Le pic d’activité des entreprises privées de gardiennage: “Nos agents sont en première ligne”
Les entreprises privées de gardiennage, chargées de missions spéciales liées à la crise sanitaire, connaissent un pic d’activité. Pour le moment, elles parviennent à répondre à la demande en faisant appel au personnel temporairement sans emploi mais risquent, au lendemain de la crise, de subir le contrecoup du fait de l’annulation de grands événements.
La crise sanitaire met également à rude épreuve les entreprises privées de gardiennage et de sécurité. ” Les agents sont en première ligne, souligne Danny Vandormael, président de l’Association professionnelle des entreprises de gardiennage (APEG) et CEO de Seris Belgique. Nos agents font respecter les mesures sanitaires dans les supermarchés et les magasins. Ils ont dû faire face à l’afflux des consommateurs tentés de faire des réserves et ils contrôlent aujourd’hui l’accès conformément aux règles de sécurité. Les hôtels font eux aussi davantage appel à nos services. Nous assurons l’ouverture et la fermeture des grandes gares pour le compte de la SNCB. A heures fixes avant la crise, à des heures sans cesse changeantes actuellement, ce qui exige une gestion irréprochable du personnel. Nous contrôlons le respect des nouvelles règles sur les chantiers de construction et dans les centres de production également. Nous veillons aussi à la sécurité sur les sites industriels, temporairement vides. Sans parler de nos clients réguliers. ”
Nous offrons un service à forte valeur ajoutée avec moins de main-d’oeuvre.
TRENDS-TENDANCES. Disposez-vous d’équipes de réserve ? Votre capacité suffit-elle à garantir les mesures de sécurité actuelles ?
DANNY VANDORMAEL. Pour le moment, nos entreprises de gardiennage arrivent à suivre. Elles peuvent déplacer le personnel habituellement employé par les clients qui ont fermé partiellement ou complètement, comme les aéroports. Seris, par contre, a épuisé ses réserves. Les congés ont été annulés, souvent à la demande des agents eux-mêmes. Ils prestent de nombreuses heures supplémentaires pour pallier les effectifs malades ou en quarantaine. Ces nombreux transferts rendent la gestion difficile. Sur le terrain, bonne volonté et sérieux professionnel sont de mise. Les agents savent qu’ils contribuent à la santé de la population. C’est plus qu’un job pour bon nombre d’entre eux.
Pendant la période de transition de la crise à la situation normale, un problème ne risque-t-il pas de se poser quand les missions liées au coronavirus prendront fin sans être remplacées par des tâches habituelles ? Bon nombre de compétitions sportives, de festivals et d’autres activités sont purement et simplement annulés.
Depuis le rachat de S-Protection il y a deux ans, ma société Seris est le numéro un de la surveillance événementielle. Pendant la courte période des festivals et des compétitions sportives, nous faisons généralement appel à des gardiens spécialisés. Une activité complémentaire pour bon nombre d’entre eux. Ils reprendront du service dès que la vie sportive et musicale reprendra normalement.
Comment se passe la collaboration avec la police en ces temps de crise ?
Bien. Les choses ont bien changé depuis les attentats du 22 mars. Avant, les sociétés de gardiennage n’étaient pas toujours bien vues. Nous symbolisions la privatisation des services publics. Certains syndicats de police voyaient en nous des voleurs d’emplois. Après les attentats à Zaventem et dans le métro, notre secteur a senti un regain de respect. La police sait désormais qu’elle peut se concentrer davantage sur ses missions essentielles du fait que nous assurons la sécurité en première ligne. Notre rôle ne se limite pas à surveiller les entreprises et les marchandises. Notre présence contribue aussi à la sécurité des citoyens.
Des accords clairs et précis ont été conclus concernant notre collaboration sur le terrain, lors de réunions de l’Otan et de l’Union européenne, de festivals et d’autres grands événements. Nous agissons de façon préventive pour assurer la sécurité de tous. Les agents observent, détectent et anticipent les situations problématiques, sur le terrain et à l’entrée. Si une intervention périlleuse s’avère nécessaire, nous appelons la police qui assure les actions physiques, juridiques ou privatives de liberté.
La plupart des hommes politiques ont eux aussi compris que nous faisons partie intégrante de la chaîne de sécurité. Comme le prouve la nouvelle loi qui réglemente notre statut.
Qu’est-ce que la loi Jambon change par rapport à l’ancienne loi Tobback d’il y a 20 ans ?
La liste des tâches que nous sommes habilités à effectuer a été complétée dans le cadre de la politique sécuritaire moderne. Les sociétés privées de gardiennage pourront surveiller encore plus de casernes pour permettre aux militaires de se consacrer à leurs missions de défense. Nos agents pourront être armés, comme c’est le cas actuellement à l’entrée des ambassades. La nouvelle loi autorise la police à mettre en oeuvre des moyens techniques mis à disposition par le secteur privé. Elle peut, par exemple, louer des caméras mobiles et des drones à une société privée de gardiennage et visionner les images avec des agents privés. Elle a ainsi accès aux équipements techniques de dernier cri. En cas de catastrophes, une inondation ou un accident ferroviaire, par exemple, nous pouvons sécuriser la zone sinistrée afin d’éloigner les visiteurs indésirables. Nous sommes très satisfaits de la loi Jambon.
Le changement sur le terrain est-il réel ?
C’est là que le bât blesse. Malheureusement, la plupart de ces nouvelles opportunités légales restent lettre morte en l’absence de décisions exécutives. Nous comptons sur le prochain gouvernement pour que les choses changent réellement.
Un exemple parmi d’autres : l’utilisation de drones. De nombreuses entreprises y ont déjà recours mais c’est exclu pour les entreprises de gardiennage. Nous ne pouvons exécuter que les tâches expressément autorisées. Les drones seraient pourtant fort utiles pendant les festivals. La détection des mouvements de masse importants est plus facile quand on prend de la hauteur qu’avec des caméras fixes et permettrait aussi une intervention plus rapide.
L’utilisation de drones aurait-elle permis de surveiller les rassemblements en rue, dans les parcs et sur les plages, interdits par l’actuel Conseil national de sécurité ?
Non. Les drones ne peuvent pas s’utiliser dans le domaine public. Par contre, la police pourrait louer nos drones et demander aux agents de gardiennage de visionner les vidéos sous la supervision d’un agent de police. Nous sommes parfaitement équipés pour assurer la sécurité grâce aux drones. Il ne manque que le cadre juridique. Les drones pourraient surveiller les ports et les sites industriels, par exemple. La caméra thermique dont certains drones sont équipés peut détecter les personnes cachées dans les buissons, de jour comme de nuit, ce qui n’est pas toujours possible à l’oeil nu.
Les missions nécessitant des moyens technologiques intéressent tout particulièrement votre entreprise Seris, leader sur le marché des installations technologiques de surveillance.
Effectivement. Nous sommes spécialisés dans l’intégration des équipements technologiques et le gardiennage. Les informations collectées par contrôle électronique servent notamment à optimiser les installations d’alarme. Concrètement, si des alarmes s’enclenchent systématiquement au même endroit ou se répètent régulièrement à un moment donné, nos techniciens en sont informés numériquement. Ils se rendent sur place pour trouver l’origine du problème, une erreur technique dans la plupart des cas. La réparation permet d’éviter d’autres défectuosités et évite des coûts inutiles au client qui paie chaque déplacement de l’équipe de surveillance. Nonante pour cent des alarmes sont de fausses alertes. Nous venons de signer avec bpost un contrat garantissant une approche globale et intégrée de la sécurité avec gardiennage, monitoring et gestion électronique.
Nous sommes parfaitement équipés pour assurer la sécurité grâce aux drones. Il ne manque que le cadre juridique.
N’est-ce pas étonnant de proposer une approche qui semble tout ce qu’il y a de plus logique dans le monde extérieur ? Securitas et G4S proposent eux aussi une approche globale.
Cela s’est fait ainsi. Nos deux grands concurrents proposent effectivement des applications technologiques mais se profilent davantage en spécialistes de la sécurité humaine. Après la reprise par un groupe français, nous avons décidé de renforcer notre position en nous positionnant en pionniers de la technologie. Tous nos systèmes sont interconnectés, plus que chez nos concurrents. Le système de caméra, par exemple, est intégré au système d’entrée. En cas d’effraction, la caméra s’oriente immédiatement vers le lieu présumé de l’effraction. Le dispatching décide de la nécessité d’une intervention. La réduction du nombre d’interventions d’agents permet de diminuer la facture. Nous offrons un service à forte valeur ajoutée avec moins de main-d’oeuvre.
Seris est actif en Belgique depuis 2006, depuis le rachat de la société de gardiennage Security de Rentokil par le groupe familial Securifrance. L’histoire de la filiale belge remonte à la Garde maritime (rebaptisée Garde maritime industrielle et commerciale, GMIC), la plus vielle société privée de gardiennage du pays, fondée en 1907 dans le port d’Anvers. Avec ses 2.000 employés, Seris réalise un chiffre d’affaires de 115 millions d’euros (2018) dans notre pays. Le groupe international affiche un chiffre d’affaires de 750 millions d’euros.
Seris Belgique mène cinq activités de front. Avec ses 73,5 millions d’euros de chiffre d’affaires, la branche gardiennage est de loin la plus importante. L’installation d’équipement de surveillance électronique représente un chiffre d’affaires de 25 millions d’euros. Seris Logistics signe un chiffre de 9 millions d’euros. Le transport de documents et de colis est la seule activité qui subsiste de la GMIC qui a revendu le transport de valeurs à Brinks. La branche monitoring (suivi des alarmes et visionnage des images à distance) représente un chiffre d’affaires de 6 millions d’euros. Seris Academy assure la formation des agents de gardiennage, tant en interne qu’en externe (1,5 million d’euros de chiffre d’affaires).
Fin 2019, Guy Tempereau, le propriétaire de Seris, a confié la direction de son entreprise au comité de direction pentacéphale dont Danny Vandormael (CEO Belgique) fait partie depuis cette année.
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