Le “workation” ou prolonger ses vacances en télétravaillant: comment cela fonctionne?
Après deux ans de crise sanitaire, les Belges sont nombreux à partir en vacances à l’étranger. Et certains entendent bien prolonger le plaisir en télétravaillant depuis leur lieu de villégiature, avant ou après leur période de congé.
Le “workation”, ou l’art de combiner travail et vacances n’est plus un phénomène nouveau. Selon une enquête menée par la compagnie d’assurance Europe Assistance 18 % des Belges s’y seraient déjà adonnés.
“Le workation devient effectivement plus populaire, souligne Joël Poilvache, Directeur chez Robert Half, car le télétravail offre la possibilité de travailler à partir de n’importe quel endroit. En tant qu’employeur, il est important d’anticiper les questions venant d’employés ou de candidats et de les sensibiliser à ce que cela implique. Analysez ce qu’il est possible de faire dans votre entreprise et développez une politique de travail hybride claire, que ce soit local ou à l’étranger. De cette manière, les deux partis savent à quoi s’en tenir et les employés peuvent combiner leur travail avec un agréable moment en voyage, sans se faire de soucis.”
Ne pas négliger les avantages
Ce qui rend le workation si attractif, c’est la possibilité de combiner le travail avec des moments de détente. “Avec le télétravail à l’étranger, les entreprises voient une opportunité de faire un pas supplémentaire vers plus de flexibilité, affirme Joël Poilvache. Pour les employés, cela peut être un format intéressant pour travailler tout en prolongeant un peu plus longtemps le sentiment de vacances.” Autrement dit, après une journée de travail, dans un cadre enchanteur, vous pouvez passer la soirée à la plage à quelques encablures de votre chambre.
De plus, cette forme de télétravailler durant les mois d’été, ou même à d’autres moments, peut booster l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle, ce qui est un avantage non négligeable.
Même si le workation présente de nombreux avantages, cela ne se décide pas sur un coup de tête.
Pas de place à l’improvisation
Si le workation est une option attrayante, elle est parfois considérée à tort comme une évidence. Trop souvent les travailleurs ne se soucient pas du fait qu’il est parfois difficile d’être administrativement en ordre pour ce type de séjour à l’étranger.
La première étape est d’en parler avec votre employeur et d’obtenir l’autorisation de ce dernier.
Ensuite, ne pas perdre de vue que le workation doit être compatible avec la nature de l’emploi. Si vous partez à l’autre bout du monde, avec donc un important décalage horaire, vous risquez de ne pas pouvoir exercer votre travail correctement dans ces conditions… Mieux vaut donc privilégier une destination plus proche, en Europe par exemple. Et ne jamais perdre de vue que pour le télétravail à l’étranger, le principe est le même que pour le télétravail “classique”, c’est-à-dire que ce ne sont pas des vacances, votre patron est autorisé à vérifier si vous travaillez réellement. “Bien qu’il y ait en général plus de flexibilité depuis que le télétravail s’est imposé”, précise Frédéric Hespel, expert en emploi international chez Acerta Consult. Par exemple, “un employeur ne vous demandera probablement pas de travailler de 9h à 17h, mais il pourra vérifier la progression de votre travail ou vous demandera d’être présent lors de réunions vidéo. Il se peut aussi qu’il vous demande d’être en copie de certains courriers électroniques avec les clients, afin de ne pas compromettre l’avancement du travail.”
Finalement, il vous faudra, à votre employeur et à vous-mêmes, vous acquitter de quelques tâches administratives telles que vérifier que les conditions de travail soient quasi identiques à celles du bureau ou du domicile principal. Il est primordial aussi de s’assurer que cette manière de travailler soit tenable pour le travailleur, que pour l’équipe avec laquelle il collabore et que pour l’entreprise. Les questions des assurances et de la sécurité sociale doivent également être envisagées.
Assurances et législations sociales
Concernant les assurances, normalement en tant que travailleur, vous êtes couvert par l’assurance accidents du travail de votre employeur et ce même lorsque vous travailler de chez vous (pour autant qu’il existe un document entre les deux partis qui précise ceci). Mais en cas de télétravail à l’étranger, l’employeur doit vérifier “si son assurance couvre également les accidents du travail/télétravail à l’étranger et, le cas échéant, l’étendre. Pour être tout à fait en ordre sur ce point, un accord écrit autorisant le télétravail à l’étranger est donc recommandé” prévient le communiqué d’Acerta Consult.
Pourquoi cette précaution ? Simplement afin d’éviter toutes discussions à propos d’accidents survenus lors d’une workation”. “Si un employé retourne dans sa chambre pour travailler après être passé au buffet du petit-déjeuner et qu’il se casse le pied en tombant, vous pouvez argumenter qu’il s’agit bien d’un accident du travail, déclare Frédéric Hespel. Le salarié doit juste alors prouver que l’accident s’est produit pendant les heures de travail convenues.”
Il est important de vérifier aussi la législation concernant la sécurité sociale, car pour rappel vous n’êtes soumis à la sécurité sociale que d’un seul État membre (celui de votre domicile). Si votre séjour de workation est de courte durée (moins de 6 mois en tout cas) cela ne devrait pas poser de problème, car l’affiliation à la sécurité sociale belge pourra en principe être maintenue.
“Travailler depuis différents pays peut aussi créer une insécurité quant à la législation applicable au contrat de travail”, précisent Lucia Bellobuono et Kris De Schutter, avocats chez Loyens&Loeff et spécialisés en Droit du travail. “En fonction de la durée de télétravail à l’étranger, certains documents administratifs pourraient être requis, comme la carte européenne d’assurance maladie et, si cela a lieu hors de l’Europe, le permis de travail et/ou permis de séjour.”
Ainsi, si votre séjour à l’étranger devait excéder 6 mois, la sécurité sociale qui serait alors applicable risque de ne plus être la belge.
“Sur le marché du travail actuel, qui est tendu, la demande de toute forme de flexibilité est très élevée et chaque petite chose peut aider. Si, en tant qu’employeur, vous offrez la possibilité de télétravailler à l’étranger, cela vous procurera un avantage compétitif fort et non-négligeable, conclut le directeur de Robert Half. Pour autant que des accords clairs et qualitatifs soient conclus, l’autorisation du workation peut être une réelle valeur ajoutée pour les employés actuels et pour attirer de nouveaux talents.”
Et pour autant que tout soit mis par écrit.
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