Le fabricant de pralines Godiva n’envisage pas de quitter Bruxelles: “Notre lien avec la capitale est très fort”

© Kris van Exel

Des riverains ont déposé une plainte pour nuisances sonores contre l’usine de production de Godiva à Koekelberg en région bruxelloise. Même si le fabricant de pralines est confronté à des défis directement liés à la ville, la société fait taire les spéculations concernant un déménagement en dehors de Bruxelles.

Le manque d’espace, le prix excessif du foncier et les problèmes de mobilité sont les raisons les plus souvent invoquées par les entreprises qui quittent Bruxelles. En 2015, 2.860 entreprises ont fui la Région de Bruxelles-Capitale et en 2018, elles étaient 3.533, selon les chiffres de Statbel. “Il y a davantage d’entreprises qui quittent Bruxelles que de sociétés qui s’y installent”, déclare Nicolas Roelens, porte-parole de la secrétaire d’État bruxelloise chargée de la Transition économique, Barbara Trachte (Ecolo). “Mais des entreprises sont créées aussi sur le sol bruxellois.”

L’organisation patronale bruxelloise Beci tire la sonnette d’alarme depuis plusieurs années sur le nombre d’entreprises qui quittent Bruxelles. Quelques exemples : fin 2018, l’entreprise de pralines Leonidas annonçait qu’elle ne resterait probablement pas à Anderlecht. Peu de temps après, la chaîne de supermarchés Delhaize Le Lion révélait qu’elle déménageait son siège de Molenbeek-Saint-Jean à Kobbeghem.

Made in Belgium

Mais tout le monde n’envisage pas de mettre les voiles. Depuis 1926, la production du chocolatier Godiva est située à Koekelberg, une des communes les plus peuplées de Belgique. Dans le magasin de la Grand-Place de Bruxelles, nous avons rencontré Joao Paulo Da Cunha, le retail manager de Godiva pour l’Europe continentale. Le Portugais aborde d’emblée le point crucial justifiant une présence à Bruxelles : l’image. “Le label Made in Belgium, et par extension in Brussels, est extrêmement important pour Godiva”, indique-t-il. “Le chocolat belge est connu partout comme le meilleur chocolat du monde. Alors il doit bien sûr être produit en Belgique.”

Cette présence physique en Belgique est devenue encore plus importante depuis que la société d’origine belge est passée aux mains du holding turc Yildiz en 2007. En outre, le site de production de Koekelberg, ainsi que certaines activités asiatiques, ont été vendus au fonds d’investissement sud-coréen MBK Partners en février 2019. Depuis lors, 80% de la production de l’usine est destinée à l’exportation. Le Japon est l’un des plus grands marchés. Un kilo de chocolat y est vendu trois fois plus cher qu’en Belgique. Une bonne raison de mettre en valeur l’histoire belge des pralines.

“Le chocolat belge jouit d’une bonne réputation, non seulement au Japon et dans d’autres pays asiatiques, mais aussi en Europe”, déclare Joao Paulo Da Cunha. “En outre, c’est plus que du Made in Belgium. Bruxelles – en tant que coeur de l’Europe – joue également un rôle. Lorsque je dis aux clients de notre point de vente de la Grand-Place que leurs chocolats sont fabriqués à moins de 6 kilomètres, ils réagissent avec beaucoup d’enthousiasme.”

Mobilité

Le site de production situé dans la zone fortement urbanisée de Koekelberg étonne. La station de métro Simonis est toute proche et les rues qui l’entourent grouillent de voitures, de piétons, de bus et de vélos. “Pourtant, le problème de la mobilité n’est pas si grave”, déclare la directrice du marketing An Van der Spiegel. “Les camions arrivent généralement en dehors des heures de pointe”, poursuit-elle. “De plus, ils entrent chez nous. Ils n’encombrent donc pas la rue, ce qui bloquerait la circulation.”

“Les chauffeurs qui transportent nos chocolats vers le centre de distribution de Kampenhout ne se plaignent pas non plus des embouteillages”, affirme An Van der Spiegel. “L’usine est uniquement consacrée à la production des chocolats. Seuls les ingrédients doivent être livrés. Le conditionnement se fait ailleurs.”

“L’usine occupe 234 personnes, dont 169 ouvriers”, précise An Van der Spiegel. Un départ de Bruxelles poserait problème à la plupart de nos travailleurs, qui viennent des environs.”

Nuisances sonores

Il n’est donc pas question de départ, si l’on en croit An Van der Spiegel. Même pas dans les circonstances actuelles, alors que l’unité de production est confrontée à un nouveau défi propre à la ville. Récemment, Bruxelles Environnement a reçu des plaintes de riverains dont la tranquillité était perturbée de jour comme de nuit par le grondement des systèmes de refroidissement. Après qu’un test a montré que le bruit dépassait les normes de bruit autorisées, Bruxelles Environnement a demandé à Godiva de trouver une solution. L’entreprise a élaboré un plan visant à remplacer les anciennes installations par un nouveau système moins bruyant d’ici l’été 2020. “Cela représente un investissement relativement important”, explique An Van der Spiegel. “Et nous prévoyons à l’avenir d’investir encore plus dans la rénovation du bâtiment, qui date de 1921.”

An Van der Spiegel précise qu’un déménagement de Bruxelles ne serait pas si évident. “D’un point de vue historique, il est important que nous restions ici”, dit-elle. “Notre premier magasin a été ouvert à Bruxelles, et nous utilisons cette information dans notre communication avec nos clients. Le lien avec la capitale est très fort. Il serait désastreux de couper cette connexion.”

Licenciements

De plus, l’entreprise entretient de bonnes relations avec la commune de Koekelberg. “Elle tient compte de notre situation”, explique An Van der Spiegel. “Si des travaux de voiries doivent être réalisés, la commune essaie de les programmer à des périodes où notre production est plus réduite. Elle nous consulte toujours.” Même son de cloche du côté de la Région qui estime que de telles entreprises méritent son soutien. “Nous défendons les petites industries qui s’intègrent dans le paysage bruxellois, et réduisent la distance entre la production et la consommation”, déclare le porte-parole de la secrétaire d’État Barbara Trachte. “L’usine Godiva bénéficie d’un rayonnement international. Il est important pour Bruxelles que nous conservions cette image. Mais il est bien entendu essentiel qu’elle apporte une solution au problème des nuisances sonores.”

Début décembre, Godiva a annoncé le licenciement de quatorze ouvriers de son usine. Selon le directeur des ressources humaines, cette mesure n’est pas liée à une fermeture éventuelle du site. “Nous prévoyons une diminution de notre production par rapport à 2020. Parallèlement, nous annonçons un investissement de 5 millions d’euros pour moderniser notre usine. Nous voulons pouvoir répondre à la demande de manière plus flexible”, peut-on lire sur le site de RTL. “On ne peut jamais exclure un déménagement, mais ce ne serait pas notre choix”, a déclaré An Van der Spiegel. “Déménager une unité de production entière représenterait par ailleurs une procédure très coûteuse et très longue.” Et Joao Paulo Da Cunha d’ajouter : “Le regretté Pierre Draps, fondateur de Godiva, n’aurait jamais voulu cela. Si nous devions déménager, nous préférerions rester à Bruxelles.”

Traduction : virginie·dupont·sprl

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