NGRAVE, l’orfèvre belge des “coffres-forts pour bitcoins”

Le trio aux commandes de NGRAVE: Edouard Vanham (COO), Ruben Merre (CEO) et Xavier Hendrickx (CTO). © pg

Se donnant pour mission d’offrir à la communauté crypto plus de sérénité grâce à son bijou technologique ultra-sécurisé pour stocker des cryptomonnaies, la jeune pousse bruxelloise NGRAVE entame une année déterminante. Coulisses et perspectives.

Le produit le plus sûr de la planète pour conserver ses actifs numériques, promet-on chez NGRAVE où l’on vient de dévoiler un joli financement de 6 millions de dollars. Cryptomonnaies et sûreté. Voilà une proposition de valeur qui paraît contre-intuitive, comme le rappelle l’énième et récent piratage d’une plateforme d’échange, Crypto.com pour ne pas la citer. Préjudice financier tout de même estimé à huit chiffres.

“Notre passion pour la sécurité nous vient d’ailleurs d’une expérience personnelle de vol”, se remémore le cofondateur et CEO, Ruben Merre, entrepreneur en série bardé de diplômes. Il nous narre l’anecdote de son associé CTO, Xavier Hendrickx, brillant informaticien précocement engagé dans l’écosystème crypto (depuis 2013). Ce dernier a vécu un hack massif aux premières loges.

“Repéré par un projet blockchain belgo-américain appelé SwarmCity en 2016, Xavier s’est retrouvé en première ligne lors d’un énorme piratage en 2017 qui a subtilisé près de 44.000 ethers”, détaille le CEO de NGRAVE. Au prix actuel du marché, ce volume d’ethers (ETH), qui sont les jetons natifs de la blockchain Ethereum, vaudrait quelque 110 millions d’euros. L’incident l’amènera à rencontrer Edouard Vanham, ancien consultant en IT et management qui deviendra peu de temps après COO. Le trio de fondateurs s’est alors constitué autour d’une ambition commune: éradiquer l’insécurité de la crypto. En plein hiver 2018, l’aventure NGRAVE débutait.

Hackathons spontanés

“L’une des premières choses que nous avons faites a été de craquer tous les portefeuilles de cryptomonnaies existants ainsi que diverses solutions bancaires, indique sans détour Ruben Merre. Nous avons ainsi dressé toute une liste de vulnérabilités.” Non contents de ces hackathons spontanés qui ont inspiré le logiciel qu’embarquerait leur futur produit, les trois entrepreneurs se sont entourés de pointures pour garantir également une sécurité matérielle de haute voltige.

“Construisant tout à partir de zéro, y compris le circuit électronique, NGRAVE a collaboré avec des partenaires industriels belges de renommée mondiale, l’Imec de Louvain – principal pôle de R&D et d’innovation pour la fabrication de nanoélectronique et de puces – et le Cosic – autre institution louvaniste de recherche, leader mondial pour la cryptographie industrielle appliquée.

Il convient d’ajouter à ce palmarès le cryptographe belge Jean-Jacques Quisquater, vétéran de la sécurité matérielle qui a participé pendant plus de 50 ans à toutes les innovations dans ce domaine. Propriétaire de plus de 20 brevets et auteur d’environ 200 articles scientifiques, le Pr Quisquater apparaît dans les références du white paper du bitcoin.

Le portefeuille de l’année

Le trio de tête NGRAVE a conscience de porter un projet challenging, comme on dit dans la réalité parallèle des start-up. L’idéal de sécurité maximale se mariant mal avec le hardware, avoir pour usage le stockage de cryptomonnaies rendait la tâche encore plus ardue. Pourtant, la jeune entreprise a réussi à produire son wallet nommé Zero, un portefeuille physique pour monnaies numériques entièrement conçu, développé et manufacturé en Belgique.

“Les défis de la fabrication sont littéralement partout et personne n’est épargné. Alors qu’il y a 18 mois, nous observions des délais de 10 à 20 semaines pour certains composants, nous accusons maintenant des délais dépassant parfois un an. Cela ajoute bien sûr de la complexité à notre histoire déjà difficile”, reconnaît Ruben Merre, l’évolutivité de la chaîne de valeur restant un point d’attention critique.

La start-up tricéphale a de quoi tourner de l’oeil face à une opportunité de marché qui semble illimitée. L’année passée, le nombre d’utilisateurs de cryptomonnaies a quasiment triplé. Et les projections relatives à l’adoption évoquent déjà le cap du milliard d’ici 2023.

“En principe, s’ils prennent leur sécurité un peu au sérieux, la grande majorité des utilisateurs ont besoin d’un cold wallet comme Zero ( un portefeuille crypto isolé d’internet, Ndlr). Etant donné que le nombre de concurrents sur notre marché reste assez limité et que nous sommes clairement en avance en termes de technologie, nous sommes potentiellement en bonne position pour atteindre des chiffres énormes”, prédit le CEO.

Un scénario que semble appuyer la reconnaissance des pairs. A peine sorti de la chaîne de production, le wallet de NGRAVE a été sacré “solution crypto de l’année” en novembre dernier lors du sommet international AIBC de Malte, référence dans l’industrie. “NGRAVE change la façon dont nous regardons les technologies émergentes en 2021”, avaient estimé les organisateurs de l’AIBC, en partie séduits par la certification aux normes de sécurité les plus élevées (EAL7, c’est-à-dire conception vérifiée de façon formelle et système testé dans les environnements les plus risqués).

Obstruction institutionnelle

La start-up bruxelloise a survécu à un marché baissier des cryptomonnaies, une interminable pandémie, un choc d’approvisionnement mondial… Pourtant, personne ne lui a fait de cadeau. Certainement pas dans les institutions traditionnelles à l’instar de la Commission européenne. Il y a deux ans, le trio de fondateurs avait mené les démarches pour une subvention (1,8 million d’euros) dans le cadre du programme Horizon 2020 destiné aux projets innovants. “Malgré une note de 13/15, nous n’avons pas été invités à la défense devant le jury”, s’étonne le CEO Ruben Merre.

Remettant le couvert en 2021, NGRAVE a franchi toutes les étapes, reçu des réactions “extrêmement positives” et les fondateurs ont dispensé face au jury ce qu’ils estimaient être leur meilleur pitch. “Nous avons reçu un ‘no go’ sur presque tous les points, alors que nous avions reçu un ‘go’ sur littéralement tout le dossier lors de notre première tentative. A ce moment-là, il était clair pour nous que l’Europe n’était pas intéressée par notre histoire. Si nous voulons réussir à l’échelle internationale, nous devrons peut-être abandonner la Belgique ou le continent.”

Dernière anecdote tout aussi symptomatique, si l’entreprise crypto a annoncé sa levée de fonds la semaine dernière, dans les faits, elle date déjà de plusieurs mois. La cause de ce retard: l’excès de zèle de la banque de NGRAVE qui refusait les transactions non belges (les investisseurs sont emmenés par deux sociétés dubaïotes, Woodstock et Morningstar Ventures). “Il s’agit d’un problème bien plus vaste que cela, ponctue le cofondateur Ruben Merre. Dès le début, on nous a constamment posé des questions sur les fonds qui participaient au financement, plus nombreuses et personnelles que d’habitude. La procédure a complètement surpris nos investisseurs.”

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