Odebrecht ou la fabrique internationale de la corruption

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Le fil de la pelote de laine Odebrecht paraît interminable: l’ex-procureur vénézuélienne Luisa Ortega vient de dévoiler un nouveau pan du système de corruption du géant brésilien du BTP en affirmant détenir des preuves contre le président vénézuélien Nicolas Maduro.

Odebrecht, l’un des plus grands groupes de construction d’Amérique latine, est au coeur d’un scandale de corruption qui a secoué tout le continent, avec la constitution d’un cartel ayant truqué des marchés de sous-traitance de la compagnie pétrolière brésilienne Petrobras en distribuant des pots-de-vin à des hommes politiques.

Dans cette région à l’économie il y a encore quelques années florissante, l’entreprise de construction, portée par la “diplomatie des travaux publiques” du gouvernement du président brésilien Luiz Inacio Lula Da Silva (2003-2010), a trouvé un terrain favorable pour corrompre et rafler des contrats.

Selon Mme Ortega, une chaviste (du nom du défunt Hugo Chavez, président de 1999 à 2013) devenue dissidente qui a fui le Venezuela, le numéro deux du pouvoir vénézuélien Diosdado Cabello aurait ainsi touché 100 millions de dollars.

“J’ai beaucoup de preuves (…) qui mettent en cause de nombreux hauts-fonctionnaires vénézuéliens, y compris le président de la République, plus particulièrement dans l’affaire Odebrecht”, a-t-elle déclaré mercredi à Brasilia, au cours d’une réunion de procureurs du Mercosur, le marché commun sud-américain.

– Zones d’ombre –

En tout, plus de 3 milliards de dollars de dessous-de-table ont été distribués en Amérique latine et en Afrique pour soudoyer présidents, fonctionnaires ou financer des campagnes politiques, selon les confessions de 77 dirigeants de l’entreprise dans le cadre d’un accord de coopération avec la justice brésilienne.

“Nous n’avons pas encore la dimension globale de toutes les ramifications. Il existe des secteurs au Brésil qui n’ont pas encore fait l’objet d’investigations et sur lesquels il faudra enquêter”, a déclaré à l’AFP Silvana Batini, procureure de la République à Rio de Janeiro.

Parmi ces zones d’ombre se trouve le rôle de la Banque nationale de développement économique et social (BNDES), impulsée par Lula à son arrivée au pouvoir pour soutenir les grandes entreprises brésiliennes.

“La BNDES a eu un rôle décisif dans la politique économique des gouvernements du Parti des Travailleurs (formation de Lula, ndlr), car ce fut un des grands canaux choisis pour des transferts d’argent afin de mener à bien” cette politique, a déclaré Mme Batini.

Beaucoup de ces entreprises, comme le géant de la viande JBS ou Odebrecht, “ont grandi aux dépens du BNDES et nous savons aujourd’hui qu’elles se sont développées de manière criminelle et qu’elles ont grandi en distribuant des pots-de-vin aux politiques”, a-t-elle souligné.

L’enquête sur Odebrecht a conduit l’an dernier la BNDES à suspendre le versement de 3,6 milliards de dollars destinés à 16 projets en Argentine, au Venezuela, en République dominicaine, à Cuba, au Honduras et au Guatemala.

En Amérique latine, ex-présidents, ministres et fonctionnaires dorment derrière les barreaux, accusés d’avoir favorisé le groupe de BTP brésilien lors d’appels d’offres.

– Amendes record –

Au Pérou, l’ancien chef de l’Etat Ollanta Humala et son épouse sont en détention provisoire pour avoir reçu 3 millions de dollars pour la campagne politique de 2011.

L’ex-président péruvien Alejandro Toledo est visé par un mandat d’extradition depuis les Etats-Unis et plusieurs fonctionnaires du gouvernement d’Alan Garcia sont sous le coup d’une enquête.

En Equateur, le vice-président Jorge Glas est dans le collimateur de la justice pour corruption dans ce dossier.

En Colombie, l’ex-ministre adjoint des Transports Gabriel Garcia et l’ex-sénateur Otto Bula ont été arrêtés et la justice enquête pour savoir si Odebrecht a financé la campagne du président Juan Manuel Santos et d’autres hommes politiques.

Au Panama, le frère et le fils de l’ex-président Ricardo Martinelli, ainsi qu’une dizaine de chefs d’entreprises sont dans le viseur de la justice.

Au Mexique, l’ex-directeur de l’entreprise pétrolière publique Pemex Emilio Lozoya est également visé par une enquête pour corruption.

Odebrecht et sa filiale de pétrochimie Braskem ont accepté fin décembre de payer des amendes record de 3,5 milliards de dollars aux autorités brésiliennes, suisses et américaines afin de tourner la page et reprendre les affaires.

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