Le réseau de Clarisse Ramakers, directrice générale d’Agoria-Wallonie (Portrait)
Elle a pris la direction d’Agoria-Wallonie il y a tout juste un an. Sans réel background technologique mais avec un solide réseau et surtout un enthousiasme débordant.
Son rêve, c’était de rejoindre… un cabinet ministériel. Avouez que par les temps qui courent, ce n’est pas le rêve professionnel le plus répandu. “J’ai toujours eu un grand respect pour la chose publique, raconte Clarisse Ramakers. Mes parents (une maman institutrice et un papa employé chez Lhoist, Ndlr) n’avaient pas les mêmes opinions politiques, ça discutait beaucoup à la maison. C’est très bien car cela m’a poussée à me forger ma propre opinion en écoutant les différents points de vue.” Et vous le verrez, la désormais directrice générale d’Agoria-Wallonie a toujours conservé cette habitude de solliciter des avis contradictoires.
Son rêve de cabinet politique fut exaucé dès la sortie de l’université, où elle avait étudié le droit. A 22 ans, elle devient la collaboratrice de Charles Michel (MR), promu ministre wallon des Pouvoirs locaux. “J’étais la seule à être plus jeune que le ministre”, sourit-elle. Clarisse Ramakers y fait ses armes en compagnie de Valérie De Bue (aujourd’hui ministre du Tourisme) et Arnaud Dessoy (directeur du service d’étude de Belfius), avec qui elle a préparé la réforme du fonds des communes. “Valérie m’a appris à saisir l’aspect politique des dossiers et Arnaud la rigueur de l’analyse des chiffres, poursuit-elle. Je repense fréquemment à ce que j’ai appris à leurs côtés.” Le changement de coalition après les élections de 2004 mettra fin à cette aventure politique. “J’en ai pleuré toute ma dernière journée, se souvient Clarisse Ramakers. J’étais convaincue que je n’aurais plus jamais l’occasion d’avoir un job aussi intéressant.”
Elle avait étudié le droit, un peu par hasard, un peu pour se préparer à des dossiers politiques. “Je n’aurais sans doute pas dû choisir ces études, reconnaît-elle. Le droit, c’est souvent couper des cheveux en quatre. Or moi, je suis avant tout orientée solutions.” Elle a toutefois noué de solides relations amicales en faculté de droit de l’ULiège, notamment avec Stéphanie Bar (juge au tribunal du travail de Liège), Marie-Laure Benvenuto (juriste chez BNP Paribas Fortis) et Séverine Potier, juriste à la CSC. “Vous voyez, j’ai un ancrage syndical, rigole Clarisse Ramakers. Plus sérieusement, mon cercle d’amis proches et mon réseau professionnel sont vraiment distincts. Et c’est très bien ainsi.” Parmi les quelques exceptions, la députée Ecolo Veronica Cremasco, présidente de la commission de l’Economie au Parlement wallon, et dont les enfants fréquentent la même école que ceux de la directrice d’Agoria. “Nous avons souvent refait le monde ensemble sur le trottoir devant l’école”, dit-elle.
Un large spectre politique
Le droit n’étant pas trop son truc, Clarisse Ramakers complètera ses études avec un master en gestion à HEC en cours du soir (deux soirs par semaine plus le samedi pendant deux ans, c’est costaud). Avec ce background, elle rejoint l’Union des classes moyennes, comme conseillère pour les matières économiques. Elle connaît le monde de l’entreprise à travers son père mais aussi son frère qui a monté sa propre société de transport, dont elle est d’ailleurs administratrice. “Avec lui, je vis très concrètement les problèmes des PME et je peux vous assurer que, même en connaissant bien les arcanes administratifs, c’est compliqué”, dit-elle. C’est à cette époque qu’elle rencontre Arnaud Deplae (aujourd’hui secrétaire général de l’UCM), Christine Lhoste (cheffe de cabinet du ministre des Classes moyennes David Clarinval), l’actuelle vice-Première ministre Ecolo Zakia Khattabi, avec qui elle parle beaucoup de l’entrepreneuriat au féminin et le patron de la Sowalfin Jean-Pierre Di Bartolomeo. “Jean-Pierre, c’est une sorte de fil rouge dans ma carrière, précise-t-elle. Chaque fois que je suis engagée quelque part, il est dans le CA ou le comité de sélection. Je pense qu’il me connaît par coeur maintenant.”
On le voit, son réseau couvre un large spectre politique. “C’est essentiel d’écouter des contradicteurs, dit Clarisse Ramakers. Et finalement, au-delà des étiquettes, tous ces gens ont juste envie que leur pays ou leur région aille mieux. Si je suis libérale, c’est dans le sens de permettre à chacun de se prendre en main, de donner à tous les outils pour être autonomes. Ce n’est pas du tout opposé à une prise en charge du collectif. Quand je vois comment des patrons peuvent se battre pour défendre l’emploi dans leur entreprise, l’aspect sociétal et collectif est très présent aussi.”
Le métier de présidente
En 2010, Clarisse Ramakers quitte l’UCM pour prendre en charge la communication institutionnelle de l’Agence de l’entreprise. Elle y rencontre Emmanuelle Gendebien, aujourd’hui responsable de la communication de la Sowalfin et de 1890. “Je suis quelqu’un qui part vite dans tous les sens, Emmanuelle m’a appris la structuration, confie Clarisse Ramakers. Pendant cinq ans, nous avons formé un super duo pour travailler sur la sensibilisation à l’esprit d’entreprise, les bonus Innovation ou les premiers programmes d’intelligence stratégique.”
Ce chapitre durera six ans, jusqu’à un retour à l’UCM pour prendre la direction du service des études et du lobby. Elle représentera son organisme au CA de l’Awex, qu’elle présidera. Un rôle nouveau pour elle. “On n’apprend pas à présider des discussions, à tenter de trouver un chemin vers le consensus, en permettant à chacun de s’exprimer, explique Clarisse Ramakers. Quand on arrivait au vote, je considérais cela comme un échec, c’est que nous n’avions pas réussi à aboutir à une décision collégiale.” A l’Awex, elle noue des liens avec Pascale Delcomminette, Marie- Kristine Vanbockestal (administratrice générale du Forem) et Willy Borsus.
Le covid remet tout en question
Cette vie “tranquille” sera brusquement stoppée par la pandémie. Il faut dans l’urgence préparer le droit passerelle, les primes régionales et vérifier les règles en vigueur dans les différents types de commerce. Et puis, le patron de l’UCM Pierre-Frédéric Nyst est hospitalisé, victime du covid. Clarisse Ramakers se retrouve en première ligne et peut enchaîner jusqu’à 8 ou 10 interviews par jour. De cette période, elle retient tant “les formidables synergies” entre tous les acteurs qui n’ont pas compté leurs heures pour aider les indépendants en détresse (elle découvre Pierre Hermant, le patron de finance&invest.brussels et la secrétaire d’Etat à l’économie bruxelloise Barbara Trachte) que l’intensité de la charge émotionnelle. “La crise du covid m’a vraiment changé professionnellement, dit-elle. Je n’ai pas été formée à recevoir les appels de personnes en larmes qui pensent au suicide. Mon job, ce n’est plus que de la gestion de primes et des discussions sur les codes NACE, cette expérience m’use.”
Et c’est à ce moment-là qu’elle apprend que Dominique Demonté quitte la direction d’Agoria-Wallonie. Elle saisit l’opportunité et se plonge dans la défense d’entreprises d’une toute autre taille. Son premier rendez-vous de directrice d’Agoria-Wallonie sera pour le patron de John Cockerill, Jean-Luc Maurange. “C’était un peu mon grand oral, se souvient-elle un an plus tard. J’ai découvert chez lui et ensuite chez tous ces autres grands capitaines d’industrie un grand attachement à leur entreprise, à leur région, à l’emploi. Avec eux, je suis en contact avec les entreprises qui construisent demain, qui travaillent sur de nouveaux moteurs d’avion, sur l’hydrogène etc. Je ne suis plus engluée dans la crise d’aujourd’hui, je peux à nouveau me projeter dans l’avenir. Ça fait un bien fou.”
Resto à la maison
” Mon boulot m’amène souvent au restaurant. Alors, ça perd de son charme, dit Clarisse Ramakers. Je n’ai donc pas d’adresse fétiche à recommander. Mes amis, je les invite à la maison pour des carbonaras avec un bon primitivo. J’aime bien faire la cuisine, préparer des apéros, etc.” Elle ne fait pas que cela à la maison: Clarisse Ramakers est aussi une championne du bricolage. “Je peux passer un très bon moment avec un marteau-piqueur à désosser une salle de douche, à carreler, à peindre, confie-t-elle. Et après, on va au parc à conteneurs. Ça me met de bonne humeur de me délester des gravats et de tous les trucs poussiéreux qui traînent.”
Un téléphone à la main
“Je suis une addict au téléphone, admet-elle. Quand on ne répond pas à un message dans les cinq minutes, je trouve ça très long!” Elle utilise l’appareil autant pour pianoter que pour parler. Professionnellement, elle publie souvent sur LinkedIn. “C’est une manière de valoriser les membres”, dit-elle. Sur Facebook, ce sera un peu plus privé et sur Instagram, ce sera purement privé.
Pascale Delcomminette, directrice générale de l’Awex
“Nous nous connaissions un peu et nos liens se sont renforcés quand elle a présidé l’Awex en 2019. Clarisse a vraiment exercé une présidence exemplaire, avec beaucoup de bienveillance, de finesse mais aussi de fermeté et de détermination pour le nécessaire atterrissage des discussions. C’est une femme qui est vraiment dans l’écoute et qui a beaucoup de bienveillance. Elle a cette capacité à synthétiser les différents points de vue pour permettre d’arriver avec avec une décision dans laquelle chacun se retrouve.
On peut toujours compter sur Clarisse. Elle n’a pas d’agenda personnel, son objectif, c’est la croissance des entreprises et le déploiement de la Wallonie. Autant vous dire que nos analyses sont souvent alignées! Nous nous appelons souvent. Clarisse sollicite volontiers son réseau pour entendre des avis différents, avant de prendre une décision. C’est une personnalité positive, elle veut faire partie de la solution et, en ce sens, elle tire ses équipes et ses partenaires vers le haut.”
Alain Quevrin, directeur de Thales-Belgique
“Je suis actif dans les instances d’Agoria depuis des années et j’ai appris à connaître Clarisse depuis une bonne année maintenant. C’est une personne souple, ouverte, avenante, qui facilite les discussions. Elle a cette subtilité de comprendre l’écosystème dans lequel elle évolue. Même si elle répète souvent qu’elle n’a pas un bagage lié aux métiers technologiques, elle a l’intelligence de s’entourer de réflexions, d’avis. Elle aime comprendre les choses sur le terrain et cela me rassure pour l’avenir. Nous avons besoin de personnes comme Clarisse, qui restent proches des préoccupations du terrain. Son expérience des difficultés des petites et moyennes entreprises sera très utile à Agoria-Wallonie pour bien garder les pieds sur terre.
Nous avons de grandes entreprises avec une forte assise financière mais aussi tout un tissu de PME. Il faut savoir jongler entre ces deux mondes, les écouter, les articuler. C’est essentiel pour l’économie wallonne et je sais que Clarisse en est consciente et que ses contacts de terrain ne se limitent pas aux majors. Par confort et par manque de temps, on reste un peu trop dans des piliers alors que beaucoup de technologies sont traverses aujourd’hui. Il faut plus que jamais connecter les entreprises de toutes tailles.”
Serge Rangoni, directeur du théâtre de Liège
“Le théâtre de Liège travaille beaucoup avec le monde économique. Nous avons un club d’entreprises partenaires et nous travaillons sur différents projets, par exemple avec Agoria sur l’intelligence artificielle. C’est ainsi que j’ai croisé la route de Clarisse. Elle s’intéresse beaucoup à la culture en général et à la danse en particulier. Elle a rejoint notre conseil d’administration. J’apprécie son esprit ouvert, avec un très large spectre, et sa capacité à connecter des milieux et des modes de pensée différents.
C’est une personne de réseau, quelqu’un qui fait les liens, qui met les gens en contact. L’une de nos forces par rapport à de grands pays comme l’Allemagne ou la France est de pouvoir réunir, en peu de temps, des décideurs actifs dans différents domaines. Clarisse a vraiment cette capacité à connecter les gens.
On oublie parfois que nous sommes, nous-mêmes, une entreprise avec 62 ETP, plus le personnel artistique et tous nos sous-traitants. L’attractivité culturelle est l’une des forces que nous pouvons déployer pour l’économie de notre région.”
Stéphanie Bar, juge au tribunal du travail de Liège
“Je connais Clarisse depuis l’université, nous avons étudié le droit ensemble. Nous ne nous intéressions pas particulièrement aux mêmes matières. Elle, c’était plutôt les cours de droit commercial, de droit des sociétés. Elle mettait déjà un pied dans l’économie et la finance. C’est vrai que, dans son parcours professionnel, elle s’est beaucoup écartée de ses études de droit. On dit souvent que le droit mène à tout mais j’en connais peu qui ont pris une voie comme elle. Du droit, elle n’en fait pas beaucoup, je pense. Elle est bien chez Agoria car elle adore la technologie, elle aime bien discuter avec des ingénieurs, apprendre comment fonctionne tel appareil, telle machine.
J’apprécie beaucoup sa fidélité, sa fiabilité et, bien sûr, son enthousiasme. Son optimisme, sa joie de vivre font du bien. Même dans les moments difficiles, elle a toujours un sourire, une petite blague, un trait d’humour. Elle tient le cap, elle est très forte!
Quand elle est partante pour un projet, c’est toujours à 1.000%. Nous faisons de la course à pied ensemble. L’an dernier, nous avons fait le trail des 24 km de la Côte d’Opale. Et maintenant, Clarisse veut préparer un marathon. C’est elle, ça, elle veut toujours aller plus loin!”
Emmanuelle Gendebien, responsable de la communication de la Sowalfin
“Nous nous sommes connues à l’Agence pour l’entreprise et l’innovation. Nous partagions alors le même bureau et le même téléphone, ce qui a donné lieu à quelques situations cocasses car, comme elle vous l’a dit, Clarisse est très attachée à son téléphone. Plus sérieusement, ce fut un vrai plaisir de travailler avec elle. Nous sommes très complémentaires: elle a des tas d’idées qui fusent à la minute et moi je suis plus dans la structuration. Nous avons mis plein de choses en place ensemble, avec rapidité, efficacité et toujours un sens de ce qui sera utile à notre cible, à savoir les entreprises.
Pendant la crise du covid, on s’appelait souvent pour s’assurer de la compréhension des nouvelles mesures. Nous étions dans le même bain avec le même souci de pouvoir apporter les bonnes infos aux entrepreneurs. Nous avons vraiment en commun cette fibre communicante et ce souci de l’utilité.
Clarisse a une vision, elle aime profondément sa région et a envie que les choses bougent. C’est en cela que je la trouve inspirante. Depuis qu’elle est directrice d’Agoria- Wallonie, elle est souvent sollicitée pour des débats. J’essaie d’aller l’écouter, c’est chaque fois prendre un peu de hauteur.”
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