Lire la chronique d' Amid Faljaoui

Netflix, les jeux vidéo et notre société décadente

Lire la chronique d' Amid Faljaoui Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta.

Lorsqu’on a demandé au patron de Netflix quel était son plus grand concurrent, il n’a pas dit que c’était l’offre de streaming de Disney +, celle d’Apple TV ou encore Amazon Prime. Non pour lui, le plus grand concurrent de Netflix, c’est notre sommeil !

Au-delà de la boutade, regardez autour de vous le nombre de personnes qui dorment peu la nuit et qui s’enfilent des épisodes d’une même série à la queue leu leu. D’ailleurs, cette nouvelle manière de consommer du divertissement au détriment du sommeil a même un nom spécifique : le “binge watching”. Un terme construit en référence au “binge drinking”. Ce qui démontre au passage que nous sommes sans doute entrés dans une forme de société décadente sans nous en rendre compte. Si vous en doutez, analysez avec moi la dernière offre de Netflix.

Le géant du streaming, je rappelle qu’il a 208 millions d’abonnés dans le monde, vient d’engager un spécialiste des jeux vidéo avec un seul objectif : proposer, d’ici un an, aux abonnés de Netflix et sans coût supplémentaire, des jeux vidéo en lien avec les séries cultes de Netflix.

D’abord, si vous vous demandez ce que Netflix va faire dans les jeux vidéo, gardez à l’esprit que le marché économique des jeux vidéo est plus important que celui de la musique et du cinéma cumulé : c’est donc bien une histoire d’argent ! La deuxième confirmation, selon moi, que nous sommes entrés dans une société décadente (à savoir le fameux “du pain et des jeux” chers aux Romains de l’Antiquité) c’est que proposer des jeux vidéo en lien avec ses séries cultes permettra à Netflix de gagner la bataille de votre attention, notre attention. En effet, en intégrant des jeux à son offre de streaming, Netflix propose à ses abonnés de prolonger l’expérience autour d’un film ou d’une série. Il s’agit selon Le Figaro de répondre à l’appétit des abonnés qui sont devenus fans par exemple de la série Stranger Things ou de Lupin ou encore de La Casa de papel. Disons le tout court, ces jeux vidéo n’ont qu’un seul but, créer des communautés de fans pour fidéliser les abonnés. Eh oui, plus un abonné à Netflix consomme de contenus, et plus il a le sentiment qu’il en a plus pour son argent, et moins il aura envie de résilier son forfait.

Quand je vous disais donc que nous étions dans une société décadente, ce n’est pas que je veux jouer au moralisateur mais simplement montrer que derrière une simple offre de jeux vidéo se cache la nouvelle économie. Une économie qui ne se nourrit pas de pétrole ou d’une autre matière première, mais de notre temps, autrement dit, notre bien le plus précieux. Nous sommes bien entrés dans une économie de l’attention (ou du temps de cerveau humain disponible comme l’avait dit l’ancien patron de TF1) ; c’est vrai, c’est une forme plus sophistiquée et plus technologique de l’ancienne version “donnez-leur du pain et des jeux”. Mais cela reste malgré tout une forme de décadence de nos sociétés.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content