Plusieurs compagnies aériennes et aéronautiques ont déjà annoncé des cures d’amaigrissement, pour ramener l’offre au niveau d’une demande qui sera durablement affectée. Pendant un à deux ans.
Plusieurs compagnies aériennes et fabricants aéronautiques s’organisent pour tourner à 90%, 85%, voire 70% de leur capacité actuelle dans l’année ou les deux années à venir. Même British Airways, compagnie solide, envisage 16.000 départs et Ryanair, malgré ses amples liquidités, en annonce 3.000. Les fournisseurs suivent : le motoriste Rolls-Royce veut réduire son effectif de 8.000 personnes et son concurrent américain General Electric, de 10.000.
Les aides publiques, notamment sous forme de prêts garantis, ne suffiront pas à éviter des opérations de downsizing (diminution de taille). Les dirigeants d’Air France, d’easyJet et de Lufthansa ne s’attendent pas à un retour au trafic antérieur à la pandémie avant 2022, voire 2023.
Ces annonces visent à donner des indications aux investisseurs… un peu déboussolés. Certains préfèrent carrément oublier le secteur, comme Warren Buffett, patron du fonds américain Berkshire Hathaway, qui a liquidé ses participations dans les quatre grands transporteurs américains (United, American, Southwest et Delta) pour 6 milliards de dollars. Il estime que ce business a changé de manière trop radicale. ” Peut-être que j’ai tort et j’espère avoir tort “, a-t-il déclaré lors d’une réunion virtuelle.
Brussels Airlines en attente
Brussels Airlines, qui emploie 4.200 personnes, ne devrait pas, hélas, échapper à un amaigrissement. Filiale du groupe Lufthansa, quasi à l’arrêt jusqu’au 1er juin, elle espère parvenir à un accord pour obtenir une aide des pouvoirs publics belges (un financement de 290 millions d’euros) pour tenir la tête hors de l’eau. La négociation n’a pas abouti au moment où nous clôturons cet article, ce qui désespère les syndicats.
” Nous avons une réunion du conseil d’entreprise à peu près toutes les semaines, mais n’avons aucune nouvelle concrète sur l’évolution de la compagnie “, regrette Anita Van Hoof, secrétaire fédérale du syndicat Setca, secteur aéronautique. Celle-ci avait déjà négocié, avant la crise, les conditions d’un plan de départs volontaires pour améliorer la rentabilité et s’attend à discuter les conséquences de la crise actuelle. ” Nous recevons énormément de questions du personnel, en majorité à la maison, en chômage temporaire. Nous ne pouvons rien leur dire pour le moment “, précise-t-elle.

Cette incertitude a poussé les syndicats, jusqu’ici discrets sur le dossier, a sortir le 4 mai un communiqué commun CSC (CNE), Setca (FGTB), CGSLB et ACV Puls, pour déplorer ” que les différents Etats ne se coordonnent pas (…) afin d’avoir une stratégie commune ” pour les aides au groupe Lufthansa. Les négociations sont saucissonnées, chaque Etat discutant d’une aide pour la compagnie qui se trouve sur son territoire : la Belgique pour Brussels Airlines, l’Autriche pour Austrian, l’Allemagne pour Lufthansa et la Suisse pour Swiss. ” Nous observons qu’il y a déjà un accord pour Swiss “, note Anita Van Hoof. La crainte majuscule étant que ce processus soit fatal à Brussels Airlines, laissant le champ libre à Ryanair. ” Avec Brussels Airlines, il y a un vrai dialogue social, des conventions collectives. Avec Ryanair, c’est tout autre chose “, avance Anita Van Hoof.
Le secteur aérien est très sensible aux crises, celle-ci est particulièrement sévère. Il se caractérise toutefois par une croissance à long terme, jamais démentie malgré les chocs (bancaire, terrorisme, 11 Septembre, etc.). Il risque toutefois aujourd’hui une panne de quelques années.