Les tentations de TravelBird

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Ce voyagiste du Net s’attaque à un vaste marché: celui des indécis, qui ne savent pas trop où passer leurs vacances.

Ne dites pas à Erik Kuijpers que TravelBird est un Groupon du voyage. Le patron du staff belge de la start-up néerlandaise n’aime pas cette définition. Elle a pourtant un fond de vérité : comme Groupon, TravelBird se développe sur le créneau de la bonne affaire. Début août, il proposait deux nuits à Venise, vol et hôtel inclus, à 109 euros. Ou un road trip en Floride, pendant 12 jours (avion, voiture et hôtels compris) pour 1.040 euros.

“Même si c’est important, le prix n’est pas essentiel”, assure Erik Kuijpers. Basée à Amsterdam, l’entreprise a affiné la logique Groupon pour le voyage en ciblant un public très particulier : celui des indécis qui ne savent trop où passer leurs vacances et n’aiment guère fouiller le Web à la recherche de leur prochain séjour. “Parmi les personnes qui vont sur Internet pour réserver un voyage, 49 % ignorent au départ où elles iront”, indique Erik Kuijpers. Lorsqu’ils ont fondé l’entreprise en 2010, Symen Jansma, l’actuel CEO, et Dennis Klompalberts ont imaginé un service pour “inspirer” ces indécis en envoyant un mail quotidien avec un nombre limité d’offres, six, couvrant des catégories telles que city trip, road trip, séjour, week-end, expérience (tour en ballon, partie d’airsoft ou balade en Ferrari), etc. L’approche séduit visiblement : TravelBird attire plus de 15.000 réservations quotidiennes.

Rocket Internet actionnaire

La société affiche un profil de start-up : une croissance de plus de 100 % par an, avec un chiffre d’affaires qui a atteint 95 millions d’euros en 2014 et pourrait dépasser 200 millions en 2015. L’effectif dépasse à présent les 700 salariés, dont 70 pour la Belgique. TravelBird ne dégage pas de profit mais un cash-flow positif et suit la logique d’Amazon : priorité à la croissance. Avec des actionnaires qui adhèrent à cette logique, parmi lesquels figure Rocket Internet, un fonds berlinois coté en Bourse qui est à l’origine du succès de Zalando, le roi de la mode en ligne en Europe. Rocket Internet détient 25,2 % de TravelBird, il y a investi un total de 32,1 millions d’euros et est le deuxième actionnaire derrière les fondateurs.

Le business model ? TravelBird encaisse des frais de réservation auprès des clients et une commission de l’ordre de 10 à 20 % des partenaires. Ces derniers utilisent TravelBird pour doper leurs ventes à des moments creux. Exemple : le Best Western de Ghislenghien vend, via TravelBird, des week-ends à Pairi Daiza pour remplir ses chambres au moment où sa clientèle business habituelle est absente. L’hôtel Les Myrtilles à Vielsalm fait la même chose pour s’assurer une fréquentation minimale d’ici la fin de l’année, au cours des périodes plus calmes. En décembre, par exemple, les clients viennent surtout s’il neige. Avec l’offre TravelBird, qui n’est pas annulable, les clients viendront même si les flocons boudent. “TravelBird est assez efficace, convient le gérant de l’hôtel, Michel Van der Veken, un peu comme Booking.com.” En quelques heures, il a accumulé plusieurs dizaines de réservations.

Différent de Booking.com

Souvent comparées, les entreprises Booking.com (start-up amstellodamoise née en 1996 et devenue leader européen de la réservation d’hôtels) et TravelBird diffèrent notablement. La première est centrée sur l’hébergement. La seconde vise plutôt à vendre des packages clés en main. “Nous souhaitons toujours proposer une expérience, pas simplement une réservation d’hôtel. Il y a par exemple au moins un dîner inclus.” Et d’autres choses comme l’accès au sauna, un prêt de vélos. Ou, autre exemple, pour un séjour en Alsace, une activité intitulée “vendangeur d’un jour”. Le gérant de l’hôtel Les Myrtilles de Vielsalm confirme que le principe est astucieux. “Avec Groupon, on vendait des nuitées sans repas. Cela marchait moins bien.”

La croissance potentielle de TravelBird est élevée. Pour doper son chiffre d’affaires, il suffit d’ajouter des pays. Sans même y installer d’équipe, car TravelBird travaille exclusivement depuis son siège situé Keizergracht à Amsterdam. La société couvre 17 pays, la Hongrie étant le dernier en date. Prochaine étape : sortir d’Europe, vers l’Australie ou les Amériques. Chaque pays représente une offre quotidienne distincte (elles sont deux pour la Belgique car le Nord et le Sud sont traités séparément). Plus il y a de pays, plus TravelBird devient attractif pour les partenaires, car un même hôtel peut se vendre sur plusieurs marchés.

Chaque pays est géré par une équipe autonome dont le staff provient de la nation concernée. Pour s’assurer évidemment la meilleure connaissance du marché et des partenariats possibles, mais aussi pour fournir un service téléphonique compétent, qui va compenser l’absence de bureau local. TravelBird ne sous-traite pas la tâche à un call center et va jusqu’à publier les photos et noms des membres de son staff pour créer une connivence avec les clients.

La centralisation est privilégiée pour faciliter la collaboration entre les équipes nationales. Chacune est autonome et responsable de ses résultats. Et a besoin des autres pour construire l’offre quotidienne. Si les Belges veulent proposer un séjour en Sardaigne et en Alsace, les Italiens et les Français leur fourniront les offres. A leur tour, ils fourniront des city-trips à Bruxelles aux Français. La qualité des offres et l’attractivité auprès des partenaires dépendra de la bonne collaboration entre les équipes. Cela peut déboucher sur des propositions insolites comme… un week-end sauna et jacuzzi à Béthune.

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