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Le pari d’Apple: penser au client

Il y a un ver dans le fruit. Apple, qui caracolait encore voici quatre mois à la première marche des capitalisations boursières ; Apple, dont la valeur avait dépassé en octobre 1.100 milliards de dollars ; Apple, autrefois la première entreprise mondiale, a chuté de son piédestal, perdant plus de 400 milliards de capitalisation boursière (presque l’équivalent de ce que notre pays produit comme richesse chaque année) en quelques semaines.

L’hallali a été sonné le 3 janvier, lorsque la firme a émis pour la première fois depuis des années un avertissement sur la marche de ses affaires : au premier trimestre 2019, ses ventes ne devraient atteindre que 84 milliards de dollars, soit 7 milliards de moins que ses prévisions. Une solide révision qui s’expliquerait, avoue Tim Cook, le patron d’Apple, par le fait que son entreprise ” n’a pas prévu l’importance de la décélération économique, en particulier en Chine “. Les guerres commerciales ne sont pas bonnes pour le business. Mais plus qu’un problème conjoncturel, l’évolution des ventes d’Apple nous raconte aussi comment la principale entreprise numérique mondiale essaie de se réinventer ” dans un monde qui change “.

Son spectaculaire développement, Apple le doit à un produit, l’iPhone. L’idée de combiner un lecteur de musique, un appareil photo numérique, un micro-ordinateur et un téléphone, pilotable par écran tactile, était géniale. Aujourd’hui encore, malgré la montée en puissance de concurrents redoutables (Samsung, Huawei, Xiaomi, etc.), l’iPhone à lui seul représente plus de 60% des revenus totaux du groupe. Mais le monde commence à être saturé d’iPhone. Et le XS, dernier rejeton de la famille, avec une mémoire de 512 Go, se vend 1.650 euros environ… Bien évidemment, à ce prix, plus personne ne peut renouveler son appareil tous les deux ans.

La firme, accusée il n’y a pas si longtemps d’organiser l’obsolescence programmée de ses produits, aurait ” viré sa cuti “.

Apple le sait et a entamé sa mue. Lors de la présentation du nouvel iPhone, en septembre 2018, Lisa Jackson, vice-présidente du groupe, a rappelé que désormais les usines Apple fonctionnaient avec 100% d’énergie renouvelable, mais a également fixé un nouvel objectif : qu’il n’y ait plus besoin, pour fabriquer les produits à la pomme, de consommer de nouvelles matières premières. Ce qui suppose d’avoir des produits pleinement recyclables, de pouvoir les tracer mais aussi d’avoir des téléphones qui durent longtemps. L’iPhone 5s, modèle qui a déjà cinq années au compteur, est désormais capable de faire tourner l’iOS12, le tout dernier système d’exploitation. Et Lisa Jackson ajoute : ” garder les iPhone en usage est la meilleure chose à faire pour la planète “. Apple, accusé il n’y a pas si longtemps d’organiser l’obsolescence programmée de ses produits, aurait ” viré sa cuti “.

” Quelle est la logique de cet accent mis sur la durabilité en tant que business model, s’interroge Horace Dediu, un des plus fins analystes d’Apple. C’est peut-être bon pour l’environnement, mais est-ce bon pour les bénéfices ? ” Réponse : oui. La firme a fait le pari que la durabilité n’était pas seulement une mode, mais un modèle d’affaires.

” Fondamentalement, explique Horace Dediu, Apple parie aujourd’hui sur le fait d’avoir des clients, et non plus de leur vendre des produits .” Prolonger la vie des téléphones, en vendant des appareils qui durent longtemps et qui peuvent avoir une vie sur le marché de la seconde main, c’est aussi élargir la base de ses clients. Il existe plus d’un milliard de personnes qui disposent aujourd’hui sur la planète d’un produit Apple : ordinateur, tablette et, surtout, iPhone. Une plateforme matérielle et logicielle unique au monde. Apple estime que c’est cela, sa véritable richesse. Un raisonnement qui n’est pas propre à la firme à la pomme (les banques, et de très nombreuses entreprises de très nombreux secteurs veulent aussi valoriser leur base de clients en augmentant les services qu’elles peuvent offrir via leurs applications). Mais quand c’est Apple qui emprunte cette voie, le message prend une dimension planétaire.

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