Parfum de seventies

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Pratique, colorée et mixte: lors de son lancement en 1972, la Renault 5 symbolisait parfaitement son époque, marquée par la joie de vivre et une certaine insouciance. Aujourd’hui, tendance vintage oblige, ses derniers exemplaires se négocient parfois à un prix certain. Nous en avons piloté un: bouffée de nostalgie garantie.

En 1972, voilà à peine trois ans qu’un Américain a marché sur une Lune toute grise et seulement 8% des foyers français disposent de la télévision couleur. Mais dans les rues, les voitures arborent des peintures vives. En particulier la toute nouvelle Renault 5, présentée dès ce mois de janvier. Sa bouille sympathique incite à entamer l’année avec le sourire. Au-delà de son côté chipie, cette petite voiture a en effet bien des aspects pratiques à faire valoir. Pour la développer, ses concepteurs ont appliqué la science des études de marché, totalement nouvelles à l’époque. Ils se sont notamment basés sur des tests de clientèle pour mieux cibler les attentes d’un public changeant et partiellement féminisé.

Parmi les aspects pratiques, il y a bien sûr le fameux hayon, cher à Renault depuis plusieurs années déjà et qui facilite le chargement du coffre. Ce dernier est spacieux: il peut accueillir le volume d’un caddy de supermarché, pour accompagner les nouveaux modes de consommation. Et pour amortir sans casse les petits chocs dans les parkings, la voiture se coiffe de boucliers en fibres de verre imprégnées de résine polyester. L’idée n’a pas été facile à vendre à la direction car à l’époque, le plastique est un peu plus cher qu’un parechoc en tôle recouvert de chrome. Mais le concept est ingénieux et le résultat plaisant esthétiquement: la teinte gris clair des parechocs contraste et participe pleinement au look de la R5. Des protections latérales de la même matière seront également montées plus tard sur les versions GTL.

La voiture soigne aussi la sécurité des enfants grâce à l’absence de portes et de vitres ouvrantes à l’arrière (une version cinq portes sera cependant lancée en 1979). Ce style “coupé” à deux portes et hayon forge l’identité de l’engin. A l’avant, en bonne voiture des années 1970, la planche de bord se garnit de plastique. Et pour encore mieux coller à son temps, les sièges peuvent se couvrir en option d’un skaï brillant de teinte orange. A l’époque, cette couleur agrume est partout: du mange-disques au papier peint en passant par le mobilier et les batteries de cuisine. La couleur orange pouvait aussi bien sûr recouvrir la carrosserie de l’auto. Mais le client avait également d’autres choix: la “5” aura connu 68 teintes de carrosserie durant sa carrière, avec notamment 15 nuances de bleu, neuf nuances de vert, quatre jaunes ou encore trois rouges.

Une gamme très variée

Née dans l’insouciance post-soixante-huitarde, la “5” a vite été rattrapée par les chocs pétroliers de 1973 et 1979. Mais elle a su s’adapter quand le pétrole venait à manquer. D’ailleurs, dès sa naissance déjà, la sobriété faisait partie de ses gènes. Son moteur de seulement 782 cm3 et 34 ch n’avait pas besoin de beaucoup d’essence pour animer les 785 kilos de l’engin. Néanmoins, pour mieux faire face à la crise, naissait en 1976 la R5 GTL, dont le “gros” moteur de 1.289 cm3 dégonflé à 44 ch ne consommait que 4,7 l/100 km à 90 km/h de moyenne. En 1981, la cylindrée est abaissée à 1.108 cm3, tandis que la boîte passe de quatre à cinq vitesses. Dans un autre genre sort la même année la R5 TX, version chic et performante, dotée de vitres électriques, d’un volant en cuir, d’une direction assistée, d’une montre digitale et de sièges tendus de velours côtelé couleur sable. La TX sera la première à prouver qu’une voiture chic peut être petite. Elle avait déjà “tout d’une grande”, comme dira plus tard le slogan publicitaire de la Clio…

Skaï et plastique A l'époque, la couleur orange est partout, même dans la R5.
Skaï et plastique A l’époque, la couleur orange est partout, même dans la R5.© photos : pg

Quelques années auparavant, en mars 1976, avait en outre débarqué la version sportive Alpine (1.4 litre de 93 ch) pour barrer la route à la toute jeune Volkswagen Golf GTI. Pour foncer encore plus fort, cette version sera boostée par un turbo en 1981, affichant alors 110 ch. Mais la plus méchante des R5 était bien sûr la fameuse et bodybuildée Turbo à moteur arrière de 160 ch qui fera des ravages en rallye. Dans une logique très américaine de segmentation de l’offre, la “5” sut donc se faire à la fois bon marché, routière, raffinée ou sportive, selon ses moteurs et équipements.

On l’ignore souvent mais cette Renault a aussi fait une petite carrière aux Etats-Unis à partir de 1976. Pour partir à la conquête de l’Amérique, Renault se rapproche puis rachète AMC (American Motors Corporation), dont le réseau de 1.300 concessionnaires est la tête de pont idéale pour diffuser la “Le Car”, nom donné là-bas à la R5. Le modèle sera cependant un brin défiguré (phares renfoncés et parechocs allongés) pour respecter les normes locales de sécurité. Renault espérait une success-story digne de celle de la Volkswagen Rabbit, la Golf américaine. Mais au pays du ketchup, la mayonnaise française n’a pas tout à fait pris…

Une cote qui flambe

Anniversaire oblige, nous avons eu l’occasion de tester une de ces R5 originelles, dont le fin volant en bakélite nous plonge immédiatement dans le passé. Pour le conducteur d’aujourd’hui, l’habitacle est assez étriqué en largeur et le levier de vitesse en “porte-manteau”, planté au sommet de la planche de bord, déconcerte. Mais il est doux et précis. Notre version d’essai TL de 1974 (956 cm3 de 44 ch) n’a rien d’un foudre de guerre mais elle est souple et sobre. Son classique bloc “Cléon-Fonte” laisse échapper le cliquetis typique de bien des Renault de l’époque. La voiture roule agréablement et sa suspension se montre très confortable, sans trop prendre de roulis. Un modèle parfaitement adapté à la balade et qui a franchement bien vieilli. La R5 est également fiable, simple d’entretien et les pièces sont disponibles en nombre. Mais vérifiez bien l’état du châssis, sensible à la corrosion, comme toutes les voitures de l’époque. La première R5 a été produite à 5,5 millions d’exemplaires entre 1972 et 1985. Les modèles sont donc assez faciles à trouver. Mais attention de ne pas les confondre avec la Renault Supercinq, la 5 de deuxième génération produite jusqu’en 1996. Bien que très proche esthétiquement de l’originale, ce modèle ne partage pas grand-chose avec son illustre devancière.

Le prix varie très fortement selon le millésime et l’état du véhicule, mais la cote est en forte hausse. “Les plus faciles à trouver sont les versions GTL ; comptez désormais minimum 2.000 euros pour un exemplaire en bon état”, nous dit Dominique-William Jacson, du service presse de Renault Classic. “Mais le prix grimpe vite à 4.000euros. Et une belle R5 avec un intérieur en skaï orange coûte plutôt 9.000 euros. Pour une R5 Alpine, il faut compter 10.000 euros pour un modèle nécessitant quelques travaux et plus de 15.000 euros pour un tout beau. Quant aux versions Alpine Turbo, elles dépassent déjà les 20.000 euros. Et les R5 turbo à moteur arrière en bel état grimpent, elles, jusqu’à 100.000 euros!” De tous les goûts et toutes les bourses, donc, pour un concentré des charmes des années 1970 embouteillé dans un très joli contenant.

5,5 millions

de R5 ont été produites entre 1972 et 1985.

Parfum de seventies
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La “5” de demain

Chez Renault, le passé semble avoir de l’avenir… En témoigne ce concept “Renault 5 Prototype” électrique, au look fortement inspiré de celui de la R5 originelle et qui deviendra réalité l’an prochain. Le modèle se situera un cran sous la ZOE (qu’il devrait remplacer) et devrait s’afficher à moins de 30.000 euros. Avec cette voiture, le boss Luca de Meo souhaite refaire le coup de la renaissance de la Fiat 500, modèle auquel il a contribué lorsqu’il était chez Fiat. Avec le grand succès que l’on connaît… En 2024 arrivera aussi une version sportive de cette future R5 électrique, badgée Alpine.

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