Menace sur les congés parentaux : “Ce serait un énorme recul si ces congés devaient être rabotés”
Les discussions budgétaires pour 2023 sont en cours, certaines idées sur la table des ministres fédéraux inquiètent grandement la Ligue des familles car différentes formes de congés parentaux sont dans le viseur des autorités.
La Ligue des familles a eu vent d’une note discutée par les ministres fédéraux dans le cadre de la confection du budget 2023 concernant un remaniement des crédit-temps pour les employés du secteur privé et pour les fonctionnaires. Son existence a été confirmée à l’agence Belga.
Dans les détails, en cas de crédit temps à temps plein dans le secteur privé pour s’occuper d’un enfant, l’âge maximum passerait de 8 à 5 ans. L’économie attendue est de 12,54 millions d’euros. Pour les crédits temps à temps partiel (mi-temps, 4/5), l’âge maximum resterait de 8 ans. En outre, le crédit-temps avec motif (s’occuper d’un enfant, d’un proche en soins palliatifs, d’un enfant handicapé) passerait de 51 à 48 mois, pour des économies estimées à 7,26 millions d’euros. L’interruption de carrière dont peuvent aujourd’hui bénéficier les fonctionnaires est également dans le viseur des autorités. De 60 mois possibles aujourd’hui, cette opportunité serait amputée à 48 mois.
Ces mesures inquiètent au plus au point La Ligue qui tire la sonnette d’alarme:“Pour la génération “sandwich” qui s’occupe à la fois de ses enfants et de parents plus âgés, trois mois en moins, c’est énorme !“, déclare à Trends Tendances Lola Galler, chargée d’études au sein de La Ligue des familles.
Recul en arrière
“Ces dispositifs ne sont certainement pas un luxe mais une nécessité pour permettre aux parents de s’en sortir et de concilier au mieux leur vie professionnelle et leur vie privée. C’est aussi une question d’égalité de genre entre hommes et femmes“, explique Lola Galler. Elle rappelle que la Ligue des familles travaille depuis longtemps à l’amélioration de ces dispositifs de congés. “On vivrait un grave recul si ces congés devaient être rabotés !”, alerte-t-elle. De manière générale, ce qui choque la Ligue dans ce que propose le gouvernement, c’est “de toucher à ces dispositifs de congés parentaux alors qu’ils sont déjà insuffisants.”
Avec des conséquences en boule de neige : “des parents qui n’auraient plus recours à ces aménagements de leur temps de travail vont craquer, tomber malade et se mettre en incapacité de travail“, avertit Lola Galler. “Et ces incapacités maladie coûtent finalement encore plus cher à la société. Ce n’est dons pas le bon calcul“, estime la chargée d’études.
Diminuer les montants de 5 à 10 %
Selon la note qu’a pu consulter La Ligue des familles, l’idée circule aussi de diminuer les montants alloués de 5 à 10 % dans le cadre du crédit-temps. Ceci pourrait concerner également le congé parental. Le quotidien De Standaard le révélait déjà la semaine dernière : les parents recourant aux congés parentaux pourraient subir une diminution de revenus allant de 25 à 50 euros par mois pour le crédit-temps, entre 42 et 84 euros pour le congé parental, et entre 21 et 42 euros pour l’interruption de carrière.
“C’est aussi un énorme recul pour les budget des ménages car les rémunérations sont déjà très basses, constate la Ligue des familles : 516,63 euros par mois pour le crédit-temps, et 845 euros par mois pour le congé parental à temps plein, qui peut encore se le permettre de nos jours ?“, s’interroge Lola Galler.
Elle poursuit : “Cette réforme serait en même temps un énorme recul pour l’égalité de genres entre les hommes et les femmes car on sait qu’une des conséquences de la faible rémunération des congés parentaux, c’est que ce sont les femmes qui y recourent puisqu’elles gagnent déjà moins. L’impact sur le budget de la famille est dans la plupart des cas moindre si la femme prend le congé parental. Donc, si l’on diminue encore l’allocation, cela pénalisera encore plus les femmes. De plus, on sait déjà que les femmes sont sous-représentées sur le marché du travail puisque 70 % des temps partiels sont déjà pris par les femmes qui sont majoritairement en charge du ménage.”
Le temps presse car la décision doit être prise ces prochaines heures dans le cadre des discussions du budget fédéral 2023-2024. La Ligue des familles se mobilise pour empêcher qu’elles soient prises, elle a écrit un courrier aux vice-premiers ministres et aux président de partis pour qu’ils renoncent à cette idée d’économies. “Les réponses ne vont malheureusement pas dans le bon sens”, déplore Lola Galler qui en appelle aussi à la réaction de la société civile.
“Quel recul pour l’égalité des genres”: la FGTB désapprouve les projets sur les crédits-temps
“Un non-sens”, a réagi de son côté la FGTB vendredi, qui pointe que cette mesure impactera “plus lourdement les femmes”, qui y ont davantage recours. Pour la FGTB, ces mesures n’auraient pas de sens alors que les congés parentaux, crédits-temps et interruptions de carrière (dans le secteur public) “rencontrent un succès grandissant car (ces mesures) répondent à un besoin: une meilleure conciliation vie privée/vie professionnelle. De ce fait, elles contribuent à maintenir le taux d’emploi, voire à l’augmenter”.
“Les femmes plus lourdement” affectées
Diminuer l’allocation octroyée lors de ces congés “découragera des travailleurs d’y recourir alors qu’il faudrait, au contraire, élargir le spectre de ces mesures pour les rendre accessibles à tous, financièrement”, estime la FGTB.
Le syndicat socialiste pointe en outre que ces restrictions affecteraient “plus lourdement les femmes“, qui y ont davantage recours. “Les pères, qui commencent à passer le cap du congé parental, modifiant aussi les mentalités dans l’entreprise, y réfléchiront également à nouveau à deux fois. Quel recul pour l’égalité des genres?”, dénonce l’organisation syndicale.
La FGTB souligne en outre que le système de crédit-temps “est basé sur une convention collective de travail conclue par les partenaires sociaux et demande donc au gouvernement de respecter cette convention collective de travail et la concertation sociale”.
“Un projet d’économie sur le dos des familles et, en particulier, des femmes”
“Le gouvernement envisagerait d’attaquer frontalement la conciliation vie privée-vie professionnelle des travailleurs et travailleuses du secteur privé comme du secteur public”, dénonce également la CSC qui se dit stupéfaite par ” ce projet d’économie sur le dos des familles et, en particulier, des femmes”.
Selon le syndicat chrétien, les mesures de crédit-temps ont démontré leur efficacité et toutes les évaluations prouvent que les dispositifs de soutien à la conciliation vie privée-vie professionnelle doivent au contraire être renforcés. “Les travailleurs et travailleuses sont chaque jour plus nombreux à vivre l’angoisse face à leurs factures énergétiques. Leur retirer encore des rentrées financières et des moyens de concilier leur vie professionnelle avec leur vie privée est un manque de respect flagrant”, dénonce encore la CSC, qui rappelle que précisément ce jeudi, un projet de loi transposant la directive “Work Life Balance” a été voté à la Chambre. “Un peu de cohérence de la part du gouvernement serait la bienvenue”, fustige la CSC.
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