Les entreprises wallonnes anticipent trop peu la transition environnementale

© Houet

Les entreprises s’adaptent aux contraintes réglementaires mais manquent trop souvent d’une vraie stratégie environnementale à long terme, pointe une étude d’EY.

La conclusion est venue d’Australie. Et même carrément du Premier ministre Scott Morrison qui déclarait en décembre dernier : ” On ne va quand même pas s’engager sur des objectifs climatiques irresponsables qui détruisent les emplois et nuisent à l’économie. ” Pourquoi donc Marie-Laure Moreau, associée EY (regional managing partner Wallonie), a-t-elle placé cette citation en exergue de son étude sur la manière dont les entrepreneurs wallons abordent la transition ? ” Parce que j’ai l’impression que beaucoup de patrons de PME pensent un peu cela mais n’osent pas vraiment le dire, répond-elle. Ils craignent de voir une couche supplémentaire s’ajouter à leurs coûts salariaux, à leurs obligations fiscales, à leurs difficultés de trouver la main-d’oeuvre nécessaire. ”

Les patrons seraient-ils majoritairement climatosceptiques ? Non. Comme tous les citoyens, ils constatent les effets des dérèglements climatiques mais, le nez dans le guidon pour assurer la bonne marche de leurs affaires, ils ne parviennent pas bien à anticiper les impacts sur leur business. Selon l’étude d’EY, 71% des patrons wallons se contentent d’être réactifs en ce domaine : ils s’adaptent et se conforment aux évolutions réglementaires mais ne vont pas au-delà ou plus vite. ” Cela n’empêche pas la bonne volonté mais, à ce stade, la vision reste économique plus qu’environnementale “, estime Marie-Laure Moreau.

Elle n’est pas pessimiste pour autant et retient de la même statistique que 29% des patrons sont, eux, proactifs et ont lancé des initiatives pour réussir la transition. Pas sûr qu’il y avait une telle proportion il y a cinq ans… ” La conscientisation est là, poursuit la représentante d’EY. Je suis convaincue qu’un capitalisme vert va naître : les jeunes générations nous y pousseront. ” Elle insiste sur les bonnes pratiques développées dans des entreprises wallonnes, de la recherche de nouveaux produits plus verts chez John Cockerill au parc photovoltaïque de Pairi Daiza en passant par la désignation d’une militante environnementale au CA d’IBA ou la création d’une green team chez NMC, un producteur de mousses synthétiques basé à Raeren. ” En lançant cela, ils sont poussés à revoir le business model sur base de critères environnementaux, explique Marie-Laure Moreau. Ce qui est particulièrement intéressant chez NMC, c’est que l’initiative est venue des collaborateurs. C’est du bottom-up ( du bas vers le haut, Ndlr). Cela montre qu’un changement d’état d’esprit est à l’oeuvre et que les sociétés doivent en tenir compte si elles veulent attirer et conserver les talents de la jeune génération. ”

La peur du changement

Les évolutions concrètes sont surtout palpables dans les entreprises d’une certaine taille, celles qui ont sans doute plus les moyens d’effectuer un vrai travail stratégique à long terme. Globalement, la stratégie environnementale reste simplement ” élémentaire ” pour 57% des entreprises wallonnes, sans véritable analyse des risques et des opportunités à moyen ou long terme. ” Il y a sans doute une question de moyens, analyse Marie-Laure Moreau, mais aussi une peur face au changement. La transition écologique doit aller jusqu’à la remise en cause de business models, du choix des lieux de production ou du type de fournisseurs. Je comprends que cela inquiète les patrons de PME, comme la robotisation a pu faire peur. Aujourd’hui, je vois que la disruption technologique a été plutôt bien intégrée par les entreprises de chez nous. ”

Cet attentisme est peut-être un message au monde politique : si vous voulez accélérer la transition, il faut prendre des mesures car trop peu d’entreprises se mettent spontanément en marche. Cela ne signifie pas forcément une multiplication et un durcissement des contraintes environnementales. ” Faisons preuve de créativité, conclut Marie-Laure Moreau. Une partie de la fiscalité peut être repensée pour soutenir les actions liées au climat, comme cela a été fait pour encourager l’innovation. Il y a moyen d’inciter les entreprises à faire évoluer leurs modèles. ”

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