Luc Hondeghem (pharmacologue): “Les médicaments sont parmi les principales causes de décès”

© CHRISTOPHE KETELS

Dans un nouveau livre, le pharmacologue Luc Hondeghem s’intéresse aux médicaments hypocholestérolémiants, ceux qui combattent le cholestérol. Il espère que ses observations encourageront les médecins à prescrire plus consciemment ce type de médicaments: “65 % des médicaments ne tiennent pas leurs promesses ou ne sont pas vraiment sûrs. Et pourtant, ils sont autorisés à la vente. Je trouve cela édifiant.”

Environ 1,5 million de Belges tentent de réduire leur taux de cholestérol en prenant des médicaments. Une étude réalisée par le Knowledge Centre (KCE) en 2020 affirme même qu’un quadragénaire sur quatre prend des statines, la famille la plus connue des médicaments anti-cholestérol. Sous le slogan “mieux vaut prévenir que guérir”, les statines ont fait les beaux jours de l’industrie pharmaceutique depuis des décennies. Et c’est là que le bât blesse, car cela ne devrait justement pas arriver, affirme Luc Hondeghem, pharmacologue à la retraite. Il a écrit un livre à ce sujet intitulé “Big Pharma, Big Lies”.

Ce n’est pas la première fois que Luc Hondeghem part en guerre contre les grandes entreprises pharmaceutiques. En 2013, il a entrepris une croisade contre la dompéridone, plus connue du grand public sous les noms de Motilium et Touristil, deux produits vedettes de Janssen Pharmaceutica. Le premier était souvent administré contre les douleurs d’estomac et les vomissements, le second contre le mal des transports. Aujourd’hui le Touristil a été retiré du marché, et le Motilium est interdit aux enfants de moins de 12 ans et n’est disponible que sur ordonnance.

Luc Hondeghem compte 114 publications scientifiques à son actif, il a été professeur à l’UCSF et a dirigé un groupe de recherche cardiovasculaire à l’université Vanderbilt de Nashville. Lorsqu’il est rentré en Belgique en 1990, il est devenu professeur invité à la KU Leuven, mais il a également dirigé son propre laboratoire, Hondeghem Pharmaceutical Consulting. C’est dire si son curriculum vitae est plus que solide. Malgré cela, certains de ses confrères émettent quelques réserves quant à sa vision. On murmure que le rejet du Dr Janssen l’a rendu amer. Pourtant cette fois, il est impossible de dire que la rancoeur est son leitmotiv car Janssen Pharmaceutica n’est pas vraiment actif dans le domaine des médicaments hypocholestérolémiants.

Vous commencez votre livre par une référence à Hippocrate : les avantages d’un traitement doivent être supérieurs à ses inconvénients. Les médicaments ne remplissent-ils pas cette condition ?

LUC HONDEGHEM. “Il existe environ 300 médicaments qui font ce qu’ils promettent sans provoquer d’effets secondaires dangereux. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est dans le British Medical Journal en 2016. Cela représente environ 11 % des médicaments sur le marché. Quelque 24 % ont des effets potentiellement positifs, bien que ceux-ci n’aient pas été suffisamment prouvés. Les 65 % restants ne tiennent pas leurs promesses ou ne sont pas vraiment sûrs. Et pourtant, ils sont autorisés à la vente. Je trouve cela édifiant. En tout cas, je serais plus prudent à ce sujet.”

Alors pourquoi ces médicaments obtiennent-ils le feu vert d’être mis sur le marché ?

HONDEGHEM. “Aux États-Unis, un nouveau médicament qui n’a pas été rejeté 180 jours après sa demande est automatiquement approuvé. Les régulateurs se laissent trop facilement influencer par les entreprises pharmaceutiques. On ne les arrête que si les effets secondaires sont immédiatement visibles.”

L’un des exemples, selon vous, est celui des statines qui réduisent le taux de cholestérol. Pourquoi ?

HONDEGHEM. ” Il est préférable de ne pas prendre un médicament qui ne remplit pas son rôle. Les statines réduisent effectivement le cholestérol. Mais je pense que nous nous focalisons trop sur la réduction du cholestérol pour éviter les maladies cardiaques. Les Japonais sont connus pour vivre longtemps, mais saviez-vous qu’ils ont, en moyenne, un taux de cholestérol élevé ? Une étude a comparé les taux de cholestérol et l’espérance de vie dans 192 pays. Il s’est avéré que les pays où la population a les taux de cholestérol les plus faibles avait une espérance de vie plus courte.

“On peut mettre en relation la mortalité et le cholestérol dans un graphique (qui peut être appliqué d’ailleurs à n’importe quoi): trop ce n’est pas bon, mais trop peu c’est également mauvais. En ce sens, le cholestérol n’est pas différent du sucre ou de l’eau. Boire trop d’eau peut aussi vous tuer. Aujourd’hui, la pratique médicale vise une valeur de cholestérol de 180 milligrammes par décilitre, alors qu’une personne, ayant 200 à 250 milligrammes, peut parfaitement mener une vie saine. Donc oui, ceux qui prennent des statines voient leur cholestérol baisser. Mais vous pouvez vous demander si cette réduction du cholestérol est vraiment nécessaire pour tout le monde ? Sans parler des effets secondaires, qui existent bel et bien.

Une personne qui ne fume pas, ne souffre pas d’hypertension artérielle, mais qui présente un taux de cholestérol élevé, ne peut réduire le risque qu’en diminuant ce taux. Il est donc condamné à subir des effets secondaires ?

HONDEGHEM. “En fait, si vous prenez des statines, le cholestérol diminue dans le sang, mais il commence à se stocker dans les muscles, entre autres endroits. C’est pourquoi les gens se plaignent souvent de douleurs musculaires. Il semblerait également que les statines aggravent les symptômes du diabète et, qu’à long terme, les utilisateurs de ce médicament développent des problèmes de foie et de reins. L’utilisation à long terme augmente également le risque de cancer. Lorsque vous additionnez tous ces éléments, l’impact sur la santé est énorme. Il me semble donc logique qu’il soit préférable d’arrêter de prendre des statines.”

Le nombre de personnes, qui meurent de problèmes cardiaques, va augmenter. Les maladies cardiaques sont déjà l’une des trois principales causes de décès.

HONDEGHEM. “Les problèmes cardiaques sont la deuxième cause de décès, après le cancer, mais les effets secondaires des médicaments sont la troisième cause. Des études ont comparé l’impact des médicaments hypocholestérolémiants et celui d’un régime méditerranéen sur la mortalité après une crise cardiaque. Une étude française a montré que les personnes qui ne prenaient pas de statines mais suivaient un régime méditerranéen avaient 70 % de chances de survie en plus après trois ans. Comme le résultat était si incroyable, l’étude a été refaite, avec le même résultat. Un médecin honnête ne peut que prendre cela en compte, n’est-ce pas ?”

Il existe également des études qui affirment que le cholestérol dépend de l’alimentation que pour un tiers.

HONDEGHEM. “En tout cas, je mange des fruits et légumes tous les jours. Dans mon livre, je relate une étude danoise sur le lien entre le cholestérol et la mortalité en générale. Les chercheurs ayant participé à cette étude de Johannesen ont suivi 108.243 Danois, âgés de 20 à 106 ans, pendant près de dix ans. Au cours de cette période, 11.376 personnes du groupe d’étude sont décédées. Le taux de mortalité dans le groupe sans statines n’était que de 9,3 %, alors qu’il était de 19,2 % dans le groupe avec statines. Cela veut tout dire.”

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