Le vilain petit secret de la mobilité partagée

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Le retrait du service d’autos partagées Zipcar à Bruxelles met en lumière un souci pour la mobilité partagée : elle est généralement déficitaire.

Coup de tonnerre dans le monde merveilleux de la mobilité partagée : Zipcar a annoncé l’arrêt de son service à Bruxelles, Paris et Barcelone, à la fin avril. Son actionnaire, Avis Budget Car, estime que les pertes sont trop importantes et veut arrêter les frais.

Cette décision met en lumière une réalité : la mobilité partagée est souvent dans le rouge. La multiplication des initiatives dans les vélos, les trottinettes, les scooters et les autos partagées tendent à afficher des pertes. C’est aussi le cas d’Uber, parfois considéré comme un acteur de ce marché. Au troisième trimestre 2018 il avait réalisé 1,1 milliard de dollars de pertes pour un chiffre d’affaires de 2,95 milliards de dollars.

“Le bike sharing est bon marché pour les utilisateurs, mais cher pour la ville”

La plupart des mobilités alternatives cherchent leur modèle économique. “Elles doivent toutes être subsidiées d’une manière ou d’une autre, estime Michael Münter, de la ville de Stuttgart, rencontré en juin lors d’un congrés sur les smart cities, Urbagora, à Paris, qui tirait la sonette d’alarme. “Surtout s’il y a une infrastructure à financer. C’est le cas des vélos partagés, que nous subsidions, comme d’autres municipalités. Le bike sharing est bon marché pour les utilisateurs, mais cher pour la ville. Nous avons aussi la voiture partagée Car2Go, que nous ne subsidions pas, qui appartient à Daimler et qui perd de l’argent. Le problème se pose aussi pour les bornes de recharge de voitures électriques, la société qui les déploie enregistre des pertes.”

Ce diagnostic concerne en fait toutes les villes, Bruxelles compris. Les pertes sont financées par des actionnaires généreux et patients, ou par les pouvoirs publics. Après tout les transports en commun sont subsidiés, la même logique peut s’imposer pour la mobilité partagée.

“Cette situation est à peu près identique pour toutes les villes, poursuit Michael Münter. Pour Stuttgart, qui est une ville assez prospère, des aides publi- ques sont possibles dans une certaine mesure, mais que peuvent faire alors les villes moins riches?” Paris, par exemple, subsidie les vélos partagés Velib. L’usager n’en paie que 15% du prix, chaque vélo coûte au moins 2500 euros par an (déplacement, réparation, vandalisme,…) !

L’exception Cambio

Certains rares services partagés sont profitables, comme Cambio. Il propose des autos qu’il faut aller chercher et ramener à une station locale. Zipcar a misé sur un service à parking flottant. L’utilisateur prend une auto dans la rue, qu’il a repéré avec une appli sur son smartphone, et la laisse près de son point d’arrivée. Ce dispositif est plus pratique, mais plus lourd et impose de mettre en place d’un coup une flotte de plusieurs centaines d’automobiles sur une zone limitée, ce qui constitue un coût de lancement important. Le modèle basé sur des stations, comme Cambio, permet de démarrer plus petit et d’avancer progressivement, avec la demande.

Différentes logiques, différents modèles

L’explosion de l’offre de mobilité partagée, malgré de nombreuses pertes, s’explique de différentes manières. Dans certains cas, comme DriveNow, lancé par BMW, le service positionne le marque comme un acteur vertueux de la mobilité, et, au passage, permet de goûter la conduite des modèles, de donner envie de les choisir pour l’achat (DriveNow propose des BMW et des MINI). Les loueurs comme Avis ou Europcar, avec Ubeeqo, se développe dans l’auto partagée car elle constitue une extension de leur activité, c’est de la location. Avis stoppe Zipcar à Bruxelles, mais continue ses offres homonymes de véhicules basés sur des stations, notamment à Londres.

Dans d’autres, pour le vélo ou les trottinettes partagées, la logique de start up est à l’oeuvre. Les investisseurs ne se préoccupent pas des pertes pourvu que la croissance de l’usage grimpe et que la société domine en fin de course ce marché, en éliminant ses concurrents et en espérant une masse critique profitable, et peut-être une IPO pour vendre les parts à bon prix. Cette logique mène, pour les moins chanceux, à des abandons ou des réductions de voilure comme les vélos partagés Offo et GoBee.

Le temps des ajustements

Après l’euphorie des lancements, il faut s’attendre à des ajustements. Zipcar arrête, DriveNow est en train de fusionner avec Car2Go, le service concurrent de Mercedes. A qui le tour ? Les pouvoirs publics devront peut-être intervenir pour voir s’il est opportun de soutenir tel ou tel service de véhicules partagés, s’ils sont de meilleures solutions pour la mobilité et l’environnement. Et si le coût reste acceptable pour les finances publiques.

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