Les pièges à éviter lors de l’achat d’une oeuvre d’art

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Frais de transaction élevés, suppléments inattendus, TVA sur la plus-value… Mieux vaut bien s’informer avant d’acquérir une oeuvre d’art. Petit aperçu des droits et obligations de l’acheteur potentiel.

Ce samedi 23 janvier a débuté à Tour & Taxis la 61e édition de la Brafa, la foire de l’art et des antiquités. Bert Demarsin, professeur de droit à la KU Leuven spécialisé dans les marchés de l’art, donne quelques conseils utiles aux candidats-acheteurs qui fréquentent les salons et les maisons de vente aux enchères.

Vérifiez l’attribution

Autrement dit, assurez-vous de l’identité de l’artiste. “C’est parfois plus facile à dire qu’à faire, souligne le professeur Bert Demarsin. Tout le monde n’a pas les connaissances requises pour vérifier l’attribution d’un simple coup d’oeil, ni le temps voire la possibilité d’effectuer les recherches nécessaires. L’acheteur qui n’a alors pas d’autre choix que de faire confiance au vendeur doit savoir que des problèmes peuvent survenir.”

Comme le fait remarquer Bert Demarsin, contrairement à la France par exemple, il n’existe pas en Belgique de réglementation légale stricte relative aux formules d’attribution. “Certains vendeurs ont la fâcheuse tendance de profiter de ce flou… artistique. La mention ‘P. Rubens’ sur une peinture vendue aux enchères ne désigne pas nécessairement Peter Paul Rubens. Il peut s’agir d’une oeuvre produite dans l’atelier du maître, ce qui ne veut pas dire que le peintre a contribué personnellement à l’oeuvre.”

Conseil : “L’acheteur intéressé a tout intérêt à bien lire les conditions de vente générales. Chez un vendeur d’art, la mention ‘P. Rubens’ indique par exemple que l’oeuvre peut lui être attribuée tandis que chez un autre vendeur, la même mention n’offre pas la même garantie.”

Renseignez-vous sur les origines

Autre point important : la provenance de l’oeuvre d’art. “La problématique est complexe car elle comporte de nombreuses facettes très différentes, explique Bert Demarsin. Une oeuvre volée dans un musée, une église ou un site archéologique par exemple peut fort bien arriver illégalement sur le marché. Elle est peut-être liée à un grand conflit mondial. C’est le cas par exemple du pillage artistique perpétré par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale, ou encore de la guerre actuelle en Syrie où l’organisation terroriste EI se finance grâce à la vente des oeuvres d’art pillées dans les villes qu’elle détruit, la cité antique de Palmyre notamment.”

Le professeur de droit invite à la prudence car le trafic d’oeuvres d’art passe souvent par des “intermédiaires aux intentions moins nobles” dont l’intervention permet de “blanchir” ce commerce peu glorieux.

Un autre problème concerne les oeuvres d’art qui ne peuvent quitter le pays car considérées comme propriété nationale. “Les pièces répertoriées comme faisant partie du patrimoine belge ne peuvent s’exporter sans faire l’objet d’une procédure administrative qui doit déboucher sur l’obtention d’une autorisation en bonne et due forme. Mais depuis la levée des frontières intérieures de l’Union européenne, le contrôle est tout sauf simple.”

Conseil : “Demandez toujours la provenance de l’oeuvre. D’où vient-elle exactement et depuis quand circule-t-elle sur le marché ? Qui sont les propriétaires précédents ? Sont-ils dignes de confiance ?”

L’authenticité n’est pas une garantie éternelle

“Les problèmes d’authenticité ne sont pas toujours liés à la fraude, insiste Bert Demarsin. Le plus grand des spécialistes peut se tromper. Sans vouloir, sans savoir. Les nouvelles techniques d’investigation peuvent parfois donner des résultats insoupçonnés. Il se peut aussi que la valeur de l’oeuvre ait été mal estimée en l’absence d’une expertise approfondie, tout simplement parce que le coût de l’expertise — comme l’analyse des pigments de peinture ou la dendrochronologie d’un panneau de bois — est supérieur à la valeur estimée de l’oeuvre. La réalisation de ces tests très coûteux n’a alors aucun sens. Le jeu doit en valoir la chandelle.”

Il en va tout autrement si l’erreur est volontaire. Il convient alors de définir les responsabilités. “Médecins, avocats, notaires, comptables,… tous ceux qui affirment avoir un certain savoir-faire doivent en assumer la responsabilité, estime le professeur d’université. Pourquoi en serait-il autrement pour quelqu’un qui fait payer son savoir-faire en art ?”

Un certificat d’authenticité est-il indispensable ? “Il peut faciliter certaines procédures juridiques, mais il n’est pas indispensable pour se pourvoir en justice. L’attribution du vendeur selon laquelle une oeuvre serait ce qu’elle n’est apparemment pas, suffit amplement.”

Conseil : “Conformément aux conditions de garantie relatives aux produits de consommation dont relève la vente des oeuvres d’art en Belgique, l’acheteur bénéficie d’un délai limité à deux ans pour contester l’authenticité ou l’attribution. S’il s’avère que l’acheteur a effectivement raison, il doit obtenir compensation, ce qui se traduit généralement par l’annulation de la vente. Il est également possible d’introduire une requête pour cause d’erreur, la circonstance la plus souvent invoquée pour introduire pareille requête. Dans ce cas, le délai de recours est nettement plus long, étant donné que celui-ci court à partir du moment où l’erreur est constatée.”

Le prix affiché n’est pas le prix final

Si l’achat est conclu lors d’un salon ou d’une vente aux enchères, n’oubliez pas qu’il vous faudra en outre acquitter la taxe sur la valeur ajoutée, rappelle Bert Demarsin. Si un galeriste exposant à la Brafa vend une toile 100.000 euros précédemment acquise 60.000 euros, le client devra payer, en plus du prix d’achat, 21 % de TVA sur sa marge bénéficiaire de 40.000 euros. Le prix total sera donc de 108.400 euros. “Et ce n’est là qu’un exemple simplifié, précise le professeur. Les directives en matière de TVA peuvent être beaucoup plus complexes selon le cas concret. Informez-vous donc correctement !”

Conseil : “Lors d’un achat en salle de vente, tenez compte des frais de transaction qui peuvent se monter à 25 % du prix adjugé par le commissaire-priseur.”

Dernier détail qui a son importance, n’oubliez pas qu’il existe parfois un droit de suite, à savoir une rémunération dont bénéficient l’artiste ou ses descendants jusqu’à 70 ans après son décès à chaque revente de ses oeuvres dans laquelle intervient un professionnel du marché de l’art, que ce soit comme vendeur, acheteur ou intermédiaire.

DAAN BALLEGEER

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