Le secret professionnel: qui et quoi ?

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On en entend souvent parler mais sait-on vraiment ce que cela recouvre et qui est concerné ? En réalité, la matière est éminemment complexe et tout dépend à chaque fois du cas d’espèce. On ne peut donc pas tirer ici de généralités de ce qui suit.

Par Nicolas Roland, avocat Counsel au cabinet Stibbe

C’est l’article 458 du Code pénal qui nous donne un premier éclairage puisque celui-ci énonce que “les médecins, chirurgiens, officiers de santé, pharmaciens, sages-femmes et toutes autres personnes dépositaires, par état ou par profession, des secrets qu’on leur confie, qui, hors le cas où ils sont appelés à rendre témoignage en justice (ou devant une commission d’enquête parlementaire) et celui où la loi les oblige à faire connaître ces secrets, les auront révélés, seront punis d’un emprisonnement de huit jours à six mois et d’une amende de 600 à 3.000 euros.”

Toute la question est évidemment de savoir ce qu’est un “secret” ainsi que d’identifier une personne dite ” dépositaire”. C’est là que la jurisprudence nous permet d’en apprendre davantage, notamment en ce qu’il doit s’agir de personnes “investies d’une fonction ou d’une mission de confiance”, à l’instar d’avocats, de magistrats ou de ministres du culte. Il existe par ailleurs certaines lois qui désignent expressément les personnes qui sont tenues à ce secret, tels que les experts comptables ou les agents des finances. Par contre, il a déjà été jugé que les banquiers et les courtiers d’assurances n’y sont pas soumis.

Quant au “secret”, il porte sur tout ce que le professionnel a appris, même involontairement, dans l’exercice de sa profession. Or, en pratique, il n’est pas toujours facile de distinguer ce qui est appris dans ce cadre de ce qui lui est étranger. Ainsi, par exemple, un médecin ne serait en principe pas tenu à cette obligation de se taire sur ce qu’il a appris à l’occasion d’une conversation lors d’une soirée entre amis, contrairement à ce qu’il aurait pu apprendre en qualité de “confident nécessaire”.

Par ailleurs, pour qu’il soit question d’une violation du secret professionnel, il n’est pas nécessaire qu’elle ait lieu avec une intention de nuire. Il faut cependant qu’elle ait été faite sciemment, de manière volontaire.

En outre, il importe de relever que lorsque les personnes concernées ont le droit de divulguer des secrets, par exemple devant une commission d’enquête parlementaire, elles ne sont pas pour autant toujours tenues de le faire. En effet, sauf exceptions, elles disposent du droit de se taire. Egalement, dans certaines circonstances et avec l’accord de la personne concernée, il est permis de partager cette information avec quelqu’un d’autre si ce dernier est également tenu au secret et qu’il apporte son aide. Par exemple, une infirmière peut divulguer un “secret” au médecin quand cela s’avère nécessaire à l’aide médicale.

Enfin, il existe des situations dites de “nécessité” qui, en principe, peuvent justifier la violation du secret professionnel. Ainsi, en a-t-on jugé d’un médecin qui avait décidé de révéler aux autorités judiciaires l’endroit où se trouvaient les malfrats à qui il avait prodigué des soins et qui allaient commettre de nouveaux faits graves s’ils n’étaient pas rapidement arrêtés. Cependant, les conditions de cet “état de nécessité” s’apprécient avec rigueur et il y a donc lieu de faire preuve de la plus grande prudence lorsqu’on s’en prévaut.

Et si on n’est pas soumis à ce “secret professionnel”, peut-on alors révéler tout ce qu’on sait ? En principe non car il existe d’autres dispositions qui peuvent trouver à s’appliquer, telles qu’une obligation contractuelle de confidentialité ou des règles déontologiques, voire encore la loi sur le contrat de travail qui interdit au travailleur de divulguer des affaires à caractère personnel ou professionnel dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de son activité professionnelle, et ce tant au cours du contrat qu’après.

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