Lire la chronique d' Amid Faljaoui
“Les Précieuses ridicules” de Molière, pour comprendre la faillite de FTX
J’ai pris beaucoup de plaisir à lire le dernier éditorial de Bertille Bayart, journaliste au Figaro. Elle y parlait de la récente faillite de FTX, la deuxième plus grande plateforme d’échange de crypto-actifs.
Bertille Bayart démarrait son édito avec le souvenir du discours de l’ancien patron de la banque Dexia, l’ancêtre de la banque Belfius. Durant l’été 2008, ce patron utilisait des termes très techniques, semblait jongler avec des schémas financiers complexes pour rassurer le chaland, à savoir, les journalistes qui étaient en face de lui. Tant de compétence à la tête de la banque, c’était rassurant même si le propos était incompréhensible pour le commun des mortels. Six mois plus tard, Dexia était en quasi-faillite comme le rappelle cette journaliste du Figaro.
La leçon de cette histoire ? Simple, très simple : ne vous laissez jamais, mais au grand jamais, endormir ou impressionner par un jargon spécialisé. C’est juste une manière subtile d’anesthésier l’intelligence. C’est, comme l’écrit Bertille Bayart, l’arme des prestidigitateurs dans les affaires en général et en particulier dans la finance. Dans le monde des crypto-actifs, c’est encore pire. Prenez n’importe quel dossier consacré aux cryptos et vous lirez des termes aussi ésotériques que blockchain, tokens, protocoles, stablecoins, stacks, yield farming… J’en passe et des meilleurs. Plus les choses ont l’air compliquées, et plus les clients de ces prestidigitateurs, au lieu de s’enfuir séance tenante, restent scotchés et boivent les paroles de leur interlocuteur sans sourciller. En gros, leur cerveau leur dit, c’est compliqué, ça me dépasse, donc c’est probablement juste. Mais non ! Erreur fatale : il faut se dire, je ne comprends pas, donc je passe mon chemin.
Dans le cas de FTX, la plateforme d’échange de crypto-actifs qui vient de faire faillite, que s’est-il passé ? FTX s’est simplement servie des dépôts de ses clients pour spéculer pour son propre compte au travers d’une autre société dénommée Alameda. Bertille Bayart a raison de rappeler que c’est bête comme chou, et “surtout vieux comme le monde”. Les amateurs de soi-disant cryptomonnaies nous disaient à longueur de pages que cette nouvelle finance, cette finance décentralisée, allait s’affranchir des règles classiques de la finance. Ce que l’on a vu au final, c’est que la première règle de la finance (pouvoir rendre leur argent aux clients quand ceux-ci demandent à le retrouver) ne sera, hélas, pas respectée pour les créanciers de cette plateforme FTX. Ils auront tous été victimes d’un jargon dont ils ne comprenaient pas bien la signification.
Au fond, rien de vraiment neuf sous le soleil. Si vous voulez comprendre la vanité de ces termes financiers pompeux, il vous suffit de relire les Précieuses ridicules de Molière. La pièce date du milieu du 17e siècle et elle n’a pas pris une ride. Quand la jeune Magdelon dit dans une scène : “Vite, voiturez-nous ici les commodités de la conversation”, elle dit simplement à son valet qu’il doit lui amener des… fauteuils. Mais je reconnais que “commodités de la conversation” c’est plus joli. De même, lorsque la même Magdelon dit à nouveau à son valet de lui tendre “le conseiller des grâces”, elle lui demande en réalité de lui apporter un miroir… Au fond, la faillite de FTX, pourrait être résumée comme suit : “vieilles méthodes avec de nouveau vêtements”.
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