Le nucléaire, le moins coûteux pour rendre la Belgique neutre climatiquement
La combinaison de nouveaux petits réacteurs nucléaires et d’une augmentation de l’énergie éolienne en mer est l’option la moins coûteuse pour rendre la Belgique neutre sur le plan climatique d’ici à 2050 sans, dans le même temps, réduire la voilure de l’industrie en Belgique. C’est ce que révèle une étude d’EnergyVille commandée par Febeliec, la fédération des grands consommateurs industriels d’énergie en Belgique.
EnergyVille, un centre de recherche réunissant notamment les universités de Louvain (KU Leuven) et de Hasselt et d’importants instituts de recherche du nord du pays, a analysé un certain nombre de scénarios au cours des derniers mois en vue d’assurer la neutralité climatique de la Belgique d’ici 2050. L’objectif était d’examiner le système énergétique dans sa totalité (industrie, bâtiments, transport, électricité, agriculture) et d’identifier, en respectant la neutralité technologique, les meilleurs scénarios pour réaliser les objectifs climatiques 2050 au moindre coût tout en garantissant la sécurité d’approvisionnement. Une des hypothèses fondamentales de l’étude est que l’output industriel entre aujourd’hui et 2050 ne changera pas, souligne Febeliec.
Trois scénarios ont été étudiés
Un premier, de base, où les énergies renouvelables, le stockage et la réutilisation de CO2 et les molécules vertes contribuent à atteindre l’objectif. Un second, dit “d’électrification”, avec une contribution plus importante d’énergie éolienne offshore et de nouvelles unités nucléaires. Enfin, le troisième scénario s’est intéressé à une contribution plus importante des molécules vertes.
Parmi les principales conclusions, il apparait que, dans tous les scénarios, des investissements substantiels et des coûts opérationnels nettement plus élevés seront “indispensables”, allant de plus de 20 milliards d’euros (4% du PIB belge de 2021) annuellement en 2050 dans le scénario de base, à environ 11 milliards d’euros par an dans celui de l’électrification.
D’ici 2050, la demande finale d’énergie diminuera d’environ 30% par rapport à aujourd’hui, grâce à des gains d’efficacité énergétiques dans les bâtiments et le transport et à une électrification poussée, prédit EnergyVille. La consommation d’électricité, au contraire, doublera.
Les combustibles fossiles verront, quant à eux, leur part diminuer progressivement, pour complètement disparaître vers 2050. Ils restent cependant importants comme matière première dans certaines applications industrielles. Dans tous les scénarios, les investissements en capacités additionnelles en énergies renouvelables augmenteront fortement, tant en panneaux solaires qu’en éoliennes onshore et offshore, prévoit encore l’étude.
Le captage et le stockage ou la réutilisation de CO2 joueront un rôle important et sont indispensables pour atteindre la neutralité climatique dans certains secteurs avec des émissions inévitables, pointe-t-on encore. La flexibilité du côté de la demande sera dès lors essentielle afin d’absorber le volume croissant d’électricité renouvelable intermittente. Cette flexibilité proviendra de la recharge intelligente de voitures, des pompes à chaleur, mais aussi de l’appel accru aux technologies de stockage (dont les batteries) et la conversion énergétique de l’électricité vers des molécules (dont l’hydrogène).
Le choix le plus économique
Febeliec espère à présent que le gouvernement utilisera cette étude lors de ses futurs choix énergétiques, en gardant “toutes les options technologiques” ouvertes et en faisant le “choix le plus économique”.
Pour la fédération, une nouvelle capacité nucléaire ferait en tous les cas baisser fortement le coût moyen de l’énergie en 2050. C’est ce que montrent aussi les tableaux d’EnergyVille: dans le scénario avec capacité nucléaire, parallèlement à des investissements supplémentaires dans le solaire et l’éolien, le coût moyen s’élèverait à 56,49 euros par MWh. Dans les deux cas de figure sans énergie nucléaire, il serait par contre de 84,49 euros ou de 108,15 euros. Le scénario le moins cher, celui de l’électrification, prévoit près de 6 gigawatts de nouvelles capacités nucléaires d’ici 2050, soit davantage que ce qui est actuellement disponible à Doel et Tihange. Il inclut également l’accès à 16 gigawatts supplémentaires d’énergie éolienne en mer. Dans les cas de figure plus coûteux, sans énergie nucléaire, les molécules vertes, entre autres, joueraient un rôle plus important et il faudrait importer davantage d’énergie.
Le secteur de l’énergie est toutefois en pleine mutation, surtout depuis le début de la guerre en Ukraine, reconnaissent les chercheurs. Ils ont tenté d’en tenir compte mais ont dû s’appuyer sur un certain nombre de prédictions incertaines concernant, par exemple, l’évolution du prix du gaz. Le prix de revient des nouveaux réacteurs nucléaires, appelés “petits réacteurs modulaires” (PRM ou SMR en anglais), n’a pas non plus encore été totalement clarifié, mais les chercheurs disent avoir calculé de manière large.