Le rachat de RTL par DPG et Rossel était la “seule formule envisageable”
Le rachat, annoncé lundi matin, de RTL Belgium à RTL Group par les groupes médias flamand DPG Media et francophone Rossel était, au vu de la situation, “la seule formule envisageable”, réagit Frédéric Antoine, professeur à l’UCLouvain et spécialiste dans l’analyse sociologique et l’économie des médias belges. Cette opération donne, selon lui, avant tout naissance à un nouveau groupe média transcommunautaire, qui sera un acteur très important sur le marché publicitaire belge.
Le rachat de RTL Belgium par des entreprises belges s’explique par une absence d’intérêt pour cette cible à l’international. Lorsque M6, également une filiale de RTL Group, a été mis en vente, personne en France n’a demandé à inclure RTL Belgium dans le paquet, constate Frédéric Antoine. La vente devait donc se faire vers un acteur belge, estime-t-il.
Et Rossel, qui avait déjà exprimé son intérêt pour RTL Belgium au moment du rachat de l’entièreté des parts des éditeurs belges dans la filiale par RTL Group fin 2020, était le seul acteur dominant du sud du pays qui pouvait se permettre une telle acquisition, analyse l’expert. Même s’il est néophyte dans ce domaine par rapport à son partenaire flamand. L’éditeur du Soir et des journaux Sudpresse n’avait en effet pas encore de décisions ou d’initiatives à prendre jusqu’à présent dans le pilotage de RTL Belgium.
En alliant Rossel avec DPG Media, un autre acteur dominant, mais du nord du pays avec VTM, Het Laatste Nieuws, Qmusic, Dag Allemaal, De Morgen, Humo…, c’est un nouveau groupe média privé transcommunautaire et national qui se crée, insiste-t-il, se demandant quel y sera le rapport de forces entre les deux partenaires.
Le deal n’a, en tous cas, pas pour première finalité de donner un avantage au groupe flamand en Flandre, relève Frédéric Antoine. Mais cela fera cependant de ce nouveau groupe un acteur très important et national sur le marché publicitaire, une première. IP, la régie publicitaire de RTL également chargée de commercialiser les espaces commerciaux de TF1 en Belgique, est en effet inclue dans l’accord.
Des synergies devraient probablement voir le jour en termes de contenus partagés entre les groupes acquéreurs et leur cible ou en matière d’achats de droits télévisés, suppose le spécialiste des médias.
Ces synergies seront-elles aussi rédactionnelles? D’après le professeur de l’UCLouvain, celles-ci sont “toujours à mettre en route”. “Les métiers ne sont pas les mêmes au départ. Rossel est encore très loin d’une approche à 360 degrés des médias. Chacun va un peu rester dans son propre univers et le pluralisme devrait être maintenu par des titres de presse assez différents”.
“Le rachat de RTL Belgium paraît comme la part visible d’un iceberg qui pourrait voir fusionner les médias audiovisuels privés du nord et du sud. Ce qui serait, là aussi, du jamais vu. Une sorte de retour au “monde d’avant” (la fédéralisation). Comme si, lorsqu’il s’agissait de lutter contre les GAFAM, les divergences linguistiques et culturelles retournaient au vestiaire. Une bonne chose? A condition que ce grand deal dont on parle aujourd’hui serve bien tout le monde. Et qu’il n’ait pas comme premier grand but de sauver l’audiovisuel privé flamand face aux plateformes, mais aussi face à Telenet, qui n’est jamais que la filiale belge du groupe US Liberty Global.”
La création de ce nouveau groupe belge privé et puissant sera-t-elle dès lors de nature à mieux lutter contre la main-mise des GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) et l’essor des Netflix et autres Disney+? Cela peut en faire partie. Mais Frédéric Antoine est convaincu que c’est l’union de l’ensemble des acteurs belges qui permettra de résister aux géants étrangers. En ce compris les opérateurs publics que sont la RTBF et la VRT, dont le poids en radio et TV en Flandre est très important. Et donc aussi avec une plateforme Auvio “de tous les médias” au sud du pays. “L’union fait la force ici, et ce le plus largement possible”, conclut-il.