, règles alimentaires, etc. Vous savez que, dans le Golfe, certains pays demandent déjà de se faire vacciner contre le Covid à l’aide d’un vaccin chinois? Pour ce projet, nous collaborons avec l’Institut des maladies tropicales d’Anvers. Ensuite, nous avons lancé le programme My Vitality qui consiste à faire la promotion de bonnes pratiques sanitaires auprès des employés. En trois phases. D’abord le scan. Mesurer, c’est savoir et c’est une phase d’observation avec analyse du mode de vie, des check-up, des dépistages, etc. Ensuite, les conseils personnalisés sur base des résultats. Enfin, un plan d’actions concrètes sur base des réalités précises de l’entreprise. A ce stade, nous proposons une quinzaine d’ateliers appelés Théâtre du Stress, Healthy Food, Time Management, The Power of Sleep, etc.
Investir dans ses équipes, on ne le regrette jamais.
Ces services ont un coût qui se rajoute à la contribution légale et obligatoire?
Non, ça ne fonctionne pas comme ça. La mission historique des services externes porte sur le suivi médical et la gestion des risques. Cela a débouché sur des con-traintes légales pour les entreprises qui peuvent être différentes selon les secteurs. La contribution qu’elles paient diffère aussi selon le nombre d’employés. Le tarif défini offre à l’entreprise des unités d’oeuvre ou de prévention qu’elle dépense au gré de ses contraintes. Certaines dépensent tout, d’autres beaucoup moins, d’autres encore débordent largement et achètent d’autres choses, comme des formations. C’est aussi un domaine où nous sommes très sollicités. Au-delà des formations techniques pour les conseillers en prévention, nous dispensons aussi, par exemple, des sessions destinées aux services RH. Soit pour l’ensemble de l’équipe, soit pour quelques personnes qui, en retour, formeront leurs collègues. Pour répondre à votre question, des activités recommandées et des services supplémentaires peuvent être inclus ou payés en supplément suivant le budget qu’il reste une fois que le prioritaire aura été fait. Ceci dit, il ne faut pas raisonner en termes de coût et c’est ma longue expérience dans les soins de santé qui parle. La santé n’est pas un coût, c’est un investissement. Un investissement sur le capital le plus important des entreprises: les employés. Ça fait 35 ans que je dirige des équipes. Le monde a changé mais pas ça. Investir dans ses équipes, on ne le regrette jamais.
Vous l’avez dit, la pandémie a eu un impact sur vos activités puisque vous avez été impliqués dans le “testing” et le “tracing” et le serez bientôt pour la vaccination. Les confinements vous ont-ils empêchés de remplir vos obligations?
Si les entreprises ont des contraintes, nous aussi. Pour garder l’agrément, nous devons remplir nos obligations légales. A tout le moins un quota très élevé. Cette année est particulière et il nous a été confirmé que tout le supplément non légal que nous avons fait ou allons faire avait le pas sur les contraintes légales.
Vous vous occupez spécifiquement de la Wallonie. Y a-t-il de si grandes différences avec les autres Régions?
Mensura s’est décentralisée justement pour être plus proche de ses clients et de ses besoins. Vu son histoire (elle est issue d’une fusion d’une dizaine de services externes, Ndlr), Mensura est plus importante en Flandre et mon arrivée a pour but de nous développer encore plus en Wallonie. Ceci dit, nous ne sommes pas non plus dans un secteur qui attaque agressivement le marché. Alors oui, il y a des différences notables entre les Régions. D’une part, c’est géographiquement plus étendu chez nous. C’est pour cela qu’outre nos deux sièges de Gosselies et de Libramont, nous avons aussi des centres répartis sur toute la Wallonie. D’autre part, le tissu des entreprises est différent. La Wallonie est toujours en reconversion et il y a donc beaucoup plus de PME. Il y a plus de clients en Wallonie mais ils sont plus petits. Ce qui est plus complexe à gérer au niveau du personnel et de l’organisation. Enfin, la Wallonie compte plus de structures publiques et semi-publiques. C’est un secteur spécifique qui n’est pas moins dynamique pour autant.
On vous sent particulièrement motivé.
J’en reviens à la première question. Mensura, que je trouve plus dynamique que la moyenne, se trouve au coeur des grands enjeux de demain: le bien-être au travail, le télétravail et les risques psychosociaux – car n’oublions pas qu’il n’y a jamais eu autant de burn-out que maintenant. Sans oublier l’absentéisme qui est un de nos chevaux de bataille. Nous allons devoir travailler jusqu’à 67 ans. Il me semble sensé que chaque employeur agisse pour que cela se fasse dans les meilleures conditions possibles: santé, bien-être et motivation.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici