Nouveau bras de fer entre Ryanair et la délégation syndicale belge
A l’occasion du déplacement à Bruxelles du patron du transporteur à bas coûts irlandais, les syndicats chrétiens CNE et ACV Puls lui ont adressé une lettre ouverte pour dénoncer la gestion des ressources humaines de la compagnie low-cost. “Rubbish” (inepties, bêtises) leur a répondu Michael O’Leary jeudi matin, menaçant de nouvelles suppressions d’emploi en Belgique. Une attitude qui met à mal la concertation sociale entre les deux parties, qui devait se poursuivre ce vendredi, préviennent les deux organisations syndicales.
Dans ce courrier, la CNE et l’ACV Puls se demandent comment se serait passée l’année écoulée, marquée par la crise du coronavirus, si la transition du droit du travail irlandais vers le belge avait attendu 2022, comme le proposait il y a quelques années Ryanair.
“Nous avons été contraints d’accepter des réductions de salaire de 8 à 20% et, en même temps, nous nous sommes battus pour obtenir notre aide publique, qui, en raison de la mauvaise gestion des RH de Ryanair, n’est toujours pas versée correctement à ce jour”, y dénoncent les deux syndicats.
“Il est temps que Ryanair prenne de la hauteur et assume sa dimension européenne, y compris dans les pratiques de travail. Ryanair ne peut pas continuer à être géré comme un magasin de quartier, le modèle actuel de prise de décision centralisée est obsolète. La réalité montre que la plupart des problèmes que nous rencontrons aujourd’hui en Belgique seraient inexistants si Ryanair disposait d’un département RH local. Et il en va de même pour les autres pays du réseau multinational de Ryanair”, écrivent-ils encore dans leur lettre à Michael O’Leary.
Un courrier que ce dernier a refusé de recevoir jeudi matin et qu’il a ensuite qualifié de stupide et d’inepties, lors d’une conférence de presse à Bruxelles. Le patron a insisté sur le respect de la loi belge sur le travail et sur les 88 millions d’euros payés en taxes et en frais divers par son entreprise en Belgique.
Selon le CEO irlandais, tous les syndicats représentant le personnel de cabine et les pilotes à travers l’Europe ont accepté la réduction salariale “très modeste” (de 5 à 10% pour le personnel de cabine et jusqu’à 20% pour les pilotes, à chaque fois durant deux ans avant un retour à une rémunération normale les trois années qui suivent, NDLR) demandée par la compagnie. Tous à l’exception des deux organisations belges défendant les stewards et hôtesses, que Michael O’Leary qualifie de “folles”.
Il dit ne pas comprendre pourquoi cela pose problème en Belgique et pas ailleurs et, à l’entendre, les membres du personnel de cabine sont “plutôt heureux” de réduire de 5% leur salaire pour pouvoir sécuriser leur emploi en échange.
Le patron rappelle que Ryanair n’a supprimé presqu’aucun emploi en Belgique ces douze derniers mois, alors que la compagnie avait annoncé courant 2020 vouloir se séparer de 3.000 personnes en Europe à la suite de la crise du coronavirus et de ses conséquences sur le trafic aérien. “S’ils (les syndicats, NLDR) continuent de bloquer, il y aura des pertes d’emplois ici en Belgique”, a-t-il mis en garde.
Dans une réaction, Didier Lebbe, secrétaire permanent CNE, déplore tout d’abord ‘insulte (rubbish) adressée à la délégation syndicale, qui a été très mal reçue par l’ensemble du personnel en Belgique, selon lui. “C’est faux de dire que nous sommes les seuls à ne pas avoir accepté. En Espagne et au Portugal non plus, cela n’a pas été accepté, ce n’est qu’en Allemagne et en Italie que cela a été le cas”, ajoute-t-il.
Début mars, un protocole d’accord social avait pu être conclu entre direction et syndicats chez Ryanair, qui prévoyait dès lors de renoncer au licenciement envisagé de 176 personnes. Selon ce texte, 50 contrats à durée déterminée devaient être mués en CDI et les travailleurs devaient obtenir en outre 19 jours de repos compensatoire. En échange, le syndicat chrétien avait accepté une réduction salariale de 8%, qui ne concerne toutefois que les plus hauts salaires du personnel de cabine.
Ce protocole était cependant conditionné au règlement par Ryanair du passif salarial et au respect des accords précédents en la matière. La compagnie devait ainsi d’abord appliquer et payer les augmentations sectorielles de 2019 (1,1%) et 2020 (2%) et la réduction de 8% sera ensuite appliquée sur ces barèmes adaptés.
“Quelques mois plus tard, on n’est nulle part”, dénonce Didier Lebbe. Selon lui, la compagnie ne respecte toujours pas ses engagements préalables à la signature de nouvelles conventions collectives de travail.
Une concertation sociale “imposée en dernière minute” par Ryanair était prévue ce vendredi mais “il nous est impossible, dans de telles conditions, d’aller négocier sereinement demain”, préviennent la CNE et l’ACV Puls. Les syndicats se plaignent notamment que l’entreprise irlandaise a d’autorité appliqué pour les horaires de juillet le contenu des CCT non encore approuvées et qui devait précisément être évoqué lors de cette négociation.