Les pesticides bio, un marché en plein boom

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Du 20 au 30 mai 2015 se tient la Semaine pour les Alternatives aux Pesticides, qui fête par ailleurs ses dix ans d’existence. L’occasion rêvée pour passer en revue les fondamentaux sur comment prendre soin de ses plantes, au naturel. Ou presque.

Chaque année, au début du printemps, a lieu la Semaine pour les Alternatives aux Pesticides. Parmi ces alternatives, il y a l’élevage de coccinelles, la culture de champignons, ou encore la coupelle de bière au pied du rosier, réputée très efficace contre les limaces.

Existe aussi l’option du ‘fait-maison’. On peut ainsi créer un insecticide avec de l’eau, du savon, de l’huile pour bébé et du bicarbonate de soude, ou encore, en mélangeant ail, huile et savon. Vos plantes risquent, certes, d’empester un peu, mais vous pourrez au moins vous vanter d’avoir aidé à sauver la planète. Si toutefois vous ne vous sentez pas l’âme d’un chimiste, une dernière solution existe.

Un bidon symbolisant les pesticides pendant une marche des membres du Landless Workers Movement, au Brésil.
Un bidon symbolisant les pesticides pendant une marche des membres du Landless Workers Movement, au Brésil.© reuters

Une spin-off belge se lance dans les bio-pesticides

C’est à l’Université de Namur que des chercheurs ont mis au point un tout nouveau pesticide bio, fruit de pas moins de 10 ans de recherches. Depuis son lancement en 2009, la petite spin-off baptisée FytoFend investit à perte. Mais ses quatre employés espèrent bien engranger, pour la première fois en 2015, un petit chiffre d’affaires. Cela fait en effet plus d’un mois que leurs produits sont commercialisés. Il aura fallu tout ce temps attendre le feu vert des autorités européennes, qui ont fini par homologuer le produit. Pour l’instant, le bio-pesticide n’est vendu qu’en Belgique, mais à terme, il devrait voyager dans toute l’Europe.

Pour créer ce pesticide sans produits de synthèse, la petite entreprise a du rivaliser d’imagination. C’est finalement dans les éliciteurs qu’elle a trouvé la solution. Derrière ce nom en apparence bien compliqué se cache une petite molécule qui stimule les défenses naturelles de la plante. Le principe est proche de celui du vaccin inoculé aux humains, à la différence près que la plante, elle, ne produit pas d’anticorps. En mélangeant un extrait de champignon à une molécule issue d’une paroi dégradée de la plante, cette dernière reçoit un double signal d’alerte. Se sentant agressée, elle active alors immédiatement ses défenses naturelles. Grâce à cet entraînement, elle réussira lorsqu’une vraie menace se présentera, à s’en débarrasser seule.

Les pesticides synthétiques montrés du doigt

FytoFend vise en premier lieu les légumes produits sous serre, où la réglementation sur les résidus de pesticides est très stricte. La spin-off espère ensuite conquérir les vignobles, de plus en plus séduit par le bio, puis l’agriculture dans son ensemble. En effet, les signaux d’alerte contre les pesticides synthétiques se sont multipliés ces dernières années. La FAO (Food and Agriculture Organization of the United Nations) fait ainsi état d’une “proportion remarquable de pesticides toujours utilisés dans le monde” qui puissent être “considérés comme extrêmement dangereux“. Des effets toxiques pour l’Homme et pour l’environnement qui persisteraient sur le long terme, voilà ce qui effraie tant l’organisation. Elle préconise une réduction significative de l’utilisation de ces produits toxiques, voire “une interdiction progressive de ces composés“.

Des activistes anti-OGM protestent dans un champ près de Lyon, en France.
Des activistes anti-OGM protestent dans un champ près de Lyon, en France.© reuters

Pour FytoFend, la nécessité de telles mesures ne fait aucun doute. Sur le site de l’entreprise, on peut lire : “dans les années 90, une centaine de substances actives environ ont été utilisées comme pesticides en Europe. Depuis 2010, la législation européenne a engendré la disparition de 70% de ces substances“. FytoFend reproche aussi à l’industrie des pesticides synthétiques de dépenser chaque année 4 milliards de dollars, sans évoluer vers des produits plus sains pour autant. “Actuellement le taux d’arrivées de nouvelles substances actives est insignifiant comparé à la plupart des substances qui ont été retirées du marché“, lit-on.

Un business florissant

Ces grandes entreprises espèrent pourtant bien profiter elles aussi de l’expansion du marché du bio. L’Agence Bio, soutenue par l’Union européenne, a mené en 2013 une étude sur le sujet. Fin 2013, rien que dans cet espace communautaire, 257.323 exploitations agricoles se partageaient plus de 10,3 millions d’hectares de cultures biologiques. Cela représentait près de 5,7% de la surface agricole utile de la zone. Et ces chiffres, toujours selon cette même étude, n’auraient cessé d’augmenter au fil des ans. On estime aujourd’hui ce marché à 1,6 milliard d’euros par an.

Des géants, pas vraiment réputés pour leur engagement dans les bio-cultures, ont décidé de s’engouffrer dans cette manne financière. C’est le cas de Monsanto, Basf et Bayer. Tour à tour, ces grands groupes industriels ont racheté de petites entreprises spécialisées dans les traitements biologiques, à l’image d’AgraOuest, Becker Underwood, ou encore Novozymes.

Brandon Mitchener, responsable des relations publiques de Monsanto en Europe, ne cache d’ailleurs pas les vraies ambitions de la marque. “Nous nous rendons compte que le marché bio est en pleine croissance” a-t-il expliqué à la RTBF.

Perrine Signoret

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