Martin Axelhed (CEO de Fjällräven): “La durabilité émotionnelle est cruciale pour nous”

Martin Axelhed (CEO de Fjällräven) © DR

La marque suédoise Fjällräven, spécialiste des équipements de plein air, est depuis sa création en 1960 sensible au développement durable et met tout en oeuvre pour minimiser son empreinte environnementale. Pas de ” greenwashing ” chez elle, une affirmation facilement vérifiable par son histoire et sa philosophie.

Fashion doesn’t interest me (“La mode ne m’intéresse pas“), la vision d’Åke Nordin, le fondateur de la marque suédoise de vêtements Fjällräven, reconnaissable à la petite tête de renard polaire qui lui donne son nom, est on ne peut plus claire. Au début des années 1960, son but était de créer des vêtements pratiques et intemporels pour l’extérieur avec des matériaux solides censés durer toute une vie et se transmettant de génération en génération. Ironie de l’histoire, ses créations sont aujourd’hui plébiscitées autant par les modeux urbains que par les randonneurs de haute montagne. Sans oublier les écoliers qui arborent dans les cours de récré son petit sac ergonomique développé en 1978 pour éviter le mal de dos, devenu lui aussi iconique dans sa version adulte.

Fjällräven ne se profile pas comme une marque de sport extrême, mais prône l’inclusivité. Sa gamme s’étend des vêtements de tous les jours pour des sorties décontractées dans la nature jusqu’à une collection d’alpinisme. “On ne met pas en avant l’ascension des grands sommets dans nos communications, mais plutôt la connexion avec la nature, dans différents contextes, que ce soit en haute montagne ou lors d’une randonnée en famille”, explique le CEO de l’entreprise scandinave, Martin Axelhed, à Trends Tendances.

Des vêtements conçus pour durer.
Des vêtements conçus pour durer.© DR

Pionnière dans le développement durable, la marque se positionne totalement à contre-courant de la fast fashion. “Fjällräven a été fondée il y a 60 ans. À cette époque, les gens ne possédaient pas une multitude de vestes, pantalons, pulls et chemises. Chaque vêtement devait donc être multifonctionnel et fiable “, laisse-t-il entendre. Une approche que Fjällräven a gardée dans son ADN et continue à développer. “Notre expertise ne fait que s’améliorer avec les années, on sait comment réparer une veste, changer un bouton, ou la lanière d’un sac,… nous encourageons nos clients à prendre soin de leurs vêtements, à les réparer eux-mêmes ou à nous les confier en magasin pour réparation, au lieu d’en acheter de nouveaux“, explique son CEO.

Miser sur la “durabilité émotionnelle”

L’une des facettes les plus sous-estimées, mais les plus importantes de sa stratégie durable est en effet la longévité de ses produits, estime la marque suédoise. “Au lieu d’acheter 2 ou 3 tee-shirts dans une chaîne de fast fashion, nos clients achètent une seule pièce indémodable de bonne qualité qui va durer dans le temps et qu’ils pourront transmettre à leurs enfants”, poursuit Martin Axelhed. “Car, au final, à quoi sert un vêtement fabriqué avec le tissu le plus résistant au monde s’il semble dépassé un an après l’avoir acheté ?“, estime le label. Dans la philosophie de Fjällräven, “choisir une pièce intemporelle, c’est choisir d’investir dans la durée. Non seulement le vêtement devient ‘moins cher’ en termes de coût par utilisation, mais il prend aussi de la valeur en devenant indissociable de vos souvenirs en pleine nature.”

 Un veste indémodable qui se transmet de génération en génération, Fjällräven mise sur la durabilité émotionnelle.
Un veste indémodable qui se transmet de génération en génération, Fjällräven mise sur la durabilité émotionnelle. © DR

Un autre aspect moins tangible du label réside dans sa volonté de surfer sur le concept de “durabilité émotionnelle”, une composante que l’entreprise considère comme cruciale dans sa conception de mode durable. L’idée est de donner de l’âme à ses créations, de faire en sorte qu’un vêtement auquel on s’attache finira moins vite à la poubelle. “ La recette n’est pas facile, concède Martin Axelhed. On veut créer des expériences, des émotions, des histoires autour de nos vêtements, afin que nos clients s’y attachent et aient envie de les transmettre à leurs enfants et ainsi de suite.”

“Car, au final, à quoi sert un vêtement fabriqué avec le tissu le plus résistant au monde s’il semble dépassé un an après l’avoir acheté ?

Promouvoir l’achat d’un seul et même vêtement qui traverse les époques sans un accroc pourrait pourtant être vu comme une stratégie peu payante. C’est sans compter sur le fait que la marque fonctionne sur la fidélisation de ses fans autour de son univers. “Nos clients achètent une première pièce et sont séduits par sa qualité, ils achètent alors dans la foulée d’autres vêtements et accessoires de nos collections”, commente son dirigeant.

Devenir “la marque la plus durable du monde”

Si la marque de vêtements affirme tout mettre en oeuvre pour minimiser son empreinte environnementale et réfute d’emblée tout “greenwashing”, elle avoue que le long chemin vers plus de durabilité n’est pas toujours facile. “Loin de nous l’idée que nous sommes parfaits. Parfois, nous sommes forcés au compromis, à dire “non” quand nous voulons dire “oui”. Nous avons fait des erreurs et nous en ferons sûrement d’autres. Mais nous essayons d’en tirer des leçons, nous innovons et nous nous adaptons. Nous ne sommes pas du genre à nous résigner.”

Le respect de la nature est dans l'ADN de la marque.
Le respect de la nature est dans l’ADN de la marque.© dr

La société cite ses produits et technologies phares qui s’inscrivent dans cette optique durable, dont le “Promesse Duvet”. En place depuis 2014, ce duvet garantit le bien-être animal grâce à une traçabilité à 100 %. L’équipementier assure également n’utiliser aucune imprégnation au fluorocarbure dans ses collections depuis 2015 et exploite de plus en plus de produits recyclés. Le G-1000 eco, le textile principal de la marque, est un mélange de polyester recyclé et de coton biologique.

“En 2019, 61 % de nos matériaux ont été jugés bons ou excellents, principalement pour leur caractère biologique, recyclé ou entièrement traçable. Nous sommes membres de la Fair Labor Association et du Pacte mondial des Nations Unies” se targue, par ailleurs, Fjällräven. Avec un objectif ambitieux : devenir “la marque la plus durable au monde”. Et elle est sur la bonne voie. En Suède, elle a été élue marque la plus durable de son industrie en 2021 (“Sustainable Brand Index”), pour la seconde année consécutive.

Respect de la nature et des animaux

Le label se nourrit du swedish way of life, qui amène naturellement les Suédois à respecter la nature et les animaux, à l’image de son logo emblématique, le renard polaire. Dans les années 90, son fondateur a d’ailleurs oeuvré à la sauvegarde de l’espèce en finançant un projet de recherche universitaire. Aujourd’hui, plus de 300 renards arctiques vivent à l’état sauvage en Scandinavie. “Nous avons comme ambition dans les années à venir de diffuser ce respect de l’environnement inné aux Suédois à travers l’Europe et, au-delà, dans le monde”, déclare son CEO.

Cette sensibilisation passe par l’organisation d’événements fédérateurs tels le “Fjällräven Classic”, une grande randonnée au nord de la Suède et dans d’autres endroits de par le monde (Danemark, Allemagne, USA,…), ou le “Fjällräven Polar”, une aventure de 300 kms en traîneau tiré par des chiens à travers l’Arctique scandinave. Ces rencontres permettent de créer une communauté autour du label en renforçant la loyauté de ses fans tout en partageant des valeurs de respect pour la nature.

Le
Le “Fjällräven Classic”, une grande randonnée au nord de la Suède et dans d’autres endroits du monde qui rassemble les fans du label outdoor.© DR

Malmené par la pandémie

Fenix Outdoor, la maison-mère de Fjällräven, a subi le contrecoup de la crise sanitaire en 2020, comme de nombreuses autres marques du secteur. Le groupe qui a dans son escarcelle exclusivement des marques spécialisées en activités outdoor (Tierra, Primus, Royal Robbins, Hanwag, Brunton), a été malmené par la paralysie du secteur du voyage et les confinements répétés qui ont causé la fermeture prolongée de ses magasins de par le monde. Son chiffre d’affaires a décliné de 607 millions d’euros en 2019 à 563 millions en 2020. Son résultat net est lui passé de 61 à un peu moins de 34 millions d’euros (33,9 millions). Les résultats de l’exercice 2021 dévoilés la semaine passée sont plus optimistes et laissent augurer une belle croissance pour 2022. Le chiffre d’affaires est remonté à 649,9 millions d’euros, le résultat net à 56,7 millions.

Intérêt accru pour le matériel de camping et de trekking

Cependant, alors que la pandémie mondiale a présenté de nombreux défis pour de nombreuses marques, nous avons également vu l’émergence de nombreuses tendances positives, laisse entendre la société.

Elle a remarqué, entre autres, une augmentation significative du nombre de personnes manifestant de l’intérêt pour les activités de plein air et passant du temps dans la nature, “ce qui ouvre de nombreuses opportunités non seulement pour Fjällräven, mais aussi pour les marques de plein air en général”. Elle ajoute: “Nous avons connu une demande accrue pour de nombreux produits de camping et de trekking, car les gens ont choisi de vivre des aventures près de chez eux, plutôt que de voyager au plus fort de la pandémie, et nous sommes ravis de présenter ce nouvel ensemble d’amoureux de la nature au monde de Fjällräven.”

Fjallraven est actuellement présent dans plus de 70 pays avec différents magasins flagships dont un à Amsterdam. La marque ne dispose pas de magasin flaship en Belgique mais est vendue chez de nombreux détaillants de plein air, dont AS Adventure. “Nous restons attentifs aux nouvelles opportunités, mais il n’est pas prévu d’ouvrir un magasin en Belgique pour le moment“, nous confie le PDG.

Le renard polaire qui a donné son nom à la marque.
Le renard polaire qui a donné son nom à la marque.© DR

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content